Avec La Cache, Lionel Baier adapte le roman autobiographique de Christophe Boltanski en plongeant le spectateur dans l’appartement familial des Boltanski, théâtre d’une histoire où le passé et le présent se mêlent dans une atmosphère aussi ludique qu’inquiétante. En choisissant de centrer son récit sur les événements de Mai 68, le réalisateur offre un regard singulier sur cette époque charnière à travers les yeux d’un enfant, Christophe, 9 ans, témoin de secrets enfouis et de la mémoire fragmentée d’une famille hors du commun.
Dès les premières images, le film impose son esthétique minutieuse, reconstruisant l’appartement rue de Grenelle des Boltanski avec un souci du détail qui confine au plus-que-réel. Entre les murs chargés de souvenirs, chaque recoin semble abriter une part de mystère, notamment cette fameuse « cache », dont la signification se dévoile progressivement… Le huis clos devient alors un microcosme où s’expriment les tensions politiques, les non-dits familiaux et les traumatismes de l’Histoire.
Outre l’appartement, la voiture est l’autre lieu sécurisant de la famille, un espace où l’on se sent bien, où l’on fait bouillir de l’eau, où l’on discute librement. D’ailleurs, mère-grand, figure d’une grande dignité, se sert de sa voiture pour recueillir la parole des laissés-pour-compte, offrant ainsi une réflexion sur les oubliés de l’Histoire tels que les femmes et les immigrés.
Baier, qui confesse s’être inspiré du cinéma d’Ernst Lubitsch, insuffle une légèreté bienvenue à un récit marqué par la peur et l’exil. Loin du pathos, le film adopte le ton de la comédie douce-amère, où l’humour naît de l’absurde et de la tendresse des personnages. L’arrière-grand-mère, aussi appelée Arrière-pays, est une figure fantasque et imprévisible, qui incarne à elle seule cette tension entre tragédie et cocasserie, tandis que Christian Boltanski, artiste en devenir, observe avec détachement le tumulte du monde extérieur.
Mais sous ses airs de chronique familiale, La Cache résonne comme une méditation sur la transmission et la construction identitaire. La mémoire, sélective et mouvante, façonne le regard du jeune Christophe et, à travers lui, celui du spectateur. C’est dans cet entre-deux, entre histoire et fiction, que le film trouve sa plus grande force. Lionel Baier ne cherche pas à reconstituer un passé figé, mais à en révéler les échos persistants dans notre présent.
Entre mise en scène raffinée, dialogues ciselés et performances d’acteurs d’une justesse remarquable, La Cache s’impose comme une œuvre aussi intime qu’universelle, où l’Histoire s’écrit dans l’intimité des souvenirs familiaux. Un film profondément humain, dont l’élégance narrative et visuelle laisse une empreinte durable… Sortie au cinéma le 19 mars !
Visuel : © Dossier de presse