En faisant la lumière sur le système de l’arbitrage, Amina Hassani expose dans l’essai La Justice du capital. Quand les multinationales (dé)font la loi une face bien particulière de la justice, celle du capital.
Prenons un exemple frappant. Avec la catastrophe de Fukshima, les Allemands prennent conscience du risque que fait peser l’énergie nucléaire. Angela Merkel décide de faire sortir son pays, petit à petit, de la dépendance à cette énergie. Conséquence : 17 réacteurs nucléaires du pays sont arrêtés. Les entreprises exploitantes (RWE, E.ON, Vattenfall et EnBW), s’estimant lésées, poursuivent l’Allemagne sur la base du traité sur la Charte de l’énergie. Si bien que l’Allemagne se retrouve à indemniser ces entreprises à hauteur de 2,8 milliards d’euros… Ce mécanisme, l’arbitrage d’investissement, permet ainsi aux multinationales de poursuivre devant ses juridictions les Etats dont les décisions contreviennent à leurs intérêts.
La Justice du capital. Quand les multinationales (dé)font la loi démontre à quel point ce mécanisme est obscure, bien souvent inconnu du grand public. Les décisions rendues par l’arbitrage sont confidentielles, et il faut bien toute la pédagogie d’Amina Hassani, qui a fait une thèse sur le sujet, pour nous faire comprendre les mécanismes de cette justice. L’auteure revient notamment sur la naissance du concept d’arbitrage, lié aux indépendances et à la volonté des anciens colonisateurs de garder une prérogative sur certains champs économiques des anciens pays colonisés. Le livre explique à quel point la nationalisation du canal de Suez par Nasser en 1956 fut un choc et une prise de conscience pour les Etats capitalistes occidentaux.
L’essai démantèle également le fonctionnement de ces tribunaux où les rôles sont interchangeables : les juges peuvent être avocats, les experts juges, etc. On comprend alors l’intérêt économique des cabinets d’avocats spécialisés dans l’arbitrage, qui poussent leurs clients à attaquer en justice les Etats. « Plus les multinationales poursuivent les Etats, plus les intérêts privés sont menacés par l’intérêt public, plus les sommes en jeu sont astronomiques et plus ces professionnels du droit en tirent financièrement avantage… » Déprimant, La Justice du capital montre très bien que ce processus d’arbitrage va à l’encontre du bien commun, notamment sur les questions environnementales. Un petit livre très clair qui vous fera découvrir un mécanisme bien souvent révoltant.
La Justice du capital. Quand les multinationales (dé)font la foi, Amina HASSANI, La Fabrique éditions, 220 pages, 14 euros
Visuel : © Couverture du livre