Une semaine après la présidentielle, la France cherche encore son premier ministre. Lorsque le président de la République propose Lionel Perrin, ses proches sautent au plafond : ce « gaucho terroriste » fait peur. De toute manière, il n’est pas intéressé par le poste. Voilà donc son fils, Nino, jeune attaché parlementaire ambitieux, qui se retrouve missionné pour tenter de le convaincre d’accepter. Se lancent alors 24 heures de course contre-la-montre où tous les coups sont permis. De quoi montrer un monde politique, mais également médiatique absolument impitoyable, tout en restant un long-métrage de fiction très amusant.
Comptes bancaires secrets à l’étranger, tromperies dans les couples, dîners arrosés, et l’hymne à la joie comme sonnerie de téléphone : « Fils de » nous emmène dans un monde politique agité, cruel, et souvent (tristement) drôle. Allant de Lionel Perrin, pour qui la caméra nous fait comprendre son métier d’homme politique avec un simple plan sur ses multiples rangées de chaussures de costume noir identiques, à son fils Nino, jeune attaché parlementaire que sa propre copine Malka décrit comme étant fourbe et naïf en même temps, en passant par Malka, jeune journaliste ambitieuse, et le futur ministre de l’Intérieur qui ne fait que « penser aux chiffres du CAC 40 », on a l’impression de faire le tour de tout le monde politique et d’une partie du monde médiatique en 1 h 45. La caméra, fréquemment agitée, aux plans assez courts, suit comme en miroir l’agitation du monde politique qu’elle nous donne à voir, emmenant les spectateurices dans un tourbillon d’action, de coups bas et de traitrises auxquels on ne s’attend pas toujours.
Tout en restant un film comique, la base du scénario nous rappelle de dures réalités : le président de la République – dont on ne voit jamais ni le visage ni le profil, afin de laisser libre cours à l’imagination – a comme enjeu principal d’empêcher l’extrême-droite de passer aux législatives. Il cherche alors à étendre sa base électorale de parti centriste, notamment en voulant nommer Lionel Perrin, ancien sénateur de gauche – c’est d’ailleurs le seul qui parle de ses convictions, en l’occurrence écologistes, dans le film à coups de « Si l’écologie ne peut être que bourgeoise, elle ne sera pas », « Méfions-nous de ceux qui n’ont pas été radicaux dans leur jeunesse » ou encore « La seule transformation radicale de ce monde consiste à le conserver » -, comme Premier ministre.
Une bonne partie du film se penche sur la relation père-fils complexe qu’entretiennent les Perrin : lorsque Nino se retrouve missionné d’aller convaincre son père d’accepter le poste de premier ministre, ils ne s’étaient pas parlé depuis cinq ans. L’escapade en campagne dans la maison de Lionel Perrin est alors une bouffée d’air frais pour les spectateurices, mais un moment de tension pour le père et le fils, qui se cristallise autour d’un jeu de Mastermind à l’enjeu hors norme : celui d’un poste à Matignon – jeu qui finit d’ailleurs en plateau renversé sur le sol, cris, et accusation de « fascisme ordinaire », bien sûr. On voit au fil du film – même si celui-ci se déroule presque entièrement sur une seule journée – l’évolution de cette relation tendue, glissant là peut-être un peu d’espoir pour le genre humain aux milieux des secrets et des coups bas.
La musique du film est souvent reconnaissable : préparez-vous à entendre l’hymne à la joie remaniée à toutes les sauces – et avec, avouons-le, plutôt bon goût ! En tant que sonnerie de téléphone à Bruxelles, comme improvisations de jazz reflétant l’improvisation totale des actions politiques de Lionel Perrin, sous forme de variations inquiétantes lorsque le scénario de l’histoire se tend, ou encore en tant que remix sur lequel danser à la fin du film, le fameux air de Beethoven est exploité sans pitié et avec humour.
La politique française vue par le réalisateur espagnol Carlos Abascal Peiró peut se résumer en une simple liste : les politicien·ne·s couchent pas mal ensemble, ne dorment jamais, mentent, mangent des kiwis, ont des comptes bancaires à l’étranger, ont des problèmes de couple et beaucoup de squelettes dans leur placard. Très cynique, souvent drôle, un peu facile parfois, « Fils de » est un film brûlant d’actualité, aux touches d’humour savoureuses, parfait pour une sortie cinéma détendante et légère tout en étant plein d’action et de rebondissements nous empêchant de nous ennuyer un seul instant.
Fils de de Carlos Abascal Peiró, avec Jean Chevalier, François Cluzet, Karin Viard, Alex Lutz et Sawsan Abès, 1h45, en salle le 3 septembre 2025.
Visuel : © Ad Vitam