Avec K-Pop Demon Hunters, Netflix et Sony n’ont pas seulement livré un film d’animation pop et coloré : ils ont déclenché un raz-de-marée culturel où chorégraphies virales, BO entêtante et imaginaire kawaii se confondent. Au croisement de Sailor Moon et de Blackpink, le soft power coréen atteint ici une puissance inédite, conquérant des publics de 3 à 103 ans.
Il y a quelques semaines, en rentrant du bureau, je croise une bande de CE2 filmant leur chorégraphie devant la boulangerie. Poses kawaii, synchronisation impeccable, et surtout ce refrain obsédant : « Mon petit soda pop, mon petit soda pop ». Pas un nouveau mème TikTok, mais bien la signature de K-Pop Demon Hunters, l’animation signée Netflix et Sony qui a débarqué en juin dernier.
Les chiffres donnent le tournis : 13 millions de mentions sur les réseaux sociaux, un reach de 164 millions en trois mois, plus de 60 000 retombées médiatiques (dont vos tardives servitrices !). Mais le vrai tour de force, c’est la bande originale.
Entrée directe en tête du Billboard 200 – un exploit rarissime pour une BO. Records battus au Royaume-Uni. Streams qui explosent de Séoul à São Paulo. Le tout porté par les fandoms les plus hyperactifs de la planète. Ces morceaux, on les fredonne sans s’en rendre compte, on les traduit, on les partage. La musique devient moteur d’audience globale et vecteur de soft power.
Avec 314 millions de visionnages en trois mois selon Netflix, le film s’impose déjà comme la production anglophone la plus regardée de l’histoire de la plateforme.
Le pitch semble tenir sur un post-it : Huntrix, girls band de K-pop composé de Rumi, Mira et Zoey, enchaîne les concerts… et les combats contre des démons bien décidés à franchir le Golden Honmoon, barrière magique protégeant l’humanité.
Mais derrière le vernis pop, K-Pop Demon Hunters restitue le corean way of life : les héroïnes dégustent des plats typiques (tteokbokki, ramen, bibimbap), savourent leur soda pop (qui vaut une chanson incontournable) devant la télé en soirée canapé, et pratiquent des routines de danse qui mélangent K-pop et gestuelle quotidienne. Chaque détail domestique et scénique devient un vecteur culturel et une incitation à prendre son billet pour Séoul.
Les enfants s’attachent aux héroïnes kawaii qui tranchent du monstre, les ados se retrouvent dans leurs questionnements identitaires, et les adultes apprécient la précision culturelle – N Seoul Tower, repas coréens, soirées détente et chorégraphies maison.
Signée Maggie Chang, l’animation trouve un équilibre rare, par-delà les nombreuses références coréennes. Vintage façon Chevaliers du Zodiaque, ponctuée de 21e siècle façon stop motion, avec des clins d’œil évidents à Miyazaki.
Les couleurs explosent, les combats sont chorégraphiés comme des clips musicaux (parce qu’ils en sont littéralement), et les héroïnes à qui toutes et tous veulent ressembler sont aussi un girls band universel. Quand leurs épées scintillent, l’écran se transforme scène majestueuse qui accroche tout le monde, y compris les parents et les grands-parents !
K-Pop Demon Hunters illustre parfaitement le soft power coréen et l’effet Hallyu. Selon APEC, les industries culturelles et créatives (CCIs) génèrent près de 2,3 trillions de dollars dans le monde (3,1 % du PIB mondial) et, avant la pandémie, représentaient plus de 8 trillions USD de production dans la zone Asie-Pacifique, employant plus de 25 millions de personnes.
La K-pop est devenue un moteur économique et culturel : JY Park, fondateur de JYP Entertainment (TWICE, Stray Kids), a montré que ces industries combinent talent, production, tournée mondiale, distribution digitale et engagement des fans, créant un écosystème de croissance globale.
K-Pop Demon Hunters pousse ce modèle plus loin : coproduction régionale (musique coréenne, production japonaise, voix canadiennes et mexicaines, animation chinoise et philippine, distribution américaine), consommation de produits locaux à l’écran, et diffusion internationale. Le film n’est pas juste un produit culturel, c’est une vitrine et un parangon de coopération économique et créative transfrontalière, et un outil de puissance pour la Corée… Mais sous des couleurs si sucrées et avec des héros si tendres, il y a de quoi fondre devant cette vague de soft-power coréen.
Visuel : © Affiche / Netflix