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A la Gaîté lyrique, entre occupation subie et soutien des revendications légitimes

par Laura Dumez
21.01.2025

Au soir du 10 décembre 2024, la Gaîté lyrique, établissement culturel de la ville de Paris, s’est retrouvée occupée par des jeunes de tous horizons et sans solution de logements, rassemblé•es dans le « collectif des jeunes du parc de Belleville ». Si cette occupation subie est comprise par les équipes du lieu, iels restent sidéré•es qu’aucune solution ne soit proposée par la ville de Paris et par l’État alors même que les conditions sanitaires déplorables se dégradent de jour en jour.

Sur la façade trône une banderole qui « somme la ville et l’État d’agir », et sur le parvis, on observe quelques aller-retour sous les yeux des services de sécurité de la Gaîté. Le lieu fourmille dans un calme particulier. Au rez-de-chaussée, les un•es et les autres vaquent à leurs occupations, entre ménage et lecture, échange avec des référents associatifs et organisation de l’AG du soir, entre attente et fatigue. À l’étage, on aperçoit le « dortoir », où plutôt les amas de sacs et de couvertures, les affaires personnelles de ces centaines de mineur•es qui survivent les un•es sur les autres dans des conditions qui ne respectent en rien la dignité humaine.  

 

 

Demande légitime d’une mise à l’abri 

 

 

Depuis le 10 décembre, « la situation n’a pas changé », nous confie David Robert, le porte-parole du lieu, et l’on comprend qu’elle a même empiré. Des jeunes, âgé•es de 15 à 17 ans, venu•es de tous horizons et sans solution de logements, rassemblé•es dans le « collectif des jeunes du parc de Belleville », se sont installées dans les espaces. Iels étaient 200 au début de l’occupation, mais iels sont de plus en plus nombreux chaque soir et à mesure que les températures dégringolent. Certains soirs, iels sont autour de 400, rapporte Ousmàne, un délégué du collectif.

 

 

Les communiqués publiés par les équipes de la Gaîté lyrique sont clairs, et David Robert, nous le répète : « c’est une situation que l’on subit tout en comprenant et en estimant légitime la demande des jeunes d’avoir un hébergement ». La défense du caractère légitime des revendications du collectif est, sur place, au cœur des échanges et des témoignages.

 

 

Fatigués et les traits tirés, les équipes, les jeunes et les membres du collectif se trouvent démunis quand la seule solution qu’on leur propose est la continuité de l’occupation ou l’expulsion. « Ce n’est pas compliqué ce que l’on demande, poursuit le porte-parole du lieu avec calme, nous ne souhaitons pas procéder à une évacuation de force parce qu’un soir sur deux, il fait 0 degré. On demande aux autorités compétentes de trouver une solution, de proposer une mise à l’abri de ces 300 personnes ».

 

 

Une situation sanitaire déplorable  

 

 

Fermée au grand public depuis le 17 décembre 2024 pour des raisons de sécurité et de gestion de l’occupation, l’institution rappelle qu’elle n’est en aucun cas conçue et aménagée pour un hébergement d’une telle ampleur. Il faut, et il en existe, « un endroit qui est fait pour », un espace qui reconnaît la grande précarité des personnes. Telle quelle, « la situation est inhumaine ». Les jeunes dorment « les uns sur les autres, par terre, sans matelas, avec parfois, une couverture » nous décrit Ousmàne. Il n’y a pas de sanitaires en nombre suffisant, et pas de douches. Mais au-delà de ça, la situation sanitaire est déplorable. Plusieurs virus circulent, dont celui de la grippe. « Tout le monde est malade » nous dit Ousmàne qui ajoute, entre deux quintes de toux, « quand c’est trop compliqué, on prend dans la cagnotte pour aller à la pharmacie ». 

 

 

 

Si d’autres associations prêtent main-forte, le collectif reste très isolé face à la situation. Les équipes de la Gaîté Lyrique poursuivent, dans leur posture de concessionnaire des lieux, leur fonction d’accueil du public en encadrant les jeunes. Cela passe par le remplissage d’une responsabilité juridique : « on maintient l’ouverture des issues de secours, on a doublé les équipes de sécurité, et on permet à toutes les associations qui aident le collectif d’entrer dans le bâtiment, on veille aussi à ce que les issues incendies restent dégagées et les sanitaires dans un état potable. » À mesure qu’il raconte, on sent combien le porte-parole et les équipes sont affectées par la situation et combien iels se sentent abandonnés. « Cela fait plus d’un mois que l’on vit ensemble, on n’est pas des robots » lâche David Robert avant d’ajouter : « il faudrait qu’un•e politique passe un soir à 23h pour voir ce que c’est 300 personnes qui dorment les unes sur les autres en plein cœur de Paris. ». 

 

 

 

Les délégués du collectif, soit les jeunes volontaires qui ont pris en main l’organisation du quotidien, de l’occupation et des revendications, se réunissent plusieurs fois pas semaines. Les tâches sont nombreuses – ménage, récupération des repas, gestion des stocks et de la cagnotte, permanences des associations, réunions, échanges avec la direction de la Gaîté lyrique, gestion des conflits entre les occupant•es, … – et iels se sentent abandonné•es par les autorités qui se renvoient la balle. La plupart de ces jeunes vivent dans un vide juridique. Déclarés majeurs, après une évaluation de minorités dont les critères sont subjectifs, nombreux ont fait des recours à un tribunal pour enfants. Dans l’attente d’un retour de cette procédure, ils ne dépendent juridiquement de personnes, ni de la mairie et de l’ASE qui prennent en charge la mise à l’abri des mineurs, ni de l’État et du 115 qui doivent s’occuper des majeurs.  « Il n’y a pas de solution pour nous » murmure Ousmàne en balayant, désolé, les lieux du regard. 

 

 

Quid de la culture ?

 

 

Les jeunes sont en danger, et à mesure que la situation s’enlise et que les autorités restent sourdes, c’est aussi le projet du lieu qui est mis en péril. La Gaîté lyrique, rouverte en 2023 s’est positionnée dans le paysage culturel comme Fabrique de l’époque. À ce titre, elle a pour mission de faire émerger des solutions par le brassage des publics et des idées pour trouver des réponses aux crises sociétales du XXIe siècle. « On l’a pensée comme un lieu ouvert » nous explique David Robert, où « on peut venir y boire un verre d’eau gratuitement, charger son téléphone, aller aux toilettes sans avoir à payer une consommation. » Aussi, depuis un an et demi, un public familial qui vient voir une exposition, croise un public de jeunes actifs et de retraités qui viennent aux conférences/débats, mais aussi des jeunes en précarité qui viennent à une distribution, ou charger leurs téléphones. Cette mixité sociale fait toute la richesse du projet, mais « être un lieu ouvert n’en fait en rien un lieu d’hébergement » et cela même les jeunes en ont conscience. 

 

 

C’est parce que le lieu était ouvert et appartenant à la ville qu’il a été ciblé par le collectif pour l’occupation, mais ce n’est pas de gaîté de cœur. « Eux n’ont pas le choix, et on trouve cela dommage que les autorités mettent en danger un projet de cette ampleur parce qu’elle met en sécurité des jeunes ».  À l’arrêt depuis le 17 décembre 2024, les évènements sont annulés avec quinze jours de délai, et dans une logique de report, parfois de délocalisation. Et si 90% des gens sont très solidaires et comprennent la situation, cela ne règle pas les pertes financières colossales. « La ville comprend nos problématiques financières et nous soutient pour trouver des solutions pour permettre le maintien du projet culturel à terme, mais elle ne propose pas de réponses en termes de mise à l’abri. » L’État, qui lui ne répond à aucune sollicitation, et la ville se renvoient la balle quant à la réquisition d’un lieu en urgence. 

 

 

Face à une telle situation, la sidération est omniprésente et l’incompréhension tend à la colère. Ces jeunes, dont la majorité a risqué leur vie pour atteindre la France, survivent dans des conditions inhumaines. Cette situation met aussi la société face à sa réalité : nous allons être confronté•es, de plus en plus, à l’immigration, à l’afflux de réfugiés politiques et climatiques. Il est temps de s’interroger sur les manières concrètes de gérer cette crise, notamment le soin et l’hébergement. Plusieurs associations, comme les Bureaux du cœur, pensent aujourd’hui des dispositifs pour mettre à disposition des lieux vides la nuit, tels que des bureaux, des écoles, des gymnases, des salles communes. Alors, on se demande quid des lieux culturels ? Ne devraient-ils pas tous se pencher sur la question de l’ouverture de leur espace et muter vers une forme de lieu ouvert ?  Ne devraient-ils pas tous prendre position sur ce terrain en étant un terreau fertile, vecteur de  lien et de commun ? 

 

Vous pouvez soutenir le collectif par des dons de nourriture, de vêtements, de couverture, mais aussi via leur cagnotte

 

Sollicitée, la Ville de Paris n’a pas donné suite.