Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) tourne une nouvelle page. Gaëtan Bruel, actuel directeur de cabinet de Rachida Dati, a été officiellement nommé à la présidence de l’institution lors du Conseil des ministres du 5 février. Il succède à Dominique Boutonnat, contraint de démissionner en juin 2024 après sa condamnation pour agression sexuelle. Olivier Henrard, qui assurait l’intérim depuis, conserve son poste de directeur général délégué.
Le CNC, un pilier du cinéma et de l’audiovisuel français
Créé en 1946, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est un établissement public sous tutelle du ministère de la Culture. Il joue un rôle central dans le soutien et la régulation du secteur du cinéma, de l’audiovisuel et des images animées en France. Son action repose sur un système de financement unique : un fonds de soutien alimenté par des taxes prélevées sur les acteurs économiques du secteur (salles de cinéma, chaînes de télévision, plateformes de streaming). Ce modèle permet de financer la création, la préservation du patrimoine cinématographique et l’accompagnement des mutations technologiques du secteur. Le CNC est également une administration où les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel participent activement aux décisions, notamment à travers des commissions d’experts qui attribuent les aides. Ce dispositif assure une continuité dans la politique culturelle française et renforce la vitalité du paysage audiovisuel national.
Président hier, prisonnier aujourd’hui
Dominique Boutonnat, qui dirigeait le CNC depuis 2019, avait été condamné le 28 juin 2024 à trois ans de prison, dont un an ferme, pour agression sexuelle sur son filleul en août 2020. Le tribunal correctionnel de Nanterre avait reconnu l’existence d’un « ascendant » exercé par Boutonnat sur la victime dans un contexte d’emprise. Sa condamnation avait provoqué un tollé dans le milieu culturel et relancé les débats sur l’impunité dans le secteur du cinéma.
Malgré les appels à sa démission depuis sa mise en examen en 2021, le gouvernement avait choisi de le reconduire à la tête du CNC en 2022. Ce n’est qu’après sa condamnation que Dominique Boutonnat avait annoncé son départ. Olivier Henrard, déjà en poste en tant que directeur général délégué, avait alors été désigné pour assurer l’intérim.
Un profil politique pour une institution en mutation
Gaëtan Bruel, 36 ans, prend les rênes d’une institution stratégique qui régule et soutient le cinéma, l’audiovisuel et le jeu vidéo en France. Normalien passé par l’EHESS, il a travaillé aux côtés de Jean-Yves Le Drian au ministère de la Défense et au Quai d’Orsay, avant de diriger les services culturels de l’ambassade de France aux États-Unis. Il a ensuite rejoint le cabinet de Gabriel Attal à l’Éducation, puis celui de Rachida Dati à la Culture.
Sa nomination marque un choix assumé du gouvernement pour un profil politique plutôt que pour une personnalité issue directement du monde du cinéma. Son mandat de trois ans, qui débutera le 17 février 2025, s’annonce chargé. Parmi les priorités fixées par Rachida Dati : la liberté de création, le renforcement de la compétitivité du secteur face aux mutations numériques, la relance de l’éducation à l’image et une politique plus offensive à l’international. Il devra également gérer les tensions liées à la menace de Canal+ de se retirer du financement du cinéma français, ainsi que la gestion controversée de la Cinémathèque française.
En toile de fond, la question des violences sexistes et sexuelles reste un enjeu brûlant pour le CNC. L’affaire Boutonnat a mis en lumière les défaillances du système et la nécessité de mesures plus fermes.
La profession voit également d’un très mauvais œil la nomination d’un directeur de cabinet ministériel à la tête du CNC, y voyant une forme d’ingérence politique inacceptable. Cet affront au secteur renforce la méfiance des professionnels, qui craignent une mise sous tutelle accrue du cinéma français.
Gaëtan Bruel devra démontrer sa volonté de réformer en profondeur et de restaurer la confiance dans une institution fragilisée par le scandale. Sa capacité à naviguer dans un secteur aux attentes fortes, tout en imposant son cap, sera décisive pour l’avenir du CNC.
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