Françoise Pétrovitch, une curiosité en acte

Dans l’émission de France inter « L’heure bleue » du 1er décembre 2021, Françoise Pétrovitch racontait à Laure Adler ne pas se rappeler avoir marché mais se rappeler avoir dessiné, de même qu’elle confessait qu’à 6 ans, répondant à une question de son institutrice sur son métier futur, elle avait dit « dessinatrice » sans trop connaître ce que recouvrait ce mot. Le désir était là. C’est ce désir renforcé par des études à l’école des Arts appliqués qui s’exprime à travers cette exposition ambitieuse. De salle en salle on découvre les thèmes qui ont façonné son œuvre dont on sent qu’ils relèvent de passions ou d’une curiosité engagée. Le monde est à elle. 

L’art du saisissement 

Dès la première salle, une sensation de beau apparait. Une notion pas forcément flatteuse dans le milieu de l’art, et pourtant sentir le beau a quelque chose d’apaisant. Les visages en grand format de jeunes adolescents que l’on regarde mais qui ne nous regardent pas impressionnent. L’expression passe par les attitudes corporelles et une vérité des corps saisie dans l’instant. Ces adolescents ont des postures et des vêtements de notre époque. Ongles peints ou piercing les définissent. Ayant pour nom Cinémascope, cette série de lavis d’encre sur papier réalisée à partir de photographies prises sur le vif, propose un cadrage serré qui nous aspire. 

Présence – absence, ces regards que l’on ne capte pas, on les retrouve dans une autre salle somptueuse, sur les visages des personnes – personnages qui emplissent un mur de leurs couleurs acidulées. Cet ensemble de lavis représentant des jeunes d’aujourd’hui mêlés à des œuvres exprimant la nature est présenté en double ligne ; leur format et leur nombre nous invitent à plonger dans un monde, sans effraction. Les mains sont très présentes et le mot tenir que l’artiste évoque parfois prend tout son sens. 

Formats et matériaux 

De salle en salle, la diversité des créations tant dans les thèmes, le format ou les matériaux affirme la liberté d’une artiste autant que le désir de connaître ce qui peut l’enrichir. Dessin, peinture, céramique, vidéo, verre, etc. sont autant de supports que Françoise Prétrovitch travaille. L’exposition n’adopte aucune chronologie mais nous fait regarder la vie à sa manière. La broderie adoucit, les plaques sensibles étonnent, « le soleil », merveilleux tournesol objet actuellement d’une exposition au musée Marmottant, nous rassure… 

Une salle dont la vidéo est l’élément central nous plonge dans un grand étonnement. Cette installation in situ Papillon (2025), produite pour l’exposition avec Hervé Plumet, a pour cœur une vidéo préexistante dont les artistes vont révéler sa fabrication, si ce n’est sa vérité. Installés sur des coussins posés à même le sol, le visiteur est embarqué dans un jeu d’apparition et de disparition, remué intérieurement par une création musicale inquiétante. Chaque étape, chaque confrontation à l’inattendu provoque un déséquilibre des sens.

Cette exposition est riche. La dernière salle réunit des sculptures, bronze, cire, céramique, grès ouvrant un nouveau pan de l’œuvre de Françoise Pétrovitch ; œuvre à fréquenter si l’on connaît ou à découvrir. À noter, le catalogue est très riche et réalisé dans une impression de qualité.