Lundi matin au Carreau du Temple, un disque pas comme les autres a été joué pour la première fois devant un public. Pressé à partir de l’eau de fonte de la Mer de Glace, il se consume au fil de sa lecture. La voix des Glaciers : un film, une œuvre éphémère porteuse d’un cri d’alerte.
« Je suis la Mer de Glace, je suis la voix des glaciers. » La phrase résonne dans l’auditorium. Lundi 8 décembre à 9h, 1% for the Planet France et l’initiative 1% pour les Glaciers ont orchestré un événement avec une mascotte pour le moins originale : un vinyle entièrement de glace.
Il faut s’habiller chaudement pour suivre notre guide du jour, Ghost in the Loop, musicien et compositeur, jusqu’à son lieu de travail. La haute montagne, lieu de rencontre avec ceux qu’il traite en partenaires d’improvisation : les glaciers alpins. Un craquement, un son, un ruissèlement, une vibration… il enregistre tout à l’aide de ses micros avec pour but de faire découvrir au plus grand nombre les mélodies intimes de ces géants qui fondent à vue d’œil. C’est avec cette eau, recueillie à même la glace par des glaciologues, que Barthélemy Antoine-Loeff a travaillé. L’artiste, qui se présente comme « éleveur d’icebergs », l’a coulée dans un moule reproduisant les sillons d’un disque classique avant de le congeler. Résultat : un disque qui tourne sur une platine comme n’importe quel disque de votre étagère. Seulement, lui, a la particularité de fondre au contact de l’air ambiant. Les sillons s’effacent. La musique s’éteint. Le silence s’installe. Métaphore des colosses qu’il incarne. L’art et l’ingéniosité au service d’une cause qui mérite d’être entendue. Cette expédition glaciaire a été immortalisée par Maël Sevestre, frère de la glaciologue Heidi Sevestre, marraine de l’initiative. Un film qui donne corps à ce projet, où l’art et la science se rejoignent pour un même combat.
On se tait. Puis, on pose le diamant dans le sillon. Et on part en virée. Sur la bande sonore, Mosimann incarne le glacier. L’artiste et producteur franco-suisse prête sa voix à la Mer de Glace elle-même, qui raconte son histoire millénaire et son agonie actuelle. Autour de cette narration, une musique électronique immersive. La composition traduit en sons la fonte progressive : chaque note correspond à une mesure du glacier, déclinant vers les graves à mesure qu’il rétrécit, jusqu’à ce « si » final qui sonne comme un adieu.
Le 33 tours cristallise ainsi le travail des scientifiques. Bien qu’éphémère, il est un objet symbolique, moteur d’actions. Au demeurant, cette fragilité n’est pas un défaut. C’est le cœur du message. Isabelle Susini, directrice de 1% for the Planet France, rappelle que son réseau a reversé près de 87 millions d’euros à des associations environnementales dans tout le pays depuis 2002. Mais face à l’urgence, les constats ne suffisent plus. Car dans un monde où 529 fake news climatiques ont été répertoriées par Data for Good depuis le début de l’année, les glaciers, en plus de manquer de visibilité, sont ensevelis par de mauvaises informations.
Ce vinyle seul ne parviendra pas à changer les choses. Chaque écoute est unique, chaque fonte irréversible. Comme les glaciers français, qui ont déjà perdu 40% de leur volume en vingt-cinq ans. La Mer de Glace, aujourd’hui condamnée, continue pourtant de faire entendre sa voix. Cette performance marque le point d’orgue de l’Année internationale de la préservation des glaciers, proclamée par l’UNESCO. L’opération 1% pour les Glaciers vise à collecter 100 000 euros pour six associations de préservation des glaciers et de protection des écosystèmes post-glaciaires. À ce jour, 75 000 euros ont été récoltés.
© Image d’illustration : autorisation de l’agence reprazent