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Jiří Kylián : Aujourd’hui l’individualité se perd un peu

par La redaction
12.06.2025

L’Opéra d’Oslo accueille le festival Jiří Kylián « Les Ailes du Temps », la plus grande rétrospective consacrée au maître praguois. Elle couvre plus de quarante ans de créations et inclut non seulement ses ballets, mais aussi des installations artistiques, des photographies, des sculptures et des films. Jamais auparavant toutes les facettes du talent et des centres d’intérêt de ce poète de la danse du XXe siècle n’avaient été présentées de manière aussi complète.

Par Maria Sidelnikova

« Je suis le garçon le plus heureux du monde », répétait Jiří Kylián, 78 ans, soir après soir, sous les ovations de l’Opéra d’Oslo, où le monde du ballet s’était donné rendez-vous pour le festival. Ici il danse avec la reine Sonja de Norvège ; il mène des conversations philosophiques avec Mats Ek et Mikhaïl Barychnikov ; et avec Sabine Kupferberg – femme de sa vie et de son art – ils rencontrent la légendaire Liv Ullmann, 86 ans, qui adresse à ses films ce compliment émouvant : « Bergman aurait apprécié. »

Le riche programme du festival, initié par la directrice artistique du Ballet national de Norvège, Ingrid Lorentzen, avec une liberté et une ampleur que peu de capitales théâtrales reconnues peuvent se permettre, a été mis en scène personnellement par Jiří Kylián. Le festival comprend sept chefs-d’œuvres chorégraphiques – de Symphony of Psalms (1978) à Gods and Dogs (2008), en passant par Petite Mort(1991) et Bella Figura (1995). Du coté des arts visuels, une installation sculpturale intitulée Moving Still dans sa version spécialement créée pour la façade vitrée de l’impressionnant Opéra-iceberg qu’on découvrira peut être bientôt à Paris, ainsi que trois installations en coulisses, dont une – « Enzo », sur la musique d’Arvo Pärt, est une première mondiale. L’art du mouvement parfait dans un temps suspendu. Jiri Kyliàn a répondu aux questions de Maria Sidelnikova

Aujourd’hui, la danse n’est plus votre intérêt principal. Quand avez-vous ressenti le besoin de passer de la chorégraphie aux films et à l’art visuel ?

Je l’ai toujours fait. Je conçois les décors, les costumes. J’aide à l’éclairage. Dans beaucoup de mes ballets, il y a des films. Ce n’est donc pas comme si, du jour au lendemain, je disais : « Terminé », et je faisais autre chose. C’est une évolution complètement naturelle, comme une petite rivière qui se jette dans une grande. Ça s’est passé comme ça.

Cela vient, peut-être, du désir d’avoir quelque chose de plus matériel : la danse est un art éphémère — le spectacle passe, et il ne reste plus rien.

Oui, j’aime profondément créer quelque chose qui demeure, qui laisse une trace. Mais j’aime aussi la danse. Un jour, j’ai conçu une pièce où la scène était partagée en deux : d’un côté, un film ; de l’autre, la vie — mais visuellement, c’était parfaitement identique. Une porte, une fenêtre, une table, une chaise… des deux côtés. Et entre ces deux mondes, une interaction s’installe — entre la vie et la mort. C’était très beau, comme une étrange conversation. Les mêmes personnes apparaissaient dans le film — ma femme, encore une fois. Et l’on réalise alors que, sur l’écran, ils ne vieillissent pas tandis qu’ici, dans la réalité, ils vieillissent.

Êtes-vous une personne nostalgique ?

 Extrêmement, et particulièrement ici.

Pourquoi ?

Parce que je sais que ça ne reviendra plus jamais. Quand je vois l’amour et le dévouement des gens — je ne parle pas que des danseurs — mais aussi les gens des garde-robes, les serveurs du restaurant, ceux qui ont fait Enzo, les menuisiers, les gens qui font le ménage… Je les connais tous, et tout le monde vient me voir. Je l’ai donc dit mille fois : je ne me souviens pas d’avoir jamais été aussi heureux de ma vie qu’en ce moment.

Vous est-il arrivé d’être malheureux dans votre carrière ? 

Vous savez, je ne suis pas un créateur facile. Je dois lutter. Parfois, les choses arrivent facilement, d’un seul coup et parfois, on lutte comme un fou. Mais être directeur artistique et chorégraphe, c’est un travail vraiment lourd. Et cela laisse des traces, c’est certain. À 40 ans, je suis devenu complètement claustrophobe. Je ne pouvais plus — et je ne peux toujours pas — prendre l’avion. Je ne supporte pas les espaces clos et exigus. Prendre l’ascenseur, par exemple, ce n’est pas simple. Ça a été une période très, très difficile. Mais même à travers cette période terrible j’ai surmonté ma maladie — ma claustrophobie — à travers le travail.
C’était la seule voie possible. 

Avec le recul de l’âge et votre propre expérience de vie, que diriez-vous aux artistes qui doivent aujourd’hui s’exiler à cause de leur engagement politique ou de leurs pensées ? D’après vous, à quel point l’attachement à la terre natale est-il important pour un artiste ?

Cela dépend du caractère. Je suis une personne très cosmopolite. J’ai même fait analyser mon ADN : je suis principalement Tchèque, Allemand, Russe, Grec, Italien, Albanais. Je ne considère même pas la République tchèque comme mon pays. Mon pays, c’est Prague — là où j’appartiens, entre Mozart et Kafka.

Mais certains artistes souffrent toute leur vie de ce départ forcé.

Pour être honnête, quand je suis parti en 1968, c’était à cause des Russes, mais ce n’est pas tout à fait vrai, car j’avais déjà un contrat avec John Cranko, donc je serais parti de toute façon. J’ai quitté Prague une semaine après l’occupation, après l’arrivée des chars. On a été réveillés à cinq heures du matin par une énorme explosion. Le lendemain matin, nous avons affronté des soldats russes qui n’avaient aucune idée d’où ils se trouvent.  La plupart venaient de Sibérie, d’on ne sait où, ils ne savaient même pas ce qu’était la Tchécoslovaquie. En partant, j’étais sûr à cent pour cent que je ne reviendrais jamais. Je le savais. Pourtant, je suis revenu avec NDT à l’époque communiste avec un passeport apatride. Je n’avais pas de nationalité : je n’étais ni Hollandais ni Tchèque. À cette époque, aucun pays ne garantissait ma sécurité.  Ils auraient pu m’arrêter et vous n’auriez jamais entendu parler de moi. 

Vous rêviez de danser comme Rudolf Noureev, mais vous avez dû arrêter la danse, estimant ne pas être à sa hauteur. Ironie du sort, c’est lui qui vous a ensuite invité à l’Opéra de Paris en tant que chorégraphe, n’est-ce pas ?

C’était très curieux. À l’origine c’est Violette Verdy qui m’avait invité, mais je n’ai pas pu venir. Et ensuite c’est Noureev. Je me souviens, j’arrive au Grand Hôtel, et le téléphone sonne, c’est lui : « Jiri ! Je ne suis plus directeur. Je suis maintenant à Boston, en Amérique. Je fais Le Roi et moi. » Merci. C’est Jean-Albert Cartier (administrateur général de l’Opéra 1989-1991) qui alors s’est occupé de moi. 

Qui vous considérez comme vos disciples ? 

Paul Lightfoot, Nacho Duato et pas mal d’autres.

Quel regard portez-vous sur la danse contemporaine aujourd’hui ? Vous intéressez-vous à la jeune génération de chorégraphes ? Sont-ils inspirants pour vous ? 

J’ai été directeur du Nederlands Dans Theater pendant 24 ans. Durant cette période j’ai parcouru le monde à la recherche des meilleurs chorégraphes à inviter à La Haye, et j’en ai trouvé environ 75. Mais aujourd’hui, je ne vais presque plus rien voir. En réalité, j’ai déjà tout vu, et quand il m’arrive de voir un spectacle de danse, la plupart du temps, cela ne m’inspire pas beaucoup.

Qu’est-ce qui vous manque dans ce que vous voyez aujourd’hui ?

Vous savez, nous avons été formés par de grandes personnalités — que nous les aimions ou non, cela n’avait pas d’importance. Maurice Béjart, John Cranko, Martha Graham, George Balanchine, Merce Cunningham… des figures radicalement différentes, avec des styles, des visions et des univers totalement distincts. Aujourd’hui, quand on regarde une pièce à Tokyo, à New York ou à Amsterdam, on remarque à peine une vraie différence. Je ne devrais sans doute pas généraliser — bien sûr, il y a des exceptions — mais avec Internet, Instagram, YouTube, avec cette avalanche d’informations, tout finit par se ressembler. C’est un peu comme un goulash… un pot-au-feu culturel. Et c’est bien là le problème. La mondialisation ne me dérange pas, au contraire. Mais l’individualité, elle, se perd un peu. Et c’est ce que je ressens aujourd’hui vis-à-vis de l’art, en général.

Comment voyez-vous l’avenir de vos ballets sans vous ?

Tout d’abord, je suis surpris qu’il y ait encore de l’intérêt. Je pensais déjà, il y a 20 ans, que mon travail ne susciterait plus aucun intérêt. Maintenant, j’ai une fondation qui s’occupe de mes œuvres. Il y en a une à La Haye et une à Prague. Et tout est extrêmement bien documenté. Chez NDT, dès l’apparition des moyens techniques de captation, ils ont immédiatement tout filmé, même les plus anciens de mes ballets. Donc tout ce que j’ai fait est sur pellicule. Mais avec le temps, les pellicules se détériorent, alors nous avons tout numérisé. 

Et sur quoi travaillez-vous actuellement ? 

Il y a un nouveau film en route. L’idée est assez simple, c’est vraiment un film artistique. Nous sommes avec Sabine sur une île, à la recherche d’un endroit pour pique-niquer. On cherche un lieu, on fait un petit pique-nique. Puis, nous disparaissons dans l’océan. On continue de marcher, encore et encore, jusqu’à ne plus rien voir.

Visuel : ©Adam Olsson