Eva Blanche – « Too Human » : quand la machine se découvre une âme

À la croisée du trip-hop, de l’électro et de l’art rock, l’artiste franco-américaine Eva Blanche tisse avec son nouveau single, «Too Human», une fresque musicale cinématographique, à la fois organique et mécanique, intime et universelle.

« C’est un single qui plonge vraiment dans une atmosphère assez particulière. Je me suis inspirée du livre L’Ève future de Villiers de l’Isle-Adam. Ce roman m’a fascinée. Il parle d’une femme artificielle, créée pour incarner l’idéal féminin. J’ai eu envie de transposer cette idée en musique, en imaginant une Andreïde qui tombe amoureuse d’une humaine, mais dont les émotions la consument jusqu’à l’explosion. » explique Eva Blanche.

Une fable d’anticipation en clair-obscur

Dans Too Human, Eva Blanche met en scène une Andreïde qui ressent pour la première fois l’amour et en perd le contrôle. La machine vacille face à des émotions qu’elle ne peut ni comprendre, ni contenir.

« L’Andreïde commence à avoir des émotions, des sentiments pour cette humaine, mais elle est incapable de les gérer, car ce n’est pas dans sa programmation. Et du coup, ses émotions la font exploser. Le morceau, c’est un peu sa vision à elle, une perception de l’humain à travers le regard du robot. » nous détaille-t-elle.

À travers cette chanson, l’artiste explore les tensions entre le corps et la machine, entre la perfection programmée et la vulnérabilité du vivant.

Une production sonore immersive et cinématographique

Dès les premières notes, Too Human hypnotise. Les basses grondent, les nappes synthétiques flottent en apesanteur, et la voix d’Eva Blanche oscille entre douceur et désincarnation. Pour traduire cette ambivalence entre l’émotion et le calcul, l’artiste s’est appuyée sur une introduction volontairement longue, qui installe progressivement la tension.

« L’introduction prend du temps, elle permet d’expliquer la complexité de cette femme du futur. Elle traverse des vagues d’émotions si intenses qu’elle semble presque capable de prévoir l’avenir. Cette progression dans le morceau était essentielle pour retranscrire sa montée en puissance émotionnelle. » souligne Eva Blanche.

Son approche expérimentale de la composition la pousse à détourner des instruments peu conventionnels.

« J’utilise des Taisho Koto, des instruments japonais. Plutôt que de les jouer de manière classique, je les passe dans des pédales d’effets, je les tape comme des tambours. J’aime que chaque morceau ait son propre univers sonore, que chaque son raconte une histoire autant que les paroles. » précise-t-elle.

Un clip entre danse et science-fiction

Si Too Human captive par sa production musicale, son clip pousse encore plus loin l’expérience visuelle. Inspirée par David Cronenberg, Eva Blanche crée un univers où le corps devient une interface, un espace de transformation et de perte de repères.

« Je voulais quelque chose d’un peu ambigu, étrange, pas lisse du tout. L’humain peut paraître robotique dans sa quête de perfection, alors que l’Andreïde, elle, a été si travaillée par l’homme qu’elle semble presque humaine. Cette tension était essentielle à l’image. » raconte l’artiste.

Pour concrétiser cette vision, elle s’est entourée de la chorégraphe Laura Arend et de la danseuse Petra Ptackova.

L’esthétique du clip oscille entre un ballet mécanique et une lutte existentielle, où les frontières entre chair et circuit imprimé s’effacent.

Un album pensé comme un voyage théâtral

Avec Too Human, Eva Blanche amorce la sortie d’un concept-album prévu pour avril 2025, où chaque titre sera une histoire incarnée, un portrait de femme dans un décor différent.

« Le thème général, c’est la femme dans la ville. Qu’elle soit rêvée, imaginaire ou bien réelle. Chaque morceau est un court-métrage musical, un personnage fort dans un décor à part. J’ai vraiment pensé cet album comme un enchaînement d’histoires indépendantes mais connectées. » détaille-t-elle.

L’album poussera encore plus loin sa démarche d’expérimentation sonore et narrative, tout en renforçant une identité profondément théâtrale et cinématographique.

« Je pense mes morceaux comme des scènes de théâtre. J’incarne ces personnages, je les fais vivre sur scène, et je construis aussi un univers visuel autour d’eux. Mon inspiration première, c’est l’art total, où musique, mise en scène et image, dialoguent en permanence. » affirme Eva Blanche.

Une artiste à suivre

Encore méconnue du grand public, Eva Blanche est pourtant une artiste à suivre de près.

Son approche hybride du « Art Rock » entre musique, théâtre et cinéma, offre un souffle neuf à la scène française indépendante.