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[Interview] Claude : « Faire une liste de mes défauts, c’est probablement la manière la plus honnête de me présenter »

par Juliette Brunet
24.11.2024

Cult.news a rencontré le chanteur Claude dans la foulée de son concert complet à la Cigale. Présentation mosaïque à travers son album et sa tournée, ses défauts et ses morceaux !

Cult : Pour commencer, est-ce que vous auriez trois mots pour décrire votre concert à la Cigale ?

 

Claude : Panique, en vrai. Panique obligatoirement. J’étais en bon gros stress juste avant de monter sur scène. Soulagement ? (rires) Et cathartique, en troisième. Panique, soulagement, cathartique.

 

Cult : Dans cet ordre-là ?

 

Claude : Exactement, c’est littéralement chronologique. J’étais en méga stress avant. On est arrivé super tôt à la salle, vers 11 h et quelques. On a découvert la scène, on a fait les balances, on avait beaucoup de temps. Ensuite, tu arrêtes vers 17h, donc tu as 3h, 4h pour juste te stresser la tronche. Tu ne peux rien faire, donc le stress a le temps de monter au fur et à mesure. Et puis, en fait, à partir des premières notes, quand les gens ont commencé à chanter, je me suis dit « c’est bon, tranquille, ça va bien se passer ». Et cathartique, parce chaque moment a fait exactement ce qu’il devait faire, j’ai l’impression. Les moments qui devaient être tristoun’, c’était méga tristoun’. Les moments où ça devait être pétage de câble, c’était vraiment pétage de câble. Les moments où ça devait chanter, ça chantait. C’était trop bien !

 

Cult : Donc vous vous êtes plutôt bien senti sur scène ?

 

Claude : Je pense que les grosses dates, c’est un peu compliqué parce que malgré tout, c’est quand même un peu dissociatif. Dans les gros concerts, tu réfléchis beaucoup à ce que tu fais, si ça se passe bien, si tu fais le bon truc au bon endroit, si tu interagis comme il faut avec les gens, si tu ne dis pas de conneries entre les morceaux, si tu as oublié des personnes. Ce qui fait que ce n’est pas une expérience full plaisir. Typiquement, j’avais trop peur de regarder les vidéos juste après. Je les ai regardées à partir de 15h hier. Et je me suis dit que c’était trop cool, en fait ! C’était juste trop trop bien !

 

Comment se passe le passage du processus de création de l’album à son interprétation sur scène ? Comment ça se prépare ?

 

Le passage à la scène, ça se prépare parce que tu ramènes des musiciens, des ingé lumière, des ingé son. Ce qui fait que tu dois travailler avec de nouvelles personnes qui n’étaient pas impliquées jusque-là. L’album, on l’a fait à deux ou trois, deux sur la majorité, trois par moment. Et là, d’un coup, on doit être cinq, six ou sept pour créer le concert. Tu dois, à la fois, ramener toute l’expertise de ces personnes et leur faire intégrer ta musique. Et puis, on doit se demander : comment on joue les morceaux ? Avec quels instruments ? Comment est-ce qu’on les présente du mieux possible en live ? Il y a plein de questions comme ça…

 

Ce sont des choix plutôt techniques ?

 

Et beaucoup d’artistique. Par exemple, le morceau « Baisodrome », en live, n’a pas du tout la même couleur. On l’a recomposé pour que ce soit plus simple à jouer, parce qu’il y avait beaucoup d’éléments dans la version album. Et la partie purement performance, ça, ça se découvre. Il n’y a pas de recette malheureusement. Et heureusement, parce que ça créée de la surprise et de l’unicité ! Mais c’est à découvrir sur place où tu vois ce que tu es capable de faire, ce que tu te sens de faire. Et souvent, en fonction des concerts, tu te laisses un peu porter par les gens, s’ils répondent à ce que tu proposes. J’ai quand même travaillé la présence scénique, avec Julien Lacroix, qui n’est pas un coach scénique, mais qui vient du théâtre et de la danse. Il m’a bien aidé à occuper la scène, mais même si tu as cette base-là, en concert, ça se découvre sur le moment.

 

Comment appréhendez-vous votre tournée ? Quel est votre état d’esprit quand vous pensez à cette itinérance de villes où vous allez présenter vos morceaux à une dizaine de publics différents ?

 

En fait, tu ne sais jamais ! Quand tu n’en es pas au stade où tu remplis 50 Zénith sur deux mois (rires), tu ne sais jamais trop à quoi t’attendre. Si les gens qui viennent te voir, ils te connaissent ou pas, s’ils connaissent tes paroles, si tu vas réussir à les entraîner, même si tu donnes tout ce que tu peux. Comme le public varie de date en date, la présentation est elle aussi différente. Parce que le concert, il ne fait pas le même travail auprès de tel ou tel public. Pour l’instant, ça se passe super bien et on s’amuse bien ! Mais c’est ça ma petite appréhension avant chaque concert parce que c’est encore récent. On a dû faire quatorze dates, on a commencé mi-octobre. Et c’est cool parce qu’il y a le défi d’aller chercher les gens, de devoir convaincre, de leur donner du plaisir.

 

Comment s’est déroulée la genèse de l’album In extremis ? Qu’avez-vous voulu y raconter ? Comment s’est passée l’écriture ? Avez-vous été accompagné dans ce processus de création ?

 

Il n’y a pas eu de genèse, dans le sens où je n’ai pas réfléchi 50 ans pour faire cet album. Je pense juste que j’avais sorti un EP dont je n’étais pas très fier parce que je le faisais tout seul, parce que je pataugeais musicalement, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. En discutant avec les gens avec qui je travaille, il y a une personne qui m’a dit qu’en réalité, un album, c’est la première pierre dans la carrière d’un artiste. Le vrai truc que tu laisses, qui fait partie de ta page Wikipédia, c’est l’album. Et de là, ça a pris une demi-heure : j’ai envoyé un message à mon label pour leur dire que j’allais faire un album. Je leur ai demandé qu’on se mette d’accord sur une timeline parce que j’aime bien avoir des créneaux et des contraintes, parce que ça m’oblige à avancer. On était en janvier 2023, et ils m’ont dit de terminer l’album pour décembre 2023.

 

En janvier, je suis parti deux semaines dans les Vosges, dans la maison de ma grand-mère qui est maintenant décédée. C’est une maison dans laquelle j’ai passé une partie de mon enfance, où j’ai des souvenirs exceptionnels. La maison allait être vendue, donc je me suis dit c’était le moment d’y aller, de profiter de cet endroit. Je suis parti tout seul, il n’y avait plus de chauffage, plus rien. J’étais au feu de bois avec mon ordinateur et un petit clavier, à écrire des chansons. Je m’étais donné comme obligation de trouver un fil rouge, un sujet principal pour l’album, que j’ai trouvé assez vite pendant cette « résidence ». C’est un album de présentation (comme c’est le premier), donc automatiquement, il faut que je me présente de manière assez franche et transparente. J’ai commencé à faire une liste de mes défauts parce que c’est probablement la manière la plus honnête de me présenter. J’avais donc ces éléments de ma personnalité, qui me questionnent, qui me posent problème. Comme j’écris un peu tout le temps dans mon téléphone, je suis allé fouiller dedans pour voir toutes les phrases que j’avais pu écrire vis à vis de chaque sujet. Et j’ai fait des fichiers Word avec chaque sujet, avec toutes les phrases que j’avais : pour l’égoïsme, la solitude, la prétention, etc. Ensuite, j’ai commencé à composer des mélodies de voix, en les reliant à tous ces sujets. Je me suis donc retrouvé avec un squelette d’album, avec ces maquettes que j’aimais bien.

 

Parallèlement, j’ai rencontré un garçon qui s’appelle Alexis Delong, en janvier 2023 ; il est tombé sur un de mes concerts. On est allé boire un café ensemble et on s’est dit qu’on allait faire des sessions studio. On s’est beaucoup retrouvé en termes de références musicales et on avait la même manière de travailler. On était tous les deux très exigeants. On était raccord sur le fait de faire des trucs à fond, mais aussi de les dégager complètement, si ça ne marchait pas. On acceptait de repartir à zéro, d’essayer le plus possible, d’aller au bout de nos idées, même si ça ne donnait pas toujours une chanson. On a commencé à faire des sessions en studio en mars et dès la deuxième session, il a accepté qu’on fasse l’album ensemble. À partir de ce moment-là, on s’est fait des semaines et des semaines de travail en studio, en résidence, chez lui, chez moi. En décembre 2023, on avait plus ou moins terminé l’album, notre partie du contrat a été relativement remplie à ce moment-là (rires). Il y a juste un dernier morceau qui a été rajouté au dernier moment. Et l’album était bouclé, on n’y a plus touché et puis il est sorti en octobre.

 

Quelles sont les inspirations, musicales et artistiques, qui ont guidé ce projet ?

 

On avait des références, mais on fait attention à ne pas trop les mentionner ou les mobiliser pour ne pas faire du copier-coller ou du réchauffé. J’écoutais très peu de musique pendant l’album, il y a tellement de matière avec ce que tu fais, tu es surtout occupé à ça ! Dans les références qui ont dû m’influencer inconsciemment, il y a du MGMT, l’album Little Dark Age qui est ma plus grosse influence musicale. Dans la composition, il y a du Weyes Blood, une artiste américaine qui fait de la composition de dingue. Il y a aussi beaucoup de musique électronique : du Alphex Twin, de l’ambiant, du Andy Stott, qui est une méga référence dans sa manière d’utiliser les drums. Mr Fingers en house. John Maus, des trucs très synthpop, Ariel Pink… Il y aussi Anika, une artiste allemande qui fait de la musique électronique. Le morceau « When I go to sleep », c’est une référence absolue de l’album. Parce que c’est de la musique où c’est clairement sans concession, sans objectif, et pourtant, c’est magnifique ! Ça montre qu’avec très peu, on peut faire des trucs très bien et vraiment intéressants. Nous, on avait des moyens de fou, on n’avait vraiment pas à se plaindre. Mais par contre, on s’est obligé à exploiter chaque instrument à son maximum. Pour créer quelque chose de nouveau à chaque fois, ne pas utiliser deux fois exactement un même son.

 

Et du coup, zéro chanson française ?

 

Ma référence en langue française, c’est le rap. J’ai grandi avec ça. Et à part ça, c’est de la lecture plus que de la chanson. La chanson française, je n’ai vraiment pas cette culture-là, j’ai un peu manqué le coche. Les Alain Souchon, Léo Ferré, Barbara, je n’ai pas les références. Et effectivement, c’est curieux parce que je fais de la chanson française.

 

C’est intéressant ce « décalage » entre toutes vos inspirations et ce que vous produisez comme morceaux.

 

C’est aussi parce que je ne peux pas écrire autrement qu’en français. Je ne suis pas particulièrement fort en anglais, je n’ai absolument pas la même adoption du langage anglais que du français, qui est ma langue maternelle. En français, je sais le sens de chaque mot, quelles sont les nuances et les finesses des mots. Donc, j’écris en français et à un moment, tu chantes et donc obligatoirement, c’est de la chanson française ! (rires) Il y a de la chanson française dans ce que je fais, mais ce qui est bien, c’est que je peux en faire sans à priori, sans préjugés. Comme je n’ai pas les références, je fais un peu ce que je veux.

 

Si vous deviez choisir un seul morceau de l’album pour vous présenter auprès de quelqu’un qui ne connaît pas votre travail, ce serait lequel ?

 

Je dirais « Addition » ou « Signes vitaux ». Mais il faut que j’en choisisse un, sinon je ne respecte pas les règles ! Je vais dire « Signes vitaux ». C’est le dernier morceau que j’ai fait pour l’album. Vraiment en last minute et pourtant, c’est un des morceaux les plus emblématiques de l’album. Sur les sujets. Sur la manière d’écrire. Sur l’instrumentation. C’est un morceau qui parle d’être hypocondriaque. J’avais écrit ce défaut dans ma liste du début, mais ça a abouti au tout dernier moment. Mon label m’avait dit d’essayer d’écrire un morceau, plus léger, plus fun. Mais ça ne me parlait pas : j’adorais la mélodie, je détestais le sujet. Moi qui écris là-dessus, je trouvais que c’était tiède à la mort, et on laissé ce morceau dans un coin. À la fin de l’album, Alexis m’a dit que c’était bête de ne pas avoir écrit sur l’hypocondrie, que c’était quand même une grosse partie de ma vie. Et je suis retombé sur ce morceau-là, et je me suis dit que j’allais reprendre les paroles. J’ai écrit un peu en automatique, parce que le sujet est tellement personnel que c’était facile à écrire. On a enregistré les voix, j’ai envoyé à Alexis et il m’a dit qu’il adorait la voix, le texte, la mélodie, mais qu’il allait reprendre la production. Une journée passe, et il m’envoie la version quasi finale. Un peu plus tard, on a repris quelques trucs ensemble, et c’était terminé. Mais vraiment dans la dernière ligne droite !

 

 

Pendant le concert,vous avez rassuré tous les hypocondriaques de la salle en leur disant qu’ils étaient juste observateurs et attentifs… Qu’est-ce que ça représente pour vous l’hypocondrie ? La perte de contrôle ? L’imprévisible ?

 

Déjà, il y a un truc d’égoïsme quoi qu’on en dise. La réalité, c’est que tu te scrutes en permanence. Tu es très autocentré, tu penses beaucoup à toi, à ton corps, à ce qui se passe à l’intérieur. Il y a aussi de la paranoïa. Il y a un truc de perte de contrôle, c’est sûr. Tu as l’impression que ton corps, c’est censé être toi, et donc des éléments que tu maîtrises. Mais en fait, c’est un amas d’organes et de chairs qui est relativement indépendant de ta volonté. Et ça, c’est terrifiant. Je ne sais plus qui disait ça, mais il y a un artiste qui disait qu’il n’y a pas plus rassurant que le silence des organes. Alors que quand tu es hypocondriaque, ton corps te dit tout le temps quelque chose. Donc oui, il y a un truc de perte de contrôle, complètement.

 

Dans « Ode à Mark », vous parlez du temps de cerveau disponible et des données qu’on donne aux réseaux et aux moteurs de recherches. Pourquoi avez-vous eu envie de faire un morceau là-dessus ?

 

Je ne l’ai pas vécu comme quelque chose de cathartique, ça me faisait plus marrer qu’autre chose. Ce côté presque relationnel avec les réseaux. L’entité qui connaît le plus au monde (plus que ta famille, tes meilleurs amis, ton partenaire), ce sont littéralement les moteurs de recherche et les réseaux. La réalité, c’est qu’ils connaissent par cœur tes goûts, ce que tu aimes, ce que tu aimes en secret, ce que tu n’aimes pas, ce que tu aimerais avoir, ce que tu possèdes, ce que tu ne possèdes pas. Je pense qu’ils savent absolument tout. C’est une relation toxique à la mort, complètement asymétrique… Qui est aussi trop rigolote. C’est vraiment une relation amoureuse étrange. Je m’en suis rendu compte en lisant des articles sur le niveau d’utilisation des données et d’économie de l’attention. Et ce n’est même pas un jugement ou que ça me fait peur. Rien de surprenant au fait que des grandes entreprises cherchent à exploiter jusqu’au moindre centimètre de données, pour contrôler et faire consommer leurs utilisateurs. Je l’ai un peu écrit comme une blague, et souvent les morceaux qui partent comme ça, je les écris sans trop me poser de questions, sans rimes, j’écris juste en rythme. La rime, j’ai un peu mis ça de côté. Il y en a pas mal dans mes morceaux, mais c’est plus des accidents que des choix.

 

Dans le clip, il y a donc des messages à Mark (Zuckerberg), et vous utilisez aussi son image. A-t-il commenté ou répondu ?

 

Non, je n’ai pas eu de retour… Et même Méta, ils ont essayé de striker la vidéo plusieurs fois. Je comprends, mais ils n’ont légalement pas le droit puisqu’en France, tu as le droit à la caricature. Mais effectivement, comme c’est l’utilisation d’une autre vidéo, d’une interview qu’il a faite avec quelqu’un d’autre et qu’on a exploité cette image-là pour le morceau, ils ont essayé de striker le truc (rires).

 

Dans « La Pression », il y a une mise en garde contre la pression qui peut nous faire exploser, et vous retournez complètement cette sensation de panique pour nous faire danser. Est-ce que la musique, ça sert surtout à faire redescendre la pression ?

 

Pour moi la musique, ça n’apporte pas de solution. Je n’ai pas le sentiment qu’en écrivant mes morceaux, ça va m’aider à mieux gérer quelque chose. « La pression » en particulier, ça parle effectivement du stress un peu permanent, des impératifs posés par le monde extérieur. Mais il y a un côté de mauvaise foi aussi. Tout le premier couplet, je parle que des gens qui me veulent du bien (mes parents, ma copine, mon médecin) et je les présente comme s’ils m’imposaient des trucs. Effectivement, ça parle d’angoisse, qui n’est pas vraiment un défaut, mais c’est aussi de mauvaise foi, parce que tu peux transformer des conseils en angoisse tout seul. La pression, ce n’est pas tellement que je vais vriller, parce que je ne suis pas du tout colérique, et de manière générale, je suis plus dans le contrôle. Tout ça, c’est surtout dans ma tête. Et ce morceau, il me permet de montrer ce sentiment que je garde pour moi. Et d’être entièrement honnête avec les gens en leur montrant ce qu’il y a dans ma tête, en le disant à 100 % dans un morceau. Je n’évacue rien, je fais juste un exercice d’honnêteté.

 

L’album est globalement très bavard, sauf dans « La nausée », qui est un morceau purement instrumental avec des accents de techno. Quel est votre rapport avec la musique techno ? Est-ce que vous en écoutez beaucoup ? Est-ce que vous assistez à beaucoup de soirées/concerts ?

 

Je sors zéro. Je n’ai pas un grand rapport avec la musique techno. Beaucoup plus avec la musique électronique, la musique acid, la house, l’electronica. Mais la techno en soi, ce n’est pas vraiment un genre qui m’intéresse. Et « La nausée », je le qualifierais plutôt d’electronica, d’acid parce qu’il n’a pas ce côté minimal de la techno. Dans ce morceau, c’est assez généreux, il y a beaucoup de textures et beaucoup de sons. Cette musique électronique un peu explosive, je l’ai surtout découvert sur YouTube, quand j’avais treize quatorze ans, et je ne l’ai jamais vécu en live. Je ne sors pas en boîte, je vais très peu en concert. Par contre, je passe beaucoup de temps casque sur les oreilles. J’ai un rapport à la musique très « bulle », très individuel. Ce qui est effectivement curieux vu le style de musique, de ne pas être un grand fan de l’expérimentation extérieure. Mais finalement le faire sur scène, ce sont mes premières expérimentations de cette musique en live, c’est rigolo. Mais ouais, pas vraiment pas fêtard du tout ! (rires)

 

On s’amuse très bien à vos concerts donc pas de souci ! Le jour de la sortie de l’album,vous avez écrit dans un post Instagram que vous ne saviez pas écrire sur grande chose d’autre que vous-même, « ce qui supra égocentrique ». Mais c’est un défaut assez partagé. Par les artistes de votre âge ?

 

À la fois notre âge et pas notre âge. Je vois souvent dans les journaux ce truc de « parler pour la génération ». La réalité, c’est qu’il y a certainement de ça, parce que j’appartiens à ma génération. Mais il y a plein d’autres personnes que ça touche. Avant-hier, après le concert, il y a trois darons qui sont venus me voir pour me parler de « Signes vitaux » et de leur stress hypocondriaque. Je pense simplement que nous, on a plus de facilité à en parler, on n’a moins de tabous. Et je crois qu’une musique qui réussit son travail, elle arrive à parler à beaucoup de monde. Pour la simple et bonne raison qu’on est moins unique qu’on le croit. Ça se saurait si on était tous ultra particuliers. Je crois qu’on vit tous plus ou moins les mêmes choses. Finalement, c’est assez rare de créer de l’individualité absolue dans un texte. Et comme j’écris comme je parle, automatiquement, j’aboutis à quelque chose d’assez ressemblant avec ce que les gens peuvent penser eux aussi.

 

Lors que vous avez chanté « Contresens », nous avons été nombreux dans la salle à sentir monter les larmes. Le morceau est magnifique, vous y évoquez la perte, le deuil, l’enfance et votre mère, à qui vous avez dédié votre album. C’est quoi pour vous avancer à contresens ? 

 

Cette phrase « avancer à contresens », je l’ai écrite très tôt, je ne savais pas pourquoi. Elle est venue naturellement. Pour moi, quand tu as eu un événement compliqué, qui est devenu une borne absolue, un point de rupture dans ta chronologie – et en particulier quand c’est la perte de quelqu’un, à la fois tu t’en enfuis et tu y reviens constamment. Tu t’éloignes, tu grandis, les souvenirs disparaissent un peu, cette période de ta vie devient de plus en plus floue. Mais en même temps, tu essayes de t’en rapprocher, d’y revenir. Tu as beau avancer, tout te ramène à cet événement. Parce que toute ta vie, tu essayes de te souvenir, tu y arrives de moins en moins, mais tu essayes de plus en plus. Et quand tu en tires des choses comme l’hypocondrie, tu continues à revenir à cet événement, que tu le veuilles ou non. Pour le souvenir, c’est volontaire, mais pour la tristesse, le stress, l’angoisse, la peur de la maladie, c’est involontaire. Donc « avancer à contresens », c’est avancer en revenant constamment à ce point. Tu avances en regardant en arrière, en essayant de te rapprocher de cet événement qui est pourtant fini. Et finalement ce terme, il renvoie à cette dualité de s’enfuir et de se rapprocher. Et à cette impression que les autres avancent et que toi, tu restes bloqué sur ce point. Alors que je sais très bien que chacun à ses événements difficiles.

 

Je tente ma chance : même si ce n’est pas aujourd’hui que vous allez nous donner la véritable raison pour laquelle vous vous appellez Claude, pourquoi tenez-vous à cette énigme ? Est-ce que c’est un double ?

 

Ça permet de marquer une étape, je crois. C’est sûrement pareil pour beaucoup d’artistes, mais je ne suis pas destiné à faire ça. J’ai fait beaucoup de musique dans ma vie, mais je n’ai jamais été particulièrement talentueux. J’étais très bon élève, tout se passait vraiment comme il fallait, j’étais sur le point de faire complètement autre chose. Et au dernier moment, ça a fait « Pouf ! ». Donc, ce nom, il sert à poser une étape, à donner un nom à un chapitre. En plus, ça me donne accès à une version amplifiée de moi-même, très sincère, très honnête. Je suis assez surpris de comment je me comporte sur scène, quand je crie, quand je saute, quand je tape sur le sol avec mes mains. Faire ça sur scène sans honte, sans gêne, ça me semble porter un autre nom que le mien. Ce n’est pas quelque chose que je ferais en mon nom à moi. Ça permet d’être complètement honnête, bizarrement, le fait de se donner un masque – même si c’est un peu cliché comme idée. Je voyais Tyler, The Creator, avec son nouvel album CHROMAKOPIA, qui disait que c’est son album le plus sincère, même si son personnage porte un masque. Parce que ça lui d’être un peu caché, pour pouvoir dire absolument tout ce qu’il veut. Garder un peu de pudeur pour pouvoir être sincère.

 

Vous travaillez avec le compositeur et arrangeur Alexis Delong, qui travaille également avec Zaho de Sagazan. Ça vous dirait un morceau commun, à trois ?

 

Bien sûr ! On verra si ça se fait un jour, mais bien sûr. Zaho, je l’ai rencontrée en même temps qu’Alexis, ou grâce à lui… Je ne sais plus qui a parlé de qui à qui. Et Alexis est devenu une des personnes les plus importantes dans ma vie. Nous sommes devenus très proches en plus de travailler ensemble artistiquement. Et on va continuer parce que ça fonctionne trop bien ! Et Zaho, on a une grande proximité dans nos références musicales, et au-delà de ça, c’est une personne fantastique, un exemple exceptionnel pour notre génération. Pour l’instant, il n’y a rien de concret, mais j’espère oui !

 

Un dernier mot pour que le Trianon affiche complet le 5 février ?

 

La Cigale, c’était le feu ! Et le Trianon, ça va être la même chose en mieux ! Il y aura des morceaux et de la scénographie en plus, ça va être une version un peu augmentée. Peut-être qu’il y aura des gens avec nous sur scène… On va voir ! (rires)