C’est un diptyque très inhabituel que propose l’Opéra de Angers Nantes à son public avec deux œuvres de Manuel de Falla (1876-1946) : L’amour sorcier et La vie brève. La soprano Patricia Petibon est en fer de lance de cette soirée et participe avec talent au grand succès de ce diptyque très inhabituel, mais défendu par l’ensemble des artistes présents sur le plateau du Quai avec brio.
Les responsables de l’Opéra Angers-Nantes ont vu juste en programmant dans la même soirée deux œuvres assez courtes composées par Manuel de Falla (1876-1946). Si Patricia Petibon est la « star » invitée, elle est entourée d’artistes jeunes et, dans l’ensemble, très prometteurs ; quant à l’orchestre et au chœur ils se montrent l’un et l’autre parfaits.
Ce ballet composé entre 1914 et 1915, juste au début de la Première Guerre mondiale, a été remanié dès 1916 par de Falla lui-même pour orchestre symphonique et mezzo. Il a profité de cette réorchestration pour supprimer les dialogues parlés pour les remplacer par quatre parties chantées. C’est la jeune et séduisante mezzo soprano Lucie Roche qui chante le chef-d’œuvre de De Falla. Si les graves sont parfois poitrinés, la jeune femme dispose d’une très belle voix, plus proche du soprano que du mezzo car le médium et les aigus sont, eux, de très belle facture. Le chef d’orchestre espagnol Roberto Forès Veses dirige la phalange angevine d’une main ferme, précise mais assez « tranquille » puisque il joue l’amour sorcier en une trentaine de minutes (les chefs d’orchestre les plus rapides mettant environ 25 minutes). Nous regrettons néanmoins que la jeune femme ait été couverte à deux ou trois reprises par un orchestre visiblement très inspiré. Lucie Roche est aussi une belle comédienne puisqu’elle fait passer la gitane par une large gamme de sentiments contradictoires sans efforts.
Après une courte pause, le temps de préparer le plateau pour le chœur et une partie de l’orchestre qui n’arrivent que pour cette seconde œuvre. Et Roberto Forès Veses, comme pour l’Amour sorcier, prend les choses en main avec un brio et un enthousiasme entraînants. La direction est ferme, dynamique, parfois un peu bruyante mais fait honneur à Manuel de Falla. C’est Patricia Petibon qui incarne Salud ; la célèbre et sympathique soprano rousse ne se contente pas de chanter son rôle, elle EST Salud. La jeune fille tellement amoureuse de son Paco qu’elle en meurt dès qu’elle découvre qu’il en épouse une autre. La voix est ferme, parfaitement maîtrisée, avec un large ambitus épousant parfaitement la tessiture du rôle. On retrouve avec plaisir Lucie Roche dans le rôle de la grand-mère (Abuela) ; même si elle n’a pas d’air propre elle veille avec amour sur cette petite fille qui n’a pourtant pas d’autre destin que de mourir d’amour très jeune. Le ténor argentin Carlos Natale campe un Paco manipulateur à souhait malgré un discours laissant penser qu’il est amoureux de Salud. La second « vedette » de cette seconde partie de soirée est Laura Gallego Cabezas (la cantaora) qui, accompagnée par un guitariste brillant, chante une pièce de flamenco très entraînante ; et on prend un vrai plaisir à l’écouter tant elle même prend un plaisir gourmand à célébrer les noces de Paco et Carmela. Jean Luc Ballestra (Tio Sarvaor) et Sophie Belloir (Carmela) complètent avec bonheur une très belle distribution. Nous saluons aussi le très beau travail de Xavier Ribes, le chef de chœur d’Angers Nantes Opéra qui a également fait travailler les sept solistes issus de ses rangs : Sung Joo Han, Carlos Montenegro, Seungmin Choi et Pablo Castillo Carrasco chez les hommes ; Florencia Machado, Evelyn Vaergara et Hélène Lecourt chez les femmes.

Installé sur la scène du Quai CDN, l’Orchestre National des Pays de la Loire est dirigé pour cette soirée 100 % de Falla par le chef espagnol Roberto Forès Veses. La phalange angevine parfaitement préparée donne le meilleur d’elle-même tant dans l’Amour sorcier que dans La vie brève. Et même si on peut regretter des nuances parfois forte, nous apprécions la très belle interprétation de ces deux œuvres certes courtes (trente minutes pour l’Amour sorcier et une heure dix pour La vie brève) mais de très belle facture.

C’est une très belle soirée espagnole que nous a proposé l’Opéra Angers Nantes. Ce sont les deux versions de 1916 pour L’amour sorcier et de 1913 pour La vie brève que l’Opéra de Angers Nantes a choisi de programmer et on ne peut que s’en réjouir, car cela nous a permis de profiter des belles voix qui ont donné vie à ce très beau programme. Et le bis réjouissant, un tango langoureux dansé avec talent et humour par Laura Gallego Cabezas, achève de mettre un public nombreux et très réceptif.
Visuel : © Delphine Perrin