Le Théâtre de la Reine blanche accueille jusqu’au 19 avril cette pièce de Yann Dacosta, adaptée du livre Un homo dans la cité de Brahim Naït-Balk et destinée initialement à être jouée dans des établissements scolaires pour attirer l’attention des jeunes sur les méfaits de l’homophobie.
Un jeune homme d’origine marocaine, qui erre au gré des choix de son père de Saint-Étienne à Montceau-les-Mines, puis Asnières, Aulnay-sous-Bois et sa fameuse cité des Trois mille, un bref séjour au Maroc et, enfin, la cité Danton de Sèvres. Un jeune homme qui n’aime pas le foot, mais qui sait faire des blagues et se sert de cet art pour faire sa place dans les équipes dédiées au ballon rond. Un jeune homme qui n’a pas de compagne, mais se trouble étrangement lors des bagarres entre hommes. Une première histoire d’amour (très) tardive en raison de la honte – hchouma en arabe – qu’il associe aux relations homosexuelles. Et des viols punitifs, qui se répètent inlassablement.
Voici le portrait de Brahim, dont La Hchouma nous relatera l’histoire. Son personnage est pris en charge par les deux acteurs de la pièce, Ahmed Kadri et Majid Chikh-Miloud, qui lui donneront chacun une dimension singulière. Principal accessoire de la mise en scène, un ballon de foot, utilisé comme bâton de parole par les deux acteurs, mais aussi comme instrument de musique à percussion : le son de ses rebonds contre le mur martèle les viols dont Brahim fut la victime. Ce choix fonctionne à faire éprouver au public la brutalité de ce qui se joue.
D’autres personnages émaillent le texte : les tortionnaires de Brahim, mais surtout sa mère, jouée quelques instants par un Ahmed Kadri qui rabat pour l’occasion sa capuche sur sa tête en manière de voile pudique. Une mère dont l’auteur salue l’amour et le courage, face à un père autoritaire, sinon tyrannique. Une mère présente dans la salle lors de la représentation du 5 avril, mais qui fut en sortit, bouleversée par la représentation des violences subies par son fils.
On l’aura compris, l’enjeu de cette pièce est civique davantage qu’esthétique : il s’agit de rendre compte de l’histoire – vraie – de Brahim Naït-Balk, et avec elle d’inviter les jeunes spectateurs à s’interroger sur leur propre comportement à l’égard des jeunes homosexuel·les. Ce bord plateau prend une allure différente lorsque le spectacle est proposé à des adultes : les acteurs et l’auteur, présent, font surtout état des échanges, avec les lycéen·nes et collégien·nes, dont les réactions sont parfois très violentes.
Ils ont à cœur de rappeler que l’homophobie n’est pas l’apanage des cités HLM ou des milieux musulmans, mais se rencontre dans tous les milieux – les scandales du collège Stanislas, au centre de Paris, en témoignent. Peut-être est-ce là que la pièce pèche : le récitant de La Hchouma, à force de resituer continuellement les réactions des sien·nes dans la « culture musulmane » donne la fausse impression d’une relation entre l’islam et l’homophobie. Or, il n’en est rien, et il est dommage que la pièce ne le fasse pas comprendre plus clairement.
Cela n’empêche par La Hchouma de toucher profondément son public, mais montre que les discussions d’après représentation sont là absolument nécessaires.
La Hchouma, de Yann Dacosta, d’après le roman Un Homo dans la cité de Brahim Naït-Balk. Au Théâtre de la Reine blanche jusqu’au 19 avril.
Visuel : © Pascal Gély