Dennis Morris, vêtu de son long manteau au motif Vichy, de ses chaussures pointues couleur prune et de ses lunettes aussi chics qu’extravagantes, nous livre une exposition absolument Cultissime dans un lieu tout aussi emblématique : la MEP. Music + Life est la première rétrospective de l’artiste britannique Dennis Morris en France. Visible du 5 février au 26 mai 2025, l’exposition réunit une sélection inédite de ses photographies, offrant un regard intime sur son parcours et son influence.
Ici, il est question de passion, de la découverte d’une vocation et d’une sensibilité aiguë pour l’humain. Alors âgé de 9 ans, Dennis fait partie d’une chorale, qu’il présente dès le début de la visite. Le directeur du club lui offre son premier appareil, un Kodak Brownie. Il tombe en amour pour la photographie, qu’il décrit comme étant « magical » : un nouvel univers s’offre à lui.
À travers son nouvel œil, il capture la vie et l’Histoire de peuples, dont celui des Antillais récemment arrivés en Angleterre. Se loger est difficile mais ils se battent : ils se divisent les grosses maisons en « appartement », chaque famille vit dans une pièce.
Pourtant, Dennis brandit leur fierté dans ses tirages : les pièces sont agencées de telle sorte qu’ils séparent le salon de la chambre avec un rideau, ils habillent leur intérieur de fleurs en plastique, et surtout, ils prennent soin de leur apparence : le style est prééminent.
Les gens le prennent pour un fou, chaque mouvement est capturé sous l’œil attentif du photographe. Bientôt, il créera un petit studio dans son appartement, Dennis est un photographe excellent et peu cher. Malgré les obstacles liés à cette époque, les gens avaient la hargne de vivre et de se battre.
La musique est très importante pour les communautés antillaises, elle est même vitale. Pour danser et chanter, ils se retroussent les manches pour créer eux-mêmes leurs enceintes, leurs amplificateurs et leur tourne-disque. C’était là encore l’occasion de se mettre sur son 31. Mais Dennis nous met en garde : attention aux chaussures ! Il ne fallait surtout pas se marcher sur les pieds, elles étaient trop importantes, trop chères.
Alors âgé de 16 ans en 1973, Dennis décide de sécher les cours, muni de sa troisième main : son appareil photographique. Ayant entendu dire que Bob Marley se rendrait dans un certain club de Londres, il l’a attendu de pied ferme, dès 10 heures du matin.
Dès leur première rencontre, le chanteur invite Dennis à l’accompagner en tournée : « J’ai sauté dans la camionnette. Bob s’est juste retourné pour me demander : « T’es prêt Dennis ? » « Prêt » ai-je répondu en déclenchant mon appareil. ». Au-delà de la photographie, un lien s’est tissé entre les deux hommes. Dennis confie notamment que Bob l’a aidé à apprendre à devenir fier d’être un homme noir : « Bob Marley m’a donné une conscience de moi-même, il m’a montré comment garder les pieds sur terre, il m’a enseigné la spiritualité et mon histoire d’homme noir. Ensuite le Punk est arrivé et il m’a appris à enfoncer la porte. »
L’exposition de la MEP offre une plongée dans l’univers du Punk et des Sex Pistols, photographiés sous tous les angles, faisant ressortir leur chaos, comme en témoigne la photographie de la chambre d’hôtel sans dessus-dessous. Les Pistols et Dennis ont grandi dans les mêmes quartiers raconte-t-il, dans l’East End de Londres. Il partage leur colère, qu’il a vécue en tant qu’homme noir.
Dennis a également façonné la métamorphose de Johnny Rotten des Sex Pistols en John Lydon pour son nouveau groupe Public Image Limited (PiL). C’était alors que Dennis se transforme en styliste pour réinventer John, créant pour chaque membre du groupe une couverture de magazine, destinée aux couvertures de l’album.
La présentation des photographies de Dennis s’achève avec une touche de nostalgie et une profonde admiration admiration pour Marianne Faithfull, une femme qu’il décrit comme étant « magnifique », dans tous les sens du terme.
À travers Music + Life, la MEP nous invite à redécouvrir l’œuvre de Dennis Morris avec une sincérité désarmante. Plus qu’un simple témoin, il s’impose comme un acteur de la culture musicale et sociale des années 1970 et 1980. Son regard unique, empreint de respect et d’audace, donne à voir la puissance de ses sujets, leur force et leur humanité.
Visuel principal : © Angélina Zarader
Visuels de l’article : © Dennis Morris
1 – « Little boy with glasses and white short »
2 – « Girl with white short dress posing at blues dance »
3 – « Bob on tour bus – Babylon by van »
4 – « Sid muscles yellow »
5 – « PIL contact sheet colour »
6 – « Marianne Broken English »