Journées du Ma-Patrimoine

Qu’entend-on par patrimoine durable ?

On peut deviner une envie de sortir des carcans matérialistes se limitant au culte de bâtiments constamment en reconstruction et rénovation, pour passer à une visualisation de l’héritage culturelle, se traduisant davantage par des valeurs que des édifices. Cette passation de l’importance de la représentation de la fierté d’un pays change de thème chaque année : au programme de ce weekend du vendredi 21 au dimanche 22 septembre 2024, le focus se fera sur le Patrimoine des itinéraires, des réseaux, connexions, et celui du patrimoine maritime.

Ce thème tend à mettre en avant de façon plus générale le mouvement, le mouvement dans le pays, celui auquel il obéit et celui qu’il génère. La mère sans aucun doute est bien à l’image de cette interdépendance physique entre la terre statique et fertile et la fluctuation et l’incertitude de l’océan… Cette ambivalence repense la connexion interne et externe ; la transmission à l’intérieur du pays, autant en référence aux échanges commerciaux, mettant en avant à la fois l’importance et qualité du système de transfert des richesses du pays à l’intérieur de celui-ci ; dans une période où la délocalisation prend un dessus économique…

Des journées « Port-Ouvertes » et ferrovipathe

Repenser la gestion des échanges et des transports en France, c’est revoir le mode de fonctionnement du pays, ou alors mettre en avant comment jusqu’alors, celui-ci à fonctionné. Il est bon de rappeler que la France possède grâce à ses différentes côtes, le second domaine maritime mondial après les Etats-Unis. De façon plus globale le transport maritime représente pas moins de 80% du commerce mondial, en ce sens mettre en avant cette qualité de la France, tend à rappeler une certaine domination économique.

Ainsi au cours de ce week-end, de nombreux ports en France seront ouverts au public : on notera la journée « Port-Ouverte» à Sète qui va ouvrir ses trois ports à la visite, Marseille qui organise des visites guidées afin de redécouvrir l’histoire de son Vieux-Port, ou encore le fameux Port du Havre qui se tient dans le Top 10 des ports les plus importants pour le commerce européen.

Cependant parce que le transport maritime n’est pas tout, l’accent va aussi être mit sur le transport ferroviaire, la France étant le second réseau ferroviaire le plus important, et détient la seconde compagnie la plus importante du monde. Bien que les Français en doute souvent, à l’échelle mondiale, ils bénéficient d’un des réseaux ferroviaires les plus efficaces du monde. A cette occasion une majorité des gares en France vont ouvrir leurs portes aux visites ; on compte parmi elles la Gare de l’Est qui organise le Concert de l’Orchestre d’harmonie du Chemin de Fer du Nord le samedi 21 septembre à 10h et 12H, ainsi que des visites guidées des réseaux miniatures.

Dans cette lignée, le réseau RATP sera aussi mis en avant, avec notamment la visite inédite de la fameuse station de métro Porte des Lilas, normalement fermée au public, car utilisé en décor de film. Cette station fantôme préférée des réalisateur-ices, comportent des reproductions de tous les modèles de métro à travers les années, les longs et les courts métrages se succèdent alors depuis 1979 à nos jours.

La randonnée spirito-pédestre

Après le trafic sur rails, les transports de marchandises et moyen de transport public en tout genre, cette 41^eédition des journées du patrimoines,  depuis quelque année met en avant un héritage plus subtil. Maintenant que le patrimoine ne se restreint plus à la matière, le thème de cette année s’appliquera aussi à la transmission spirituelle dans le pays. Qu’entend-on par transmission spirituelle ? Certainement le transport de connaissance, les échanges de pensées, ou bien de façon plus abstraite le mutation interne de l’esprit. Un bon exemple d’une voie de déplacement autant pédestre que spirituelle est celle de la route de Compostelle.

Voyage de pèlerinage, ou simplement introspectif, la route de Compostelle ne compte pas moins de 7 portions de chemin en France, en 2023 près de 450 000 pèlerins sont arrivés jusqu’à Saint Jacques, c’est sans compter sur tous ceux qui empruntent simplement des portions de voies sans pour autant aller jusqu’à l’arrivée. L’envie de déplacements tout au long d’une cinquantaine de monuments historiques, entraîne autant les croyants que ceux qui sont simplement à la recherche d’une quête secondaire, un moment de latence motivé par le mouvement et l’appréciation du paysage français. On notera à ce propos qu’il sera possible pour l’occasion de participer à un parcours de 15km débutant à Pierrefitte-sur-Seine, jusqu’à la Porte de la Villette à Paris. Une petite portion du trajet de la route GR655, animé par le guide Daniel Cuillier, animateur du Comité départemental de Randonnée Pédestre de Seine-Saint-Denis (CDRP 93). L’opportunité de se donner un avant-goût de l’itinéraire pèlerin !

Ode à la  « Vénus noire  »

Dans cette même dynamique de voyage, pour ce week-end du 20 septembre, le Palais de la Porte Dorée met en avant son musée de l’Histoire de l’immigration qui s’inscrit dans le registre de son patrimoine maritime. Ce musée ouvert depuis octobre 2007 mais officiellement inauguré par François Hollande en 2014, puis entièrement rénové en 2023, retrace les différents parcours de l’immigration connue en France, de 1685 à nos jours.

À l’occasion des JEP, le musée fait valoir la découverte de son aquarium tropicale, qui fait voyager ses visiteurs dans des eaux qui recréées des écosystèmes divers. Du corail à l’alligator albinos, c’est un itinéraire animalier et exotique proposé par le musée, tout en sachant que celui-ci va fermer ses portes pour travaux à partir du 1 octobre. Le Palais de la Porte Dorée propose une programmation centrée sur la représentation de la femme dans ses œuvres, à travers à la fois de l’iconographie du monument, mais aussi dans le contexte de l’immigration. Ces deux thèmes permettant de rappeler l’histoire d’une femme, Josefa, modèle guadeloupéenne descendante d’esclave, arrivée à Paris en 1921. Sa silhouette est représentée sur plusieurs des fresques murales et de bas-reliefs du Palais, à la fois peinte par Louis Bouquet dans la fresque du Salon d’Afrique, ou autour du bâtiment sculpté par Alfred Janniot. Cette femme qui n’a laissé derrière elle que ces représentations plastiques, ravive le mystère autour de son existence; ce pourquoi le Palais ouvre une enquête sur elle, en incitant quiconque aurait des informations la concernant, pourrait les contacter via l’adresse mail sur leur site internet.

« La Ruche » et la Rue, nid d’artistes

Depuis quelque années, ce sont les métiers de l’art qui sont à l’honneur durant ces journées de mise en avant de la fierté nationale. Le plus souvent exposé dans des musées ou des galeries à l’occasion des JEP (Journées Européennes du Patrimoines), la Fondation la Ruche Seydoux située dans le 15^e arrondissement nous ouvre les portes de sa fameuse résidence d’artistes La Ruche. Fondée au début du XX^e siècle, elle fut un asile pour les artistes nécessiteux ; elle abrita parmi ses anciens résidents Picasso, Zadkine, Soutine, ou encore Alfred Boucher. Il nous sera donc possible le samedi 21 et dimanche 22 septembre de 9H30 à 18H de voir ces lieux de création à l’occasion de cette ouverture exceptionnelle, depuis sa fermeture il y a 6 mois pour travaux. Une bonne manière de célébrer l’art plastique à travers le cœur de sa racine créative qui n’est d’autre que l’atelier de l’artiste, guidée par les artistes résidents eux-mêmes, de ses origines à aujourd’hui.

Hors cadre et en dehors des codes, l’art urbain a encore du mal à se dégager de cette image de parasite esthétique des villes, taggeurs chassés par la Mairie et tags en tout genres effacés. Des notables comme Gérard Zlotykamien, père du street art international, plus tard Banksy et C215, ces artistes sont maintenant reconnus comme tels, et plus associés à ce statut de vandale. Zloty a de son côté été mandaté pour peindre plusieurs fresques dans le 13^e arrondissement, tandis que C215 a eu diverses commandes de la Marie de Paris pour tapisser la ville de représentations de portraits comme Simone Veil ou René Cassin. Banksy qui est lui aussi est de notoriété publique, voit tout de même assez régulièrement ces œuvres se faire voler, ou alors être recouvertes par les services publics. On pense notamment à ses performances récentes à Londres, où une parabole avec un loup graffé a été volé moins de deux heures après sa réalisation pour être revendue, ou la malheureusement fameuse porte du Bataclan. Ainsi, cette édition 2024 tend à se porter un peu plus du côté des graffeurs, avec plusieurs expositions en France sur l’art urbain, première forme d’affirmation d’un art en mouvement constant, éphémère, en transmutation permanente. En Normandie à Bernay se tiendra l’exposition « L’art dans la rue – 40 ans d’aventure urbaine » ; à cette occasion 5 artistes sont invités à repeindre des édifices de la ville comme le conservatoire, l’hôpital et le château de Blanc Buisson. Cependant, sans crainte pour les amoureux des bâtiments historiques, ceux-là seront au préalable recouvert de Plastigraff©, une matière adhésive éphémère en plastique recyclé, permettant de ne pas détériorer les monuments. Effort considérable dans la lutte pour la préservation de l’art urbain, comme partie intégrante du patrimoine d’art français. Nous retrouverons aussi le dimanche 22 septembre à 14h à Saint-Denis, une visite guidée parcourant les berges du canal où sont recensées pas moins d’une trentaine d’œuvres de street-art depuis 2016. La ville de Sélestat en Alsace Centrale, organise elle aussi un évènement de performance graphique du collectif strasbourgeois Colors-Urban-Art à embellir les rues.

Une nouvelle mémoire Alma Mater

L’occasion de rappeler l’existence des « Journées du Matrimoine » créé par l’association HF Ile-de-France ; ayant lieux le troisième weekend du mois tout comme les JEP, ces journées tendent à mettre en avant ce qu’elles appellent un « héritage mère » en opposition au « patrimoine » dont la racine latine fait référence à « l’héritage du père ». En raison des trop nombreuses femmes qui ont été oubliées par l’histoire, ou dont on a volé le succès ; on pense à Camille Claudel refusée de l’Académie des Beaux-Arts car interdite aux femmes à l’époque, ou bien Alice Guy première réalisatrice au monde de fiction, dont la majorité de l’œuvre a été détruite ou bien assimilé à son assistant.

À cette occasion on compte une trentaine d’évènement dans la capitale, se concentrant sur la mémoire de l’œuvre des femmes, pour n’en citer que quelque un :  vendredi 20 à 17h30 au Conservatoire Gabriel Fauré des Lilas le vernissage de l’exposition « Histoires de compositrices » ; le samedi 21 septembre une projection « Alice Guy et Agnès Varda : Pionnières ! » au conservatoire Jean Wiener de Bobigny ; et le dimanche 22 septembre à 17h   la pièce de théâtre « Opinion d’une femme sur les femmes » de Fanny Raoul à 17h à les Audacieuses Café dans le 6^e arrondissement de Paris.

Une programmation riche en médium et en sujets, célébrant avant tout l’inclusivité. Ces nouveaux arcs de thématique témoignent de l’importance des échanges culturelles, car le transport et les connexions sont avant tout vecteurs de transmissions sociales et humaines. C’est montrer qu’au-delà des transports moteurs industrialisées, ce sont les liens humains qui permettent d’alimenter l’esprit et de générer à l’humain de nouvelles sources d’inspiration et d’idées. Cette journée du patrimoine sous le chapeau des interconnexions met en avant l’importance cruciale du mouvement dans notre société.

S’opposant à la stagnation et le renfermement, c’est une invitation à se déplacer et à explorer que nous propose ce programme du 20 au 22 septembre 2024 des JEMP.