La preuve par l’image

par La redaction
14.11.2025

C’est la semaine de la photo à Paris qui donne à voir une multiplicité d’images, allant du photoreportage à des créations alliant IA et imaginaires. Au Grand Palais, l’édition est élégante, riche et sage. Comme un grand paysage de beautés pas trop inconnues. C’est aussi la semaine des 10 ans des massacres du 13-Novembre. Une décennie d’innovations est passée jusqu’à ce que des IA, nourries de millions d’images qu’on ne prend pas tout à fait la peine de protéger, puissent être totalement autonomes pour créer des deepfakes.

Notre rapport aux images aurait dû changer, et pourtant, lorsqu’on scrute les expositions, les scènes et surtout notre rapport aux réseaux sociaux, les réflexes de photo checking n’ont pas beaucoup évolué depuis l’arrivée de Photoshop : les selfies pour prouver qu’ « on y était » sur nos murs facebook se sont transformés en challenges et moues face caméra sur Instagram et TikTok. BeReal vient mettre un peu d’ordre et d’authenticité dans les bobards des Gen Z, mais dans l’absolu, le visage est une réponse à la méfiance et un passeport qui rassure nos vigilances.

Certes, les opéras et les pièces utilisent un peu moins de film en direct des visages, mais c’est un outil-vérité toujours prisé, comme dans le Hamlet de Serebrennikov, et malgré les multiples questions qu’on lui pose depuis les années 1970, le photojournalisme est encore l’empereur de la discipline, avec des reporters de guerre, aussi bien que des influenceurs, assez courageux pour nous rapporter des images des fronts.

Ainsi, à l’heure des fake news permanente, l’image reste étonnamment une preuve : pour y croire, il faut voir. Plus encore, pour y croire, il faut y voir « vrai ». On le sait, que ce soit en littérature avec l’autofiction ou au théâtre avec notamment les portraits de Laurène Marx, la distance entre le jeu et la représentation s’étiole volontairement. On a pu s’en rendre compte particulièrement lors de notre reportage à Helsinkski au festival Moving in November où la directrice Kerstin Schott a véritablement banni les gradins de son programme d’ouverture afin que la preuve que l’artiste est en prise directe avec le public soit donnée par la construction d’images inoubliables, telle la puissance de Michäel Turnisky ou les regards de Marie Topp.

Ainsi l’image vraie continue de se décliner. Et alors même que nous sommes censés avoir brisé nos idoles nous dictons la fabrication des images à nos ordinateurs. Il s’agit de voir en face un monde où nous avons besoin des images, peut-être bien plus qu’elles ont besoin de nous pour exister.

Bonne et belle semaine,

Amélie et Yaël

13.11.2025 → 16.11.2025

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