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Erika Hess : « Cette édition met aussi l’accent sur les trajectoires d’artistes »

par Amélie Blaustein-Niddam
12.01.2024

Jusqu’au 21 janvier, Nantes et sa métropole dansent ! Cela est possible, depuis sept ans, chaque début d’année, grâce à l’abondant festival Trajectoires. Erika Hess, directrice déléguée du Centre chorégraphique national de danse de Nantes (CCNN) nous parle de ces 27 spectacles et 53 rendez-vous dans 19 lieux

 

Trajectoires a déjà sept ans, l’âge de raison parait-il, quels ont été ses grands mouvements ?

C’est vrai qu’on dit cela de l’âge de sept ans ! Je n’y avais pas pensé ! On ne peut pas dire de Trajectoires que c’est un festival qui s’est assagi après ses années de jeunesse, mais plutôt qu’il a trouvé depuis quelques années son rythme et sa reconnaissance. Depuis sa création, le festival est travaillé en coopération, entre plusieurs partenaires nantais. Il s’est très vite développé pour rassembler une vingtaine de partenaires. Depuis sa troisième  édition, les partenaires sont restés fidèles, et un nouveau lieu culturel nous rejoint chaque nouvelle année.

Alors le mouvement serait celui d’une ligne qui aurait fait un saut en hauteur pour ensuite se stabiliser tout en continuant de progresser. Pourtant, la ligne n’est pas une figure géométrique fidèle à ce projet, car il fonctionne plutôt en cercles : un cercle de partenaires, un cercle plus large qui additionne les énergies des partenaires publics et des partenaires médias, et un cercle bien plus large qui concerne les habitants de Nantes et de sa région.

 

Quelle est la ligne directrice de cette édition ?

C’est une édition très excitante, où nous accueillerons des chorégraphes d’horizons, de générations, de propos très différents, dans une diversité artistique que nous revendiquons, où nous identifions des thématiques fortes, des visions du monde et de nos sociétés, parfois féroces, parfois tendres. Cette édition met aussi l’accent sur les trajectoires d’artistes, ainsi plusieurs chorégraphes (Laurent Cebe, Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, Julien Grosvalet, François Chaignaud, Emmanuelle Vo Dinh) présentent plusieurs propositions artistiques pendant les dix jours. Les pièces programmées parleront des identités individuelles et collectives – Rite de Passage de Bintu Dembele, Romances inciertos de François Chaignaud et Nina Laisné, Antres de Pauline Weidmann par exemple. Cela se décline aussi dans les recherches autobiographiques de Julien Grosvalet (I.Aïe.I), Simona Rossi (Courir à la ruine), Max Fossati (Inaccessible vallée). Ou dans des pièces dans lesquelles les chorégraphes puisent dans leur processus de création comment transformer les corps, les libérer des contraintes biologiques, sociales et disciplinaires, comme Moche de Laurent Cebe, Lilith de Marion Blondeau ou Maldonne de Leïla Ka, et 2023 de Maguy Marin.

Un autre thème de cette édition concerne la notion d’écriture de la danse (Construire un feu de La Tierce, Impromptus de Jamil Attar, Quel que resta de Simona Rossi) et de composition, notamment en tissant des liens et des analogies avec le cinéma (Attractions d’Emmanuelle Vo Dinh, En danseuse de Alain Michard). C’est ainsi que le cinéma est aussi une porte d’entrée vers le monde chorégraphique (Brûler pour briller de Patricia Allio au FRAC Pays de la Loire ou avec la programmation de films de danse au Cinématographe ou au cinéma de Saint Nazaire).

Enfin on retrouve notre fil rouge de chacune de nos éditions : la notion de « hors cadres » – hors des plateaux (Château des Ducs avec Gabriel Um et Chloé Cailleton, Musée d’Art avec le CCN Viadanse, Yvann Alexandre, Benoit Canteteau), hors formats classiques de représentation (Eaux souterraines de Marion Uguen, Mini-Toast de Eloïse Deschemin), dans l’espace public (Parade Mer Plastique de Tidiani N’Diaye). Nous accueillons enfin des propositions pour les familles (Mytho de Lionel Hoche, Les yeux fermés de Mockaël Le Mer…), car notre moteur est de potentiellement toucher d’une façon ou d’une autre tous les habitants.

 

Quelle est la part d’archive, de création et de répertoires ? Comment maintenez-vous cet équilibre ?

Notre moteur principal, c’est la diversité artistique, la diversité des modes de rencontres entre les publics et les œuvres, et de s’adresser aux habitants, de faire vivre des émotions artistiques aux publics les plus variés possibles. Mais nous souhaitons aussi que cet événement soit utile aux artistes du territoire, tout d’abord en créant un moment où se rassembler, mais aussi, bien sûr, en permettant aux spectacles programmés une bonne visibilité. C’est la raison pour laquelle il nous tient à cœur que la programmation soit attractive à la fois pour les habitants, mais aussi pour les professionnels, d’où la programmation de pièces de répertoire (c’est si important en danse que les pièces puissent vivre longtemps !), de créations (l’opium des programmateurs), mais d’ouvrir aussi la programmation à des étapes de travail, des commandes in situ, et des projets impliquant les amateurs : il faut pouvoir proposer tout autant des pièces aux qualités artistiques éprouvées par les tournées déjà faites que de laisser la place à des tentatives, des rencontres, des projets participatifs.

 

Comment choisissez-vous les spectacles ?

Le choix des spectacles est assuré par un comité de programmation. De ce point de vue, le CCNN n’assure pas la direction artistique du projet, mais sa coordination. C’est en collectif que les grandes lignes artistiques du festival ont été décidées, et c’est dans cette discussion collégiale que chaque édition se construit. C’est une démarche très stimulante, car chaque réunion permet de faire émerger des idées bien plus intéressantes que si Ambra Senatore et moi étions seules à penser la programmation !

 

Est-ce que la circulation entre les lieux apporte des changements de perception des œuvres ?

C’est aux spectateurs qu’il faudrait le demander : revenez l’année prochaine pour que nous puissions faire tourner la question ? Plus sérieusement, nous constatons que les spectateurs qui assistent à plusieurs spectacles tissent des liens et des thèmes à partir de ce qu’ils ont vu. Chaque spectateur, de ce fait, crée une histoire très personnelle, sa propre édition du festival. La diversité des propositions et des lieux créent un foisonnement qui permet, je crois, de penser l’art dans sa complexité, et d’inciter le spectateur, en regardant plusieurs spectacles sur une même période, à regarder au-delà des idées reçues. Lorsque nous préparons le festival, nous construisons les dates et horaires des spectacles de manière à pouvoir, si on le souhaite, assister à plusieurs spectacles chaque soir. Les tarifs sont aussi volontairement incitatifs pour que les spectateurs achètent des billets pour plusieurs spectacles dans le festival. Enfin, la communication, portée par le festival, mais aussi par chaque partenaire, nous aide à faire connaître les offres artistiques de manière large.

Jusqu’au 21 janvier. Nantes et sa métropole. Informations et réservations.

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