Elle avait la voix blanche, honnête et sans artifice. Elle a bercé des générations de ses mélodies et de ses textes. Elle est inscrite, malgré elle, au rang des icônes françaises. Ce mardi 11 juin 2024, Françoise Hardy s’en est allée, nous laissant toute sa poésie.
Dans l’esprit collectif, elle est une audacieuse, un brin frondeuse, faiseuse de tendance. Elle était timide, frêle, voyageuse littéraire. Elle se frayait une voix dans les habits des grands couturiers, les imprégnant toujours de son style. Elle savait coudre les mots sur les notes si ces dernières étaient à la hauteur. Tous depuis ce mercredi matin, de Didier Varrod à Clara Lucianni en passant par Louis Chedid et Alain Chamfort, ont clamé son amour des mélodies. Elles les aimaient magiques, belles ne suffisaient pas.
C’est de là que vient le petit supplément d’âme de la dame Hardy, des vers qui décochent des flèches en chacun des cœurs auditeurs. Même si elle détestait cette chanson, nous sommes et resterons, « Tous les garçons et les filles », emplis de « Message personnel ». Elle mieux que quiconque savait chanter les amours désastreuses et les questionnements quotidiens qui collent à la peau de la jeunesse des sixties aux années 2020, désespérée de voir que la jeunesse fout le camp. Le répertoire que la dame chagrin laisse est innombrable, tant des ritournelles consolatoires inoubliables. « Le temps de l’amour », « Mon amie la rose », « La question », « Comment te dire adieu », …
À 80 ans, « maman est partie ». Tel est le message posté par son fils unique, Thomas Dutronc, sur son compte Facebook, et c’est la maman spirituelle et épistolaire de tant d’artistes biberonnés par ses vingt-huit albums et ses centaines de lettres et de mails qui s’en est allée. Discrète, le regard, longtemps dissimulée sous sa longue frange rideau puis par sa coupe poivre et sel, Françoise Hardy a parcouru les années yé-yé et les a transformées, elle a tranché les codes et façonné les siens en étant elle-même. Chanteuse écrivaine qui n’aimait pas faire de concerts par peur d’oublier les paroles, qui ne comprenait pas pourquoi elle était en couverture des magazines, pourquoi David Bowie et Bob Dylan étaient amoureux d’elle, pourquoi tous étaient extatiques à l’orée de sa voix.
Toute sa vie, elle s’est demandée pourquoi on trouvait tout ce qu’elle faisait exceptionnel. Toute sa vie, elle est restée pétrifiée à l’idée de se confronter à son vide intérieur. Hardy n’était pas hardie, mais elle a, toute sa vie, osé sans esbroufe, insaisissable. Elle fut autant astrologue, qu’icône pop, Dutronc fût son mari, et Daho a fait d’elle son égérie. Hardy est inclassable, indéfinissable. Il ne reste que les mots, et les mélodies pour lui rendre hommage. Ce sont d’ailleurs des mots qui sont venus à notre confrère Antoine Couder, mardi soir, à l’annonce de cette déchirante nouvelle, et qu’il livre ici, pour dire combien Hardy était plus hardie qu’elle ne le savait …
Mais qu’est-ce que c’est
ce charmant cœur
cette voix
où l’enfance s’incruste
dans l’adolescence
cette chose qui brille
quand tu es
Là
comme tu es
comme tu seras
dans le vent
tes cheveux ton visage
tout ce qui fait de toi
ce serment qui ne sermonne pas
cette bien folle présence
qui s’échappe de toi.
Visuel : pochette