Happy hours au Nice Jazz Festival

Jazz Legacy

Insouciante légèreté d’une nuit d’été de 25 degrés ce 25 juillet. Le chanteur M paraît si près du public sur la grande scène Masséna, malgré les 10000 corps et  sourires qui dansent. Plaisir inégalé que de pouvoir se balader entre les deux scènes, un verre à la main. Quelques mètres plus loin, dans l’amphithéâtre du théâtre de Verdure, c’est Sullivan Fortner, pianiste de génie de sa génération.  Ce soir,  il rend hommage au géant Oscar Peterson surnommé par Duke Ellington « le maharadjah du clavier ». Accompagné de John Clayton ( contrebassiste de Monty Alexander et du Count Basie Orchestra)  et de Jeff Hamilton à la batterie (qui a joué avec Oscar Peterson dans son trio avec le contrebassiste Ray Brown), c’est une véritable célébration du jazz traditionnel.  Enfants, adolescents,  adultes, retraités, 3000 personnes partagent  leur amour du jazz. Sullivan Fortner maîtrise à merveille l’héritage de la culture jazz ancestrale et  se met au service de la musique en faisant résonner les block chords à la façon d’Oscar Peterson avec une grande sincérité dans l’attaque pianistique. Un concert très différent de celui qu’il a livré la veille avec son trio beaucoup plus moderne, dans la lignée de son album “Solo Game“, nommé dans la catégorie « Meilleur album instrumental », incluant des compositions et une reprise de Stevie Wonder.  La qualité première d’un musicien, au-delà de son talent et de sa sensibilité, est son humilité et Sullivan nous le montre bien ce soir en jouant ce deuxième concert dans le seul but d’honorer un de ses maîtres, Oscar Peterson, respectant la tradition tout en y amenant sa personnalité. Version sentimentale et nostalgique de Django quand l’audacieux contrebassiste John Clayton  prend l’archet pour renforcer la mélodie d’un son profond, puissant, aux vibrations à donner la chair de poule. Night Train, Satin Doll, le public connaît le répertoire de façon impressionnante et réagit aux citations musicales. Voyage dans l’histoire du jazz ce soir, on est au 19ème siècle et Sullivan Fortner présente le prochain morceau , Cakewalk, composition originale d’Oscar Peterson, en hommage à cette danse populaire née parmi les Afro-américains du sud des États-Unis, qui imitait de façon ironique l’allure de leurs maîtres se rendant aux bals, qui a donné naissance au  rythme du ragtime. « Blues is such a happy thing and it can be sad too» (le blues peut être si joyeux et si triste également) nous dit John Clayton . En effet, ce sont bien là les couleurs de l’Hymn to Freedom, joué façon gospel par Sullivan, ce  qui nous rappelle qu’Oscar Peterson a côtoyé Nelson Mandela et s’est engagé pour la liberté des droits humains contre l’apartheid. Fin du concert . Place à Jalen Ngonda, chanteur américain de 31 ans à la voix R&B/soul aux influences de la Motown dans la lignée de Marvin Gaye. Repéré par Snoop Dogg ou Elton John, il fait danser et lever le public au son de ses compositions. Avec de l’humour parfois, il dédie certaines de ses chansons aux cheveux bouclés et aux désillusionnés, tout en entraînant le public dans un groove qui rappelle les grandes heures des années 70.  Un moment de grâce et de nostalgie pour conclure cette deuxième soirée.

L’expérience festival

 Ici, rien n’est figé, guindé, bourgeois, ou maniéré. C’est un contrepoids aux grandes salles de spectacles à l’ambiance parfois trop mondaine où rester silencieux est une injonction, et où toussoter devient un affront. Depuis des décennies, c’est un vrai festival de musique pour tous, et plus précisément de jazz, qui est à l’origine une musique populaire célébrant l’improvisation de l’instant, la créativité et  la liberté. Concerts de 19h à minuit, et jam session jusqu’à 4h du matin. Bars et grignotages possibles à toutes heures. Nouveauté cette année, le festival a confié à  Joey Starr l’animation d’un espace  Food System (en collaboration avec des grands chefs cuisiniers) et un Sound System qui présente quelques DJ aux platines dès 17h30.  Le Nice Jazz Festival, tel un Woodstock de la French Riviera les pieds dans les galets,  n’est pas sans nous rappeler sous certains aspects le Newport Jazz festival, lui aussi créé par George Wein qui avait importé cette idée en France avec le Jazz Parade, ancêtre du Nice Jazz Festival.

Visuels : (c)HK

https://www.nicejazzfest.fr