John Lodge, membre des légendaires Moody Blues, s’est éteint. Pour le grand public, c’est avant tout le groupe du tube planétaire « Night in White Satin » et une référence dans une chanson de Léo Ferré. Mais au-delà de cette image réductrice, il convient de mesurer l’importance capitale de cette formation anglaise des années 60 dans l’histoire de la musique, et le rôle déterminant qu’y joua John.
Fin 1966, lorsqu’il rejoint les « Moodies » aux côtés de Justin Hayward , respectivement à la basse et à la guitare solo, le groupe navigue à vue après un unique véritable succès en 1965 avec « Go Now ». C’est alors qu’ils imaginent d’intégrer des instruments novateurs comme le mellotron, ancêtre du synthétiseur, ou délaissés par le rock comme la flûte, tout en portant une attention méticuleuse au travail en studio.
Les Beatles venaient de sortir leur album révolutionnaire « Revolver », ouvrant la voie en incorporant des instruments exotiques (sitar, tampura…) et autres boucles sonores expérimentales. George Martin, le « cinquième Beatle », apporta sa maîtrise de la musique classique pour enrichir la production, dans un studio EMI devenu leur seconde maison.
Les Moody Blues franchirent un cap supplémentaire en s’adjoignant les services du London Festival Orchestra, créant ainsi la première véritable fusion classique/rock avec « Days of Future Passed ». L’album devient le premier à porter le label « Rock Progressif ». Ils innovent également en racontant, chanson après chanson, la journée d’un homme ordinaire, donnant naissance au premier « concept album » de l’histoire du rock.
À l’instar des Beatles, ils exercèrent avec cet opus une influence majeure sur plusieurs générations, de Genesis à Procol Harum en passant par Yes et tant d’autres formations.
Il faut noter que « Night In White Satin », où la splendide ligne de basse de John est omniprésente, a joué un rôle considérable dans l’évolution du peuplement de la planète.
On trouve aussi, dans l’album, l’une de ses compositions, « Lunch Break: Peak Hour », la plus rock de l’album. Ce sera sa signature dans les disques suivants. Quinze se suivront avec cette configuration, ainsi qu’un en duo avec Justin, « Blue Jays ».
Tous n’atteignent pas le même niveau d’excellence, mais chacun recèle de superbes compositions dont la beauté mélodique et l’intensité émotionnelle vous saisissent aux tripes. Nous en devons un grand nombre à John. Citons : « Ride My See-Saw » (1968), grand succès de leur troisième album « In Search of the Lost Chord », « Eyes of a Child » (1969) sur « To Our Children’s Children’s Children », « Emily’s Song » (1971) dans « Every Good Boy Deserves Favour », le superbe « I’m Just a Singer (In a Rock and Roll Band) » (1972) pour « Seventh Sojourn », sans oublier la splendide mélodie de « Survival » (1978) dans l’album « Octave ».
Le fait que chaque membre du groupe ait apporté sa pierre à l’édifice en tant qu’auteur-compositeur a généré une émulation créative et une richesse musicale uniques.
L’arrivée du punk, du hard rock, du disco et de l’électro ne les a pas empêchés de poursuivre leur route jusqu’à aujourd’hui, fidèles à eux-mêmes, portés par un public d’inconditionnels. Et ce, malgré la disparition de tous les membres fondateurs à l’exception de Justin Hayward et John. Ce dernier avait même programmé une tournée aux États-Unis pour la fin de l’année.
John Lodge nous laisse une magnifique collection de compositions qui ont contribué à faire des Moody Blues d’abord un groupe précurseur dans l’univers rock, puis une formation au cheminement résolument hors des sentiers battus. Cette singularité a pu les faire percevoir comme une relique du passé. Pourtant, leurs chansons intemporelles sont aujourd’hui redécouvertes par de nouvelles générations qui réalisent enfin leur place essentielle dans l’histoire du rock.
À la fin de ses concerts, John lançait au public « Keep the faith » (gardez la foi). Lui l’a gardée tout au long de sa vie.
Photo: ©Rob Verhorst/Redferns
Les albums qu’il faut courir acheter chez son disquaire indépendant :
Blue Jays (1975):l’album qu’il fit avec Justin Hayward