Le festival Moving in November est un événement de danse contemporaine qui se tient à Helsinki depuis 1986. Cette année, il se déroule du 7 au 17 novembre. Rencontre avec Kerstin Schroth, la directrice artistique de ce festival hautement cult !
Moving in November est le plus ancien festival de danse contemporaine organisé chaque année dans la région d’Helsinki. Le festival est une invitation à se rassembler, pour découvrir des œuvres artistiques de la scène locale et étrangère. Des artistes qui expriment leur pensée critique, leurs visions, leurs expériences, leurs rêves, ouvrant de petites fenêtres sur le monde dans lequel nous vivons.
Je regarde la danse à travers le prisme de la chorégraphie, ce qui me permet d’examiner les œuvres du spectacle vivant dans leur ensemble, et pas seulement les pièces de danse. Pour le festival de cette année, je me suis beaucoup intéressée aux chorégraphes qui travaillent avec des textes sur scène, qui racontent des histoires et qui s’inspirent de la littérature. J’ai continué à réfléchir à « qui raconte les histoires » que nous voyons sur scène et, plus spécifiquement, à « comment elles sont racontées » et avec quels outils artistiques. Deux chorégraphes avec lesquels je me suis entretenue et qui présentent des spectacles dans le programme de cette année (Ligia Lewis et Calixto Neto) ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas raconter seuls les histoires qu’ils devraient raconter avec le corps, mais qu’ils avaient besoin d’ajouter du langage et du texte pour raconter ce qu’ils avaient à raconter.
J’ai décidé d’ajouter au festival de cette année des artistes venant d’autres formes du spectacle vivant que la danse et la chorégraphie, qui utilisent naturellement le texte dans leurs performances, mais qui incorporent aussi leur corps comme outil pour approfondir la manière dont une histoire est transmise (Tiziano Cruz, Rébecca Chaillon et Rosana Cade & Ivor McAskill).
J’ai été de plus en plus intriguée par ces deux développements et par les aspects chorégraphiques, les différents langages de ces pièces, outre les sujets qu’elles abordent.
Dans ce contexte, le programme de cette année met en lumière des spectacles qui explorent des thèmes tels que le corps en danger, la transmission de la peur, le corps en péril, le corps réprimé et le corps en voie de disparition, plus tard également en relation avec le « corps » de la nature.
Oui, tout à fait. La Finlande possède une petite, mais belle communauté de chorégraphes et de danseurs de presque toutes les générations, qui ont leur propre écriture. À Helsinki, l’université propose un enseignement de la danse de haut niveau, avec une maîtrise en danse, une maîtrise en chorégraphie et une licence en danse. Ces programmes sont en anglais, ce qui signifie que les étudiants finlandais et étrangers peuvent s’inscrire pour étudier ici.
La communauté locale des arts du spectacle se sent souvent éloignée du reste de l’Europe, d’où l’importance d’un festival de danse contemporaine comme Moving in November.
Je vis entre Paris et Helsinki et j’ai toujours « un pied ou une valise » à Berlin. C’est incroyable d’être à Paris et d’avoir la possibilité de voir autant d’œuvres en une seule semaine.
La ligne chorégraphique en France – ça, c’est une grande question. Ce que je vois souvent dans la scène chorégraphique française, contrairement à d’autres pays, c’est que les formes d’art restent plus séparées les unes des autres. Je vois moins d’artistes prendre la chance, mais aussi le risque de mélanger différentes formes d’art. La danse est la danse, la chorégraphie est la chorégraphie, la performance est la performance. (Mais je suis en train de généraliser…)
Les œuvres sont en général extrêmement bien faites, on voit le savoir-faire, mais aussi les bonnes conditions de travail dans presque toutes les œuvres. La beauté et l’esthétique jouent peut-être un rôle plus important que dans d’autres pays, où les arts du spectacle sont redevenus plus actuels et plus politiques.
Je suis très intéressée par les artistes de tous les pays et de tous les milieux culturels. Je suis très inspirée par leurs œuvres, par ce qu’ils ont à dire, par la façon dont ils le disent et nous l’apportent dans une œuvre, indépendamment des nationalités ou des pays.
En général, je suis une personne fidèle, qui essaie de suivre les carrières artistiques, mais j’aime aussi voyager (quand je voyage) dans des endroits que je n’ai pas encore visités et, en parlant de Paris, découvrir des artistes dont je n’ai jamais vu le travail.
En effet, il y a des artistes connus dans le programme de cette année et des artistes qui n’ont pas encore eu une grande visibilité. Lorsque je crée un programme, l’important pour moi est que chaque œuvre puisse être autonome et parler d’elle-même dans le contexte du festival. Je travaille de manière non hiérarchique, chaque œuvre du programme a la même importance et la même urgence et joue un rôle important dans le festival dans son ensemble. Tout le monde bénéficie de la même visibilité.
Helsinki étant considérée comme un peu à l’écart de l’Europe centrale, je réfléchis chaque année à la manière de mettre en relation les artistes venant de l’étranger avec la scène artistique locale. Cela se fait à travers notre série de conversations Soup Talks et, cette année, à travers le Focus on the Local Landscape, qui serpente tout au long du festival et présente des œuvres de la scène artistique locale.
Un aspect important pour moi est également la recréation d’œuvres pour le contexte d’Helsinki, avec des interprètes locaux. J’essaie de présenter chaque année l’une de ces œuvres existantes, qui est recréée ici à Helsinki pour le contexte local. Cette année, il s’agit de Pontus Pettersson (chorégraphe et artiste suédois) et de l’installation performative Pancor Poetics, retravaillée avec des interprètes locaux.
Visuel : © Mariangela Pluchino