Le Louvre, 30 000 visiteurs par jour, mais, ce lundi 15 décembre 2025, les touristes du monde entier ont dû s’arrêter sur le pas de la porte. Le personnel du musée était en grève reconductible alors que le musée était normalement fermé comme tous les mardis. Selon les syndicats, une prochaine assemblée générale est prévue mercredi à 9 heures. Une nouvelle ligne s’est écrite sur la page noire du musée le plus visité au monde.
« À 30 secondes près, le casse du Louvre aurait pu être évité ». Tel est le constat de l’enquête administrative du Louvre, bien qu’elle n’avait pas pour but de désigner des coupables. Elle affirme que la situation n’est pas due à une accumulation de malchance mais bien à une passivité latente et à un « sous-équipement » concernant la sécurité du musée. En cause notamment, le manque d’écran de surveillance, une caméra avait bel et bien filmé l’arrivée des malfaiteurs, mais les images n’étaient pas visibles depuis le bureau de sécurité. Des conclusions déjà présentes dans les rapports d’audit en 2017 et 2019, mais qui n’avaient pas été transmises à la direction actuelle. « Tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal ». Jamais l’adage de la loi de Murphy n’a semblé aussi vrai qu’aujourd’hui pour l’emblème qu’est le Louvre. Et, pourtant depuis quelque temps maintenant, la réalité est bien là. Le mardi étant la journée de fermeture hebdomadaire, mercredi 17 décembre est prévue une nouvelle assemblée générale, afin de décider oui, ou non, de la réouverture au public.
Encore sous le choc du « casse du siècle » et des incidents qui ont suivi, quelque 400 employés ont décidé, en pleine période de Noël, de faire grève, obligeant le Louvre à fermer de nouveau ses portes. « Le Louvre sombre » : c’est ce qu’on pouvait lire sur les pancartes brandies devant la pyramide. Une affirmation presque accessoire pour quiconque observait la fin d’année catastrophique du musée. À la suite de l’annonce d’une baisse de 5,7 millions d’euros de dotation publique prévue dans le projet de loi de finances 2026, s’est tenue, le 8 décembre 2025, une assemblée générale, lors de laquelle le personnel du musée a voté pour une grève reconductible. Les revendications sont nombreuses : création d’emplois, hausse des salaires, réorganisation, abandon de la tarification différenciée pour les touristes français et étrangers qui devait être effective en janvier, et abandon du « projet Renaissance ». Si le timing semble délicat en ce lundi 15 décembre, syndicats et employés y ont visiblement vu le momentum parfait, l’occasion ou jamais de se faire entendre, et pour cause, Rachida Dati est revenue sur la baisse des dotations. En parallèle, pour les touristes, c’est une nouvelle déception, loin de ce qu’ils s’imaginaient, ils se retrouvent face à une tout autre exposition. La crise continue pour le Louvre, continuant de ternir l’image de la France à l’international.
Les difficultés du Louvre ne datent pas de cette année, mais le cambriolage des joyaux de la Couronne du 19 octobre dernier a agi comme un révélateur brutal. Inutile d’en retracer précisément le déroulé, simplement l’essentiel est ailleurs. Pour ainsi dire, l’incident frappe là où ça fait mal – la sécurité, censée garantir l’intangibilité du patrimoine culturel – et, pose une question vertigineuse : comment un pareil monument peut-il voir sa défense percée aussi facilement, en plein jour ?
Ce qui relevait auparavant d’un constat plutôt secret, s’impose soudain au très grand public : le Louvre va mal, voire plus que cela. En témoignent les propos de Rachida Dati, ministre de la Culture, au sujet des dispositifs de sécurité. Selon elle, ils n’auraient pas été défaillants, mais auraient même fonctionné… à l’instar du fonctionnement de certains services publics officiellement « fonctionnels » dirons-nous. Un discours presque ubuesque puisque le tableau dresse un constat bien différent : des agents de sécurité mal préparés, un préjudice estimé à 88 millions d’euros, une ministre dans le déni et une chaîne de responsabilité laissée intacte par le président de la République. Sans oublier la fermeture trois jours durant au détriment de milliers de visiteurs du monde venus entier… premier avant-goût d’un musée à l’arrêt.
Pour aller plus loin : :lire notre article sur le cambriolage.
Le climat se dégrade encore un peu plus le lundi 17 novembre, lorsque le Louvre annonce la fermeture temporaire de plusieurs salles dont la galerie Campana. Cette décision préventive fait suite à la détection de fragilité structurelles sur les planchers du deuxième étage, occupé par les bureaux des agents du musée. Le sol menacerait de s’effondrer, au-dessus d’une galerie abritant vases et céramiques antiques.
Puis, un nouvel incident vient confirmer la fragilité de l’édifice et sa période noire, quand au soir du 26 novembre, une fuite d’eau provoque l’inondation d’une salle de la bibliothèque des Antiquités égyptiennes. Faute de mesures malgré les alertes, près de 400 ouvrages se retrouvent endommagés. Isolés, ces mésaventures relèveraient de l’aléa, mais, mis bout à bout, ils esquissent une toile plus sombre : une institution en péril.
Visuel : Photo par © Benh LIEU SONG