Fabio Sinacori sur le Lille Piano(s) Festival : « Être hors les murs nous a permis d’ouvrir d’autres portes »

Vous avez dû faire face à un changement important cette année, avec la fermeture pour travaux du Nouveau Siècle. Quelles conséquences pour l’édition 2025 du festival ?

Fabio Sinacori : Oui, c’est une situation qui nous a forcés à nous ouvrir à d’autres lieux, à rencontrer de nouveaux partenaires. Et finalement, après la période Covid, plus rien ne nous fait peur. Cela s’est fait assez naturellement. Nous sommes très heureux de travailler avec le Casino Barrière de Lille, où nous avons déjà présenté un concert il y a quelques semaines et où plusieurs autres sont prévus.

Les trois grands concerts symphoniques du festival – l’ouverture, le concert du samedi avec l’Orchestre de Picardie, et le concert de clôture avec l’Antwerp Symphony Orchestra – auront lieu dans la grande salle du Casino.

Parmi les nouveaux lieux, nous avons investi la CCI de Lille (Chambre de Commerce et d’Industrie), toute proche du Nouveau Siècle. C’est une salle que nous ne connaissions pas, et qui s’est révélée très adaptée. La maison natale de Charles de Gaulle accueillera quant à elle le concert de pré-ouverture le jeudi soir. Cette fois, le concert aura lieu dans la cour extérieure, entièrement rénovée. Et s’il pleut, nous avons bien sûr un plan B !

Les habitués retrouveront aussi des lieux emblématiques du festival : les deux salles de la Gare Saint-Sauveur, le Conservatoire de Lille, la Cathédrale Notre-Dame de la Treille et le Centre d’art sacré.

Nous allons également investir des espaces publics, notamment les gares de Lille-Europe et Lille-Flandres. Et un piano géant de 7 mètres sur 2 sera installé à Westfield Euralille pour inviter le public à jouer et s’amuser.

Parlez-nous du concert d’ouverture et de la présence de Behzod Abduraimov, que le grand public connaît peut-être moins…

Jean-Claude Casadesus, fondateur de l’Orchestre National de Lille, dirigera ce concert. Il fera figure de maître de cérémonie. Et pour ce concert, nous avons invité Behzod Abduraimov, pianiste ouzbek d’environ 35 ans, déjà très reconnu internationalement. Il interprétera le célèbre Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski. Le fait d’être hors les murs nous a poussé à proposer des œuvres très identifiables, rassurantes pour le public.

Le festival s’est toujours distingué par sa diversité de genres musicaux programmés. Qu’en est-il cette année ?

Cette année encore, nous proposons un large éventail : musique classique, jazz, musique du monde, contemporaine… Chacun y trouve de quoi être heureux… ou un peu frustré, ce qui est bon signe ! Le festival accueille des artistes comme Francesca Tandoi, Luca Sestak, ou encore le quatuor jazz PianoForte avec Éric Legnini, Baptiste Trotignon, Bojan Z et Pierre de Bethmann.

Nous accueillerons également le quatuor du musicien irakien Amin Al Aiedy, qui joue du ney et de la contrebasse. Sa musique, entre Orient et Occident, m’a beaucoup touché.

Il y aussi du boogie woogie ?

En effet, une pianiste jazz qui excelle dans le genre sera présente. Et pour le disco, le duo La Boule assurera les afters à Saint-Sauveur. La chanteuse arrive sur scène en patins à roulettes, sous une boule à facettes, avec les tubes des années 80. Un vrai plaisir coupable que j’assume totalement.

Le festival permet-il de découvrir de jeunes talents ?

Oui, depuis trois éditions, nous collaborons avec des concours internationaux comme Étoiles du Piano, Orléans ou Detmold-Brahms. Cette année, nous accueillons Svetlana Andreeva, Martin Jaspard, Alexander Kashpurin, entre autres. Et pour le concert de clôture, nous invitons le ou la lauréat·e du Concours Reine Elisabeth 2025 à Bruxelles. Son nom sera révélé le 30 mai.

Pouvez-vous nous parler de ce répertoire particulier qu’est le répertoire pour deux pianos, représenté par Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle ?

Ce duo à quatre mains proposera le 14 juin un programme autour des jeux d’enfance, avec Bizet et Ravel, au Conservatoire. Ce sera à la fois musical et pédagogique, dans une belle proximité avec le public.

Qu’est-ce qui est prévu pour le jeune public ?

Nous avons un ciné-concert poétique avec le Label Caravan, destiné aux collégiens et lycéens, avec une sélection de courts-métrages accompagnés en direct. Et un autre projet autour du Petit Prince, mis en musique par Marc-Olivier Dupin avec les images de Joann Sfar. Des propositions accessibles à tous, à partir de 5-6 ans.

Et quels sont les compositeurs mis à l’honneur en 2025 ?

Nous célébrons le centenaire de Ravel avec Bertrand Chamayou qui joue l’intégrale des œuvres pour piano. Il y aura aussi le Requiem de Fauré – pour ses 180 ans – à la Cathédrale, ainsi qu’un concert autour de Pierre Boulez pour son centenaire. Et comme chaque année, les Variations Goldberg de Bach seront présentées dans une version inédite : cette fois, au marimba.

Un dernier mot ?

Nous mettons à l’honneur la musique avec un grand M. Et surtout, nous croyons qu’il n’y a pas une musique, mais des musiques. C’est cette richesse que nous voulons partager avec le public.