« Hors la loi » : Pourquoi le choix de Virginie Efira pour incarner Gisèle Halimi suscite-t-il la polémique ?

Hors la loi, de la scène aux écrans

Pauline Bureau, autrice et metteuse en scène multi-récompensée (Molière, prix SACD…) se lance dans le cinéma en adaptant sa pièce Hors la loi, jouée en 2019 à la Comédie-Française.

Avec Hors la loi, c’est Gisèle Halimi et ses combats qui sont mis à l’honneur puisque la pièce, et bientôt le film, retrace le procès de Bobigny de 1972 durant lequel l’avocate a défendu une jeune femme mineure, Marie-Claire Chevalier, qui a avorté illégalement après avoir subi un viol. Ce procès a été grandement médiatisé et soutenu par des mouvements militants féministes. Il marque un événement historique et législatif qui a contribué à faire avancer la cause pour la dépénalisation de l’avortement et a, entre autres, mené à l’adoption de la loi Veil en 1975, loi autorisant l’IVG, seulement inscrit dans la Constitution le 8 mars 2024. Gisèle Halimi était donc une figure politique très présente dans l’espace et les débats publics (défenseuse de membres du FLN, signataire du manifeste des 343, à l’origine de la loi abrogeant la distinction de la majorité sexuelle pour les rapports homosexuels…). Elle se dédie aux causes féministes et à la décolonisation.

Pour son film, Pauline Bureau choisit Virginie Efira pour incarner l’avocate.  Grande comédienne franco-belge, elle est sur tous nos écrans depuis quelques années, et à raison ! L’actrice incarne ses rôles avec justesse et nuances, tout en portant des sujets qui lui tiennent à cœur de défendre, notamment en faisant partie du Collectif 50/50 qui lutte pour  « (l’)égalité et (l’)inclusion dans le cinéma et l’audiovisuel ».

L’adaptation cinématographique : coup de théâtre quant au choix du casting

Le 5 février 2025, le film est annoncé en même temps que le nom de l’actrice principale. Alors que des films et des pièces de théâtre ont déjà été produites, notamment Hors la loi en 2019, ou Gisèle Halimi, une farouche liberté interprétée par Ariane Ascaride et que ces rôles ont tous été attribués à des actrices non-racisées, c’est pourtant le choix de Virginie Efira, franco-belge qui crée débat depuis le 5 février 2025. Pour rappel, Gisèle Halimi est née à La Goulette, en Tunisie, dans une famille juive-tunisienne.

Si les dernières années, ces questions ne se sont pas posées sur les planches, le problème est présent en ce début d’année 2025, ce qui souligne l’avancée des mentalités et le regard plus aiguisé et attentif du public quant aux questions de représentation des minorités.

Médiatiquement, cette polémique mène à une récupération politique importante notamment des sphères droitisantes qui ont tout de suite crié au «racisme anti-blancs »lorsque la question de la légitimité de Virginie Efira, en tant que personne et non en tant qu’actrice, s’est posée. Il faut savoir que le « racisme anti-blancs » est un retournement du racisme : ce  serait un « racisme contre les blancs ». Or, cela ne peut exister puisque le racisme est le résultat d’une oppression systémique, institutionnelle et historique provoquée et maintenue par des dominant.es.  En dehors de cette réaction, nous observons également des contestations qui demandent à Virginie Efira de se retirer pour laisser la place à une autre comédienne qui serait racisée afin de représenter avec justesse l’identité de Gisèle Halimi, tout en mettant en valeur des comédiennes sous-représentées.

En effet,  si l’actrice choisie avait été une femme racisée, le débat n’aurait surement pas eu lieu puisque la question de la représentation ne se serait pas posée. De fait, ce choix souligne un phénomène courant qui est le « whitewashing ».

Qu’est-ce que le whitewashing ? 

Ce terme est la continuation édulcorée du blackface et du yellowface, pratiques utilisées aux débuts de l’industrie hollywoodienne. Le whitewashing désigne le fait de faire incarner un.e acteur.ice racisé.es par un.e acteur.ice blanc.he. Cela souligne la non-représentation des personnes racisé.es (seulement 22% de personnes sont perçu.es non blanc.hes à l’écran selon le Collectif 50/50) . Le fait de se sentir représenté.e est crucial pour bon nombre de spectateur.ices, comme le souligne une utilisatrice d’Instagram citée dans Madame Figaro : 

« En tant que jeune avocate franco-algérienne, je me suis tellement identifiée à Gisèle Halimi, à son combat, à sa fougue, à son refus de l’injustice. Et pourtant, une fois de plus, le cinéma français semble nous dire que nos visages n’ont pas leur place pour raconter nos propres histoires ».

Cette remarque pointe du doigt l’invisibilisation et la sous-représentation des acteur.ices racisé.es qui pourraient (et devraient) porter ces sujets au grand public. 

Un portrait nécessaire… qui en cache d’autres

Par ailleurs, si la figure de Gisèle Halimi est absolument incontournable qu’il est toujours bon de la remettre en lumière, qu’en est-il des femmes qu’elle a défendues ? En effet, les films sur des femmes célèbres et historiques, longtemps invisibilisées et silenciées, sont toujours bons à prendre, cependant on ne se refuserait pas un documentaire ou un film sur les femmes qu’elle a défendues. Où est le portrait de Djamila Boupacha, défendue par cette même avocate dans un procès tout aussi médiatisé, dans les livres d’histoire et les écrans de cinéma ? Qu’en est-il d’Anne Tonglet et Araceli Castellano, deux femmes victimes d’un viol collectif ? Une série documentaire, un film au travers du regard de ces femmes, de ces victimes ne serait-t-il pas judicieux ?