Ce mardi 4 février, le sociologue Gérald Bronner inaugurait en amphithéâtre Richelieu (600 places!) un cycle de 4 conférences gratuites sur réservation qu’il propose à toutes et tous comme un workshop à suivre et à transmettre ensuite. Une heure de données fiables, d’analyse claire et d’humour aussi, que nous avons suivie avec d’autant plus d’intérêt que la nécessité d’une éthique et d’une hygiène dans la manière de nous informer semblent plus cruciales que jamais.
C’est donc à la Sorbonne dans l’amphithéâtre Richelieu, que le sociologue Gérald Bronner, Professeur à Sorbonne Université, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie nationale de médecine, donnait rendez-vous aux citoyenn.e.s de bonne volonté désireux.ses de bien s’informer. Développer son esprit critique face au monde de la désinformation. Organisée par la Direction des Affaires Culturelles de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université et soutenue par la Fondation Descartes, les 4 cours magistraux de ce Cycle sont pensés comme une formation à recevoir pour mieux la dispenser, car aujourd’hui, si la modération n’est plus de mise, même plus sur méta, les seuls remparts à la désinformations, c’est nous ! L’objectif de ce cycle est donc de « Nous former à refaire ce cours d’hygiène de la pensée critique, pour qu’il y ait un ruissellement ». Avec au menu de ce premier épisode, le projet généalogique est de savoir comment nous en sommes arrivés là.
L’auteur de la Démocracie des crédules (2012) et de Apocalypse Cognitive (2021) est donc parti de l’urgence de la situation actuelle : le portrait de Trump et Musk en goguette complice trônait sous les moulures de l’amphithéâtre Richelieu, sur un écran haut perché, où défilaient également des statistiques très sérieuses et sérieusement expliquées. À commencer par le rapport annuel des risques mondiaux du forum économique de Davos de 20255 où 1500 experts place en tête des risques à courts termes, bien devant ceux de guerres ou de catastrophes climatiques, celui de la désinformation (voir illustration). Alors qu’il partage depuis 2012 l’idée que la somme exponentielles d’informations disponibles pour toutes et tous n’annonce pas l’entrée attendue dans une société de la connaissance. Mais plutôt celle de la « démocratie des crédules », Bronner démontre élégamment que la maxime de Thomas Jefferson « la vérité peut se défendre toute seule » est fausse.
Il le prouve en armant son public de chiffres et de concepts clés : Sur les réseaux sociaux, 1 % des comptes génèrent à eux seuls 33 % du contenu, souvent marqué par une radicalité qui déforme le débat public. Tout n’est pas forcément faux dans cette radicalité, mais les ressorts de la psyché et de l’attention humaine face à la démultiplication de la somme et de la vitesse de circulation de l’information tendent à favoriser le vraisemblable sur le vrai. Gérald Bronner prend le temps de nous expliquer comment et pourquoi. On ressort du cours avec une manière savante de définir notre paresse : en l’appelant l’ « avarice cognitive » ou le lazy thinking, décrit par Brashier et Marsh, on a plus d’impact ! Mais lorsqu’on est capable de définir clairement la loi de Brandolini : « il faut beaucoup plus d’efforts et de temps pour réfuter une fausse information que pour la propager », on est carrément convaincant ! Avec un petit bonus quant à l’accélération des « fake news » complotiste en réaction à un phénomène (27 jours avant que le 11 septembre 2001 soit nié, 6 pour l’épidémie de Covid). Le sociologue nous a aussi endurci fasse aux syllogismes et raisonnements qui nourrissent les théories du complot : on sort du cours en maîtrisant l’hypothèse de Fermi et également la différence entre un lien de causalité VS un lien de corrélation. Et cela sert pour ne pas prendre les vessies pour des lanternes et bien trier et vérifier les variables qui sont utilisées pour démontrer certaines informations.
Mais le grand plus de ce premier cours de Gérald Bronner, qui nous a promis en fin de cycles deux ateliers très pratiques de lutte contre la désinformation, c’est son format tenu d’une heure pile et le climat très chaleureux qui nous a réunis. Malgré et peut-être à cause de la gravité de ce thème sur lequel il lance des alertes depuis plus de 15 ans, Bronner nous a fait rire. Cela a commencé par le chouette accent canadien du réalisateur qui nous a demandé de figurer dans son documentaire dédié au sociologue, et cela s’est poursuivi avec des exemples allant de vifs à saugrenus sur ce qu’on peut nous faire croire. Avec un orateur entraîné comme pour une conférence Ted qui s’ancrerait dans la durée, une heure durant, nous sommes devenus une foule scientifique mais aussi sentimentale. Et l’on sait bien combien l’affect engrave en nous les réflexes : ici ceux de vérifier l’information. Ce qu’on ira faire en revoyant les vidéos quand elle sera en ligne en ayant accès sur youtube aux nombreuses sources citées par le sociologues.
Quant aux prochaines sessions, elles ont lieu les 4 mars, 1ier avril et 13 mai à 19h à la Sorbonne et c’est en ligne qu’il faut s’inscrire.
Visuels (c) YH et Rapport sur le risque mondial du Forum économique de Davos