07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté    07.01.2024, Jean Marie Le Pen est enfin mort    01.01.2025 : Décès de l’écrivain britannique David Lodge    03.01.2025 : Philippe Caubère : les comédiennes Agathe Pujol et Pauline Darcel témoignent des violences sexuelles subies    30.12.2024 : Disparition à 39 ans de la chorégraphe et danseuse sud-africaine Dada Masilo    23.12.2024 : Rachida Dati demeure ministre de la Culture    21.12.2024 : Mort de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté
Actualités
Agenda
Scènes
Podcasts
Auteurs et Autrices
Partenaires
Qui sommes-nous?
Contact
Agenda
22.01.2025 → 18.02.2025

La Discult ép. 13 : Marion Corrales et Céline Sallette

par Yaël Hirsch
17.01.2025

Dans ce nouvel épisode de La Discult, Yaël est allée à la rencontre de  Marion Corrales et Céline Salette pour la création de la pièce La beauté intérieure , qui se donne huit fois au Théâtre de la Concorde du 22 janvier au 18 février. Dans cet entretien sensible, féministe et lumineux, l’auteure compositrice et la comédienne réalisatrice et metteuse en scène racontent leur travail et aussi tout ce que les mots et le jeu peuvent faire, notamment pour se permettre de faire grandir sa beauté intérieure.

Est-ce que vous pouvez me parler du titre La beauté intérieure, qui est magnifique? 

 

Marion Corrales : C’est le titre d’un conte que j’avais écrit quand j’avais 9 ans. En fait, j’écrivais des poèmes et des contes, j’en parle dans mon spectacle aussi. Et ça parlait d’un chevalier qui était laid, qui avait une laideur telle qu’il a été exilé par son père, et il doit trouver le parchemin de la beauté. Donc il y avait ce rapport de : si t’es pas beau tu survis pas ; en tout cas dans mon imaginaire visiblement il y avait ça. C’est un peu étrange mais ça fait partie des thématiques justement de la beauté intérieure après dans le spectacle. Et en fait le spectacle ne part pas de ça à l’origine … 

 

Céline Sallette : En fait si, le spectacle c’est la revisitation de ton enfance et de ton parcours pour devenir une femme regardée au travers des prismes qui sont les nôtres aujourd’hui, revisités. Donc en effet toi tu commences à être un bébé modèle quand tu as 3 ans, quelqu’un t’arrête dans la rue avec tes parents, tu fais une campagne de pub, … En fait, toute ton enfance est émaillée par cette forme de prédation qu’est la mise en image des enfants au service de la publicité. Donc toi, c’est le premier parcours de prédation, d’une certaine façon, même si c’est un rapport marchand bien sûr tu es payée, tu gagnes de l’argent pour ces photos, … mais ce premier rapport de prédation et les autres qui sont racontés dans le parcours induisent ta lutte pour t’affirmer, devenir toi et te libérer. Ça c’est un peu le parcours du spectacle. Ce chemin de la beauté depuis l’extérieur, depuis les injonctions physiques, sociales de masquage, puisqu’on voulait masquer tes cicatrices, tes taches de rousseur, mais de masquage aussi à d’autres endroits, puisque tu subis d’autres prédations et d’autres non-dits. Ces épreuves structurantes, ces rouages, tu les revisites pour en extraire, pour nous aujourd’hui, les thématiques qui sont plus connues aujourd’hui : celles de la prédation et de la libération de l’oppression. 

 

MC : Oui, ce qu’on voit aujourd’hui, les mots qu’on met aujourd’hui sur les symptômes post-traumatiques, comme on n’en parlait pas avant, ça pouvait être mis sous d’autres choses. Elle est un peu ci, elle est un peu ça. Et puis toi, tu construis ton identité par rapport à ça. Et aujourd’hui, maintenant, il y a des mots qui sont posés et donc tu peux raconter l’histoire d’une autre façon. 

 

CS : Et te la raconter aussi à toi-même d’une autre façon, décrypter. En fait, c’est l’adulte qui regarde l’enfant. C’est l’adulte qui vient regarder l’enfant, lui parler, la soigner, et puis l’aider à comprendre ce qu’elle a vécu. 

 

Alors l’adulte capable d’écrire, mais l’adulte, après ce que j’ai compris et ce que vous venez de dire l’une et l’autre, qui a aussi ce repos sur les mots d’autres femmes qui ont pu parler ou d’autres personnes qui ont pu parler?

 

MC : Complètement, oui. Moi, je pense que j’aurais eu beaucoup de mal à écrire ce texte s’il n’y avait pas eu toutes ces femmes qui ont parlé, tout le mouvement #MeToo, le mouvement dans différents milieux, tous les mots qui ont été posés, tous les livres que j’ai pu lire par la suite sur toutes les thématiques dont je parle dans le spectacle. Par exemple, La jeune fille sur la banquise d’Adelaïde Bon, c’est un livre que j’ai lu après avoir écrit le spectacle, mais qui a été hyper important aussi. On dit toujours que quand il y a des découvertes ou des choses, on est toujours sur les épaules de tous ceux qui ont cherché. Donc là, je m’appuie sur tous ceux qui cherchent aussi à comprendre. 

 

Est-ce qu’il y a une lecture particulière ou un moment simplement de prise de parole dans l’espace public où vous vous êtes dit qu’il fallait écrire cette histoire? 

 

MC : En fait, moi, je ne suis pas trop dans l’actualité, je suis beaucoup dans la fiction. Je lis beaucoup d’autobiographies, … Ce sont plutôt des films ou même Céline qui, en synchronicité, faisait son film sur Niki, qui était très fort aussi sur ces thématiques-là, qui commence par une séance de shooting avec un truc assez humiliant.  Toutes les thématiques se répondaient. Et dans ma vie personnelle, la nécessité de parler de ces sujets arrive de tous les côtés. Il est en train d’arriver la même chose à la fille d’une amie à moi, un abus. Il y a des choses qui se passent tout le temps mais comme maintenant on en parle et bien oui, évidemment, il faut en parler. Il faut faire tout ce qu’on peut pour que cela soit vu et dit.

 

J’imagine que vous avez lu le livre d’Eva Ionesco aussi ou pas du tout? 

 

Non, je ne l’ai pas lu encore. 

 

L’écrire vous et le mettre en scène avec Céline Sallettes, c’est aussi se réapproprier quelque chose ? Vous vous intéressez beaucoup à la fiction et à l’autofiction. Comment est-ce que vous définissez l’autofiction et à quel moment vous mettez-vous à écrire votre histoire ? 

 

MC : La façon dont ça s’est passé c’est que c’était presque de l’oralité. C’est dans la rencontre avec Céline. Je lui raconte des choses et en fait c’est vraiment son regard qui m’a guidé. C’était comme une conversation hyper drôle, parce que Céline s’intéresse à des choses qui prennent au ventre mais dans le rire. C’est elle qui m’a dit : « ça, cette histoire-là raconte quelque chose qui pourrait être intéressant ». C’est dans l’oralité. Il y a même des fois où l’on a enregistré des conversations et de là j’écrivais puis on réécrivait ensemble en dramaturgie. 

 

CS : Mais en réalité, je n’ai pas vraiment écrit, j’ai plus aidé à structurer comme le frein metteur en scène, c’est-à-dire avec une place de l’extérieur qui pourrait aider à… 

 

MC : Faire du montage ! 

 

CS : Oui exactement. J’ai plus fait du montage. 

 

MC : Tous les artistes, dans tous les domaines, qui m’intéressent le plus sont toujours ceux qui puisent vraiment dans leur histoire, dans la performance. Par exemple, j’adore Marina Abramovic, c’est que du vrai. J’ai toujours lu quasiment que ça : des journaux comme Renaître de Suzanne Sontag, … Tout ce qui est fiction ne me parle pas trop. Je pense que ce qu’on peut le mieux raconter c’est de là où on part, c’est là que l’on peut être le plus juste. Après, j’ai dit autofrictionnel parce que c’est à chaque fois une friction entre le fait d’articuler certaines histoires en particulier ; ça lui donne un éclairage différent. Et dès que tu racontes une histoire, n’importe laquelle, en fonction de ce que tu ressens à ce moment-là, tu ne vas pas le raconter de la même façon à chaque fois. Ce n’est pas toujours réel en fait, c’est comment tu racontes les choses. Donc ce n’est pas de l’autofiction, ce n’est pas un documentaire. 

 

CS : Et puis de toute façon, le récit fonctionne par édition. Dans un récit il y a surtout ce qui n’est pas dit, comme en thérapie, comme dans tous les lieux d’enquête. Dans une enquête, il y a surtout des zones d’ombre. Donc ce qui est éclairé dans le spectacle, ce qui est mis en lumière, c’est un peu les rouages, les mécanismes que toi, jusque-là, t’as réussi à déceler. Mais évidemment qu’il y a aussi tous les hors-champs. Et c’est ça qui est passionnant. 

 

MC : Et moi, je continue à découvrir,, à chaque fois que je le dis, à chaque fois qu’on file le spectacle, à chaque fois que je fais une italienne, je me prends des grosses claquasses à chaque fois, parce que ça refait encore des liens. Mais ce n’est pas la vérité. Il s’agit de voir en quoi ça m’aide aujourd’hui, dans le présent. Je ne cherche pas à trouver la vérité de mon histoire, je cherche à voir ce qui est important pour moi pour pouvoir faire ce que j’ai à faire aujourd’hui, et non réagir par  rapport à des choses qui sont pas réglées du passé. Ce spectacle, c’est pour pouvoir être dans le présent vraiment. 

 

CS : Surtout, Marion a une vraie créativité, poétivité et drôlerie, qui sont vraiment au service du spectacle, qu’on a aussi éclairé. Parce ce qu’il y a aussi vachement d’humour dans le spectacle. C’est lumineux, léger.

 

MC : Oui parce que ce sont des histoires que je connais bien quand même donc ce sont comme des sketchs que je connais. 

 

CS : C’est une peinture lumineuse. On a utilisé de belles couleurs. Ce n’est pas un tableau noir. Et les chansons viennent amener au récit une pyramide qui les met en haut. Elles sont posées sur le socle de cette histoire et c’est comme si ce socle tressait des fils, qui faisaient des résonances et qui les rendaient plus fortes. C’est l’effet que ça me fait : pour moi, les chansons sont plus fortes. Elles sont posées sur un socle puissant. 

 

MC : Oui ! Je me souviens, au début, quand j’écrivais des chansons, j’écrivais en anglais parce que quand j’ai commencé à écrire, j’étais aux Etats-Unis et surtout j’aimais bien ce côté un peu cryptique et hyper poétique. Je pouvais dire plein de choses sans que les gens concernés comprennent vraiment ce que je disais. L’étrangeté de la langue m’intéressait pour m’exprimer. Et pourtant quand je faisais des concerts, je faisais plein de gestes parce que je voulais quand même que les gens comprennent vraiment. C’est limite comme si je mimais le texte. Et c’était absurde. Et même entre les chansons, je racontais plein de trucs. Je voulais que les gens comprennent. C’était bizarre parce que j’étais loin avec la langue et en même temps, dès que je pouvais expliquer, j’expliquais trop. Là finalement c’est tout ce trajet pour passer les chansons en français et arriver ici où elles s’inscrivent dans le parcours. C’est comme si elles avaient acquis leur écrin juste pour pouvoir arriver dans le cœur des gens de la manière la plus directe possible quoi.

 

Vraiment un très sage. Il y a aussi des métaphores du cinéma. On a le texte, on a la théâtralité, on a la musique, les chansons et le cinéma, on a un peu de tout. Et les tableaux aussi. Je vais peut-être revenir simplement du coup à la question princeps : quand est-ce que vous vous rencontrez et quand est-ce que ça se met à résonner entre vous, pour entamer ce travail ensemble ?

 

CS : On s’est croisées plein de fois parce qu’on est dans le même quartier. On s’est croisées sur le trottoir de la crèche. On a deux enfants qui ont le même âge.

 

MC : Et puis, ma fille Sol jouait la fille de Niki de Saint-Phalle dans le film.

 

CS : Oui, j’ai choisi Sol et une autre petite fille, Colette, pour jouer la même petite fille à des âges différents, parce qu’elles se ressemblent donc c’était vraiment une opportunité géniale. 

 

MC : Mais pour moi ça a été comme une sorte de guérison. Moi on m’a couru après dans la rue quand j’avais trois ans aussi pour commencer à rentrer dans ce monde du rêve, le monde des photos. C’était vachement valorisé quand même à l’époque de faire ça. 

 

Et du coup, là, ça ne vous a pas angoissé?

 

MC : Non, parce qu’en fait, là, c’était fait d’une façon complètement différente et tout a été complètement différent. Et Sol s’est positionnée d’une manière complètement différente aussi. Quand elle n’avait pas envie de faire quelque chose, elle le disait. Céline a créé quelque chose sur son tournage de très proche. Il n’y avait pas de strass et paillettes. C’était un tournage très organique, très intime, où il n’y avait pas de hiérarchie. Donc de revivre tout ça du côté de la maman et de voir que l’on pouvait faire de l’art et des tournages de manière saine, ça a été une guérison magnifique pour moi. Et puis après Céline a craqué sur des morceaux qui étaient dans mon ordi sur lesquels j’avais perdu espoir et elle m’a dit que c’était vraiment bien. Donc c’est vraiment ce rapport à la musique, puisque Céline chante aussi, sa fille joue du piano, qui nous a beaucoup rejoint toutes les deux. 

 

CS : Mais aussi, dans le parcours de Marion, j’ai vu qu’elle avait été mal accompagnée. 

 

Parce que vous, vous avez commencé à quel âge? 

 

CS : Moi, je commence le théâtre à 13 ans, j’en fais beaucoup au lycée. J’ai l’impression de commencer à 13 ans parce qu’en fait, pour moi, le travail, c’est vraiment ça. C’est-à-dire qu’il n’y a pas un moment où tu fais un film, ça y est, ça commence. En réalité, j’ai commencé depuis que je suis née, parce que quand j’étais petite, je répondais aux injonctions de ma mère, donc j’étais vraiment ce qu’elle voulait que je sois. Et ma construction, je la dois à la fois à cette capacité de ne pas être moi, c’est-à-dire d’être vraiment l’incarnation de la petite fille que ma mère voulait que je sois, et à la fois, à la révolte que ça provoque en moi quand j’ai 34 ans et que je comprends que j’ai reproduit ce schéma à l’infini avec le père de ma fille, avec les metteurs en scène avec qui je tourne et que je suis subordonnée au désir des autres, mais que je ne suis pas construite, ça, ça me fonde. Donc en réalité, j’ai commencé toute petite à répondre au désir des autres. Et puis un jour, j’ai compris que je pouvais être moi, et ça a été la révolution. Et depuis je suis un peu obsédée par la révolution. 

 

Sur scène, quelle est la place du corps quand on parle justement de cette chose merveilleuse, à la fois par laquelle on perçoit le réel mais qui est peut être objectifié ?

 

MC : Moi le corps, c’est toujours la grosse quête, parce que je ne sentais rien dans mon corps. Le fait d’être sur scène est aussi une réappropriation du corps. On utilise beaucoup le costume pour ça, pour lui donner différentes formes, pour en faire une image aussi. Et puis de toute façon, rien que le fait d’être sur un plateau et d’occuper l’espace avec son corps, rien que cette présence physique sur scène, c’est déjà énorme. Et puis le corps chantant aussi nécessite de convoquer la respiration, l’ancrage au sol. Donc de toute façon, le corps est très puissamment engagé tout le temps. Mais je ne me suis jamais sentie aussi protégée, en fait, que dans cette pièce. C’est le travail de Céline, qui a tout le temps cherché, même dans le costume, [à trouver des pièces dans lesquelles le corps est en juste mouvement, dans lesquels il ne prenne pas une forme bizarre]. 

 

CS : En fait, on a trouvé cette espèce de silhouette, qui est la silhouette de base, comme un masque neutre, de Marion en costume blanc. Comme une base neutre, mais qui raconte plein de choses, parce que ça devient plein de choses. Mais c’était très bizarre. Dès qu’on voyait de la peau, comme le récit est si intime, ça ne marchait pas. Après, je fais assez confiance à ce que le récit appelle. Comme tout un chacun, j’ai des idées, Marion a des idées, … Une idée, c’est comme une chose qui arrive dans le monde, mais si elle trouve la contradiction dans le spectacle lui-même, elle dégage, elle n’est pas bonne. À un moment, et c’est ça qui est vraiment beau dans le processus de création, les choses trouvent leur place juste. Si on est bien aligné, si on n’est pas dans un rapport de force avec les choses, les choses qui doivent tomber tombent, … Tout cela se fait de manière très simple. Il y a une évidence. Mon travail de mise en scène, là, c’est d’être garante, d’une certaine façon, de la joie. De la joie qu’aura Marion à faire le spectacle, de la joie qu’auront les spectateurs à le voir. De la lumière et de la joie, vraiment. Moi, c’est devenu le sens de ma vie de travailler par les moyens de l’art et de la révélation, d’explorer l’âme humaine, mais surtout d’amener de la lumière dans le monde. 

 

MC : C’est ça la beauté qu’on essaie de montrer, la beauté intérieure. C’est comment ouvrir pour que ta lumière sorte et la lumière c’est la joie, le bonheur de pouvoir être soi, vraiment, être en relation avec l’autre dans ce qu’il y a de plus juste et de ce que tu as vraiment envie de déposer. 

 

CS : Oui. De quoi on se débarrasse dans la vie, de quoi, parfois, il faut se débarrasser, qui ne nous appartient pas. 

 

MC : C’est un nettoyage une mue. Donc le rapport au corps, c’est plus un souffle. Il y a vraiment beaucoup de trucs sur la respiration. Le spectacle parle aussi de mon père et il y a ce souffle, qui devient du chant, la voix parlée qui devient la voix chantée. C’est pas vraiment LE corps mais plutôt le souffle qui traverse le corps en mouvement. C’est en ça que je me sens mieux que d’habitude, dans ce cadre-là, c’est que je ne me pose plus la question du corps. 

 

CS : Oui, il n’y a presque pas de corps, c’est marrant. On ne voit pas ton corps, en fait. Enfin, on voit ton corps tout le temps mais il est au service du récit et il n’est pas instrumentalisé. En fait, c’est ça, quoi. On ne peut pas se rincer l’œil.  

 

MC : Et il y a une mue, il y a une transformation. Je pense que le corps bouge, change, se métamorphose petit à petit. 

 

CS : Mais c’est l’autre corps, c’est comme l’autre corps. Celui qui a aussi des antennes. Un corps invisible. 

 

Ce corps est rendu visible dans cette salle de théâtre qui est un cocon. Avec lumière et joie, vous apportez quelque chose qui pendant longtemps est resté très privé, dans l’espace public. Le public, justement, quel est son rôle? 

 

MC : C’est comme dans un mariage. Un mariage c’est une rencontre entre deux personnes, c’est un rituel mais c’est le témoin qui fait que le rituel s’ancre dans le réel parce que tu es vu dire certains mots, faire certaines choses et tu as confiance aussi dans le fait que l’on va faire ça ensemble.

 

CS : Le lieu du récit, c’est aussi le lieu de la transformation. Ce qui est important dans le récit, ce n’est pas seulement qu’elle raconte, c’est qu’elle raconte ce qu’elle a transformé. C’est ça qui est proposé, c’est le partage de la transformation. 

 

MC : Et de faire de sa vie une œuvre d’art, on va dire, essayer de faire œuvre de sa vie, de faire le pont entre l’art et la vie, c’est ça qui met à la loupe les mécanismes. Ça sert à ça l’art. Ça sert à rendre les choses tellement grosses que tu es obligé de les regarder. 

 

MC : Et puis, je ne suis pas du tout là pour faire un procès d’accusation.  Je n’attends rien du public, mais par contre, je sais qu’il soit là, ça bouge des choses, puisque moi, je le vis tout le temps. L’art, c’est ma religion. Dès que je lis un livre, dès que je vois un spectacle, que j’écoute une chanson, je sais que ça me change. Je sais que ça va changer. Il y a des gens à qui ça ne va pas tout de suite parler, mais ça résonnera à d’autres moments. Parce que s’il n’y a pas de public, c’est moi qui m’agite toute seule dans ma chambre. C’est leur présence, leur écoute et leur histoire qui se frictionnent avec celle-là, et qui fait que ça va marcher. Et même si on n’a pas la même histoire, on a tous une identité, on a tous des parents, on a tous été enfants, on a tous les mêmes moments de questionnement, des moments de se poser la question de ce qu’on allait faire ou pas. En tout cas, ceux qui ont la chance de pouvoir se poser la question, ils ont eu ces intersections-là. Donc ça va résonner. Et ça résonne déjà. Même les gens qui travaillent sur le spectacle, qui n’ont pas forcément ce rapport à la recherche ou à l’enquête, ils viennent me parler de choses hyper fortes de leur vie, comme ça, entre deux couloirs. Parce que ça ouvre. Le fait de voir, c’est comme un parent qui éduque par l’exemple. En ce moment, je rencontre des gens qui sont dans ma vie. Par exemple, mon créateur lumière qui est dans ma vie depuis super longtemps, il s’ouvre à moi comme jamais maintenant. Parce que ça devient possible. Et en plus, je trouve que, finalement, il y a beaucoup de pudeur dans le spectacle parce que c’est un spectacle, c’est beau, il y a des images. Ce n’est pas un témoignage. C’est une histoire. On raconte des contes, c’est comme un conte quoi. Et l’idée, c’est de faire voyager, d’emmener l’autre, mais de le faire voyager dans son propre récit, quand même, à lui.

 

Et qu’est-ce que ça fait de le commencer ici, dans un théâtre qui vient d’ouvrir, qui s’appelle le Théâtre de la Concorde? 

 

MC : Je suis venue à la soirée d’inauguration du théâtre et tous les mots qu’Elsa Boublil a prononcés étaient parfaits. Je n’avais même pas osé imaginer pouvoir commencer ce spectacle dans un endroit plus juste que celui-là. Tout ce qu’elle dit, elle parle tout le temps de musique. Elle dit toujours « la partition », « agencer des spectacles qui marchent entre eux », « ramener un public le plus large possible », des enfants, des ados. Moi, j’ai fait des études théâtrales et on a toujours entendu parler de ça, des théâtres publics qui essayent de ramener le plus de monde possible en faisant des ateliers, en faisant des trucs. Mais au final, tu te retrouves quand même toujours avec les mêmes gens, qui font du théâtre, qui sont à moitié metteurs en scène aussi, où il n’y a que des comédiens dans la salle. 

 

CS : La politique tarifaire est incroyable. Et elle fait acte de démocratie. C’est vraiment hyper fondamental et fondateur. J’espère que le théâtre aura la chance de pouvoir vivre une très longue vie.

 

MC : Et puis rendre le spectateur actif aussi. Tu peux voir des spectacles, tu peux t’inscrire à des ateliers qui sont en lien avec le spectacle, qui peuvent même être donnés par les créateurs. Moi j’aimerais éventuellement donner un atelier en lien avec l’écriture de soi, c’est en discussion. Donc il y a ce côté, au-delà de seulement consommer un spectacle, de voir quelque chose qui engage, et d’utiliser l’art dans sa vie pour comprendre des choses, … Je pense que c’est ça qu’elle dit Elsa quand elle parle de son théâtre : faire comprendre que l’art transforme et l’art accompagne, est une vraie façon de réfléchir à la transformation du monde. Parce qu’il y a cette drôlerie dont tu parles, il y a cette distance, cette sublimation à l’aide à penser. 

Du coup, la beauté intérieure vous nous la partagez, elle devient extérieure ? 

 

MC : C’est l’idée, c’est qu’on sorte aussi du spectacle. Comme je disais, je n’ai pas vraiment d’attentes, je ne sais pas ce que ça va faire aux gens. Mais peut-être qu’une des choses, c’est de travailler sa beauté intérieure : qu’est ce que je peux faire dans ma vie pour que ma beauté intérieure surgisse plus ? Parce qu’on s’occupe beaucoup de la beauté extérieure quand même à plein d’égards. Et je m’inclus dedans. Mais qu’est-ce qu’on fait pour définir pour soi ce que c’est sa beauté intérieure ? Qu’est-ce que ça veut dire pour chacun de nous? C’est peut-être différent. Mais en tout cas, je pense que le spectacle essaye de chercher un endroit à l’intérieur de soi dans lequel on se sent bien, on se sent en sécurité, on se sent juste. Pour pouvoir justement se mettre en danger et faire des choses vraiment fortes. 

Article partenaire

Du 22 janvier au 18 février.

Réservations