Le plus grand show drag de l’histoire française a embrasé l’Accor Arena entre rire, larmes et manifeste politique. Drag Race France All Stars a célébré la puissance du drag hexagonal dans une soirée à la fois festive et militante.
Il fallait être là ! Voir ces milliers de visages, ces cris, ces larmes et ces rires mêlés. Ce soir-là, l’Accor Arena a vibré au rythme de Drag Race France All Stars, le plus grand show drag de l’histoire du pays, couronnement du Royal Tour, la plus vaste tournée drag d’Europe. Un moment de fête absolue, mais aussi, et surtout, une célébration nécessaire. Parce qu’en 2025, on meurt encore d’être homosexuel en France. Et c’est précisément pour cela que ces paillettes comptent, qu’elles deviennent un acte de résistance.
Pour cette édition All Stars exceptionnelle, les plus grandes figures du drag français étaient réunies sur la scène de l’Accor Arena : Elips, Kam Hugh, La Big Bertha, Magnetica, Mami Watta, Misty Phoenix, Moon, Piche, Punani, Soa de Muse et bien sûr la Reine des reines, Nicky Doll. Le spectacle, écrit par Raphaël Cioffi et mis en scène par le duo Savary et Zaffuto, offrait une soirée de clôture annoncée comme légendaire, à la hauteur des attentes d’un public venu célébrer son panthéon drag. La chorégraphie, signée Mimi, danseuse et performeuse reconnue pour son travail sur le corps et la puissance du regard féminin, assistée de Thomas Vrabie, liait avec précision virtuosité technique et énergie collective.
En ouverture, Marguerite et Yelle donnent le ton. Marguerite, portée par le succès de Je préfère les filles, les femmes, les meufs, incarne une génération qui assume frontalement ses désirs, ses identités et ses colères joyeuses. Yelle, figure incontournable de la pop française, alliée et voix historique d’une communauté qu’elle accompagne depuis des années, résonne comme un clin d’œil à celles et ceux qui étaient là avant. La rencontre des deux n’a rien d’anecdotique. Elle raconte une filiation, une continuité, une façon de dire que la visibilité queer irrigue enfin la pop culture française, de la relève aux pionnières. Sans surlignage ni discours appuyé, cette ouverture pose le cadre : ici, la musique et le drag avancent main dans la main.
Lorsque le show All Stars commence réellement, tout change d’échelle. Sur scène, l’énergie est totale. Les chorégraphies sont précises, les acrobaties de Moon arrachent des cris ; les costumes multiplient les éclats, les textures, les volumes. Misty Phoenix impose une présence de grande performeuse et rappelle que le drag est d’abord un art du spectacle vivant. Kam Hugh envoie une vague pop ; Magnetica joue des néons et des références aux nuits du Queen des années 2000 ; Mami Watta aligne reveals et silhouettes fabuleuses. Le public suit, hurle, chante, répond, comme si l’arena entière devenait un même corps en mouvement. Les hommages au ballroom, les battles de danse et de lip-sync entre artistes locaux, tout participe à cette impression de grande maison commune où chacun trouve sa place.
Au milieu de cette fête géante, un tableau domine. Combat. Véritable pivot du spectacle, il enchaîne les solos de La Big Bertha, Soa de Muse et Piche. Bertha, sur SOS d’un terrien en détresse, empoigne le répertoire comme un cri adressé à celles et ceux qui ne rentrent nulle part. Soa de Muse, la rage au cœur, surgit avec une intensité brute, habitée, précise, sans jamais céder à la facilité. Et puis vient Piche, qui laisse la salle suspendue à ses notes avant de livrer une démonstration chorégraphique sur un mashup jouissif de Je survivrai et Alabina, véritable lettre d’amour à ses origines gitanes. Elle termine a cappella, au micro, portée par un enregistrement de la Queerale. Magistrale.
Ce segment, par sa cohérence, sa construction et son intensité, dépasse le simple moment fort. Il cristallise ce que le drag peut porter de plus politique et de plus sensible. Ce n’est plus seulement un show, c’est une mémoire, un rappel des combats pour les droits LGBTQIA+, une manière d’inscrire ces corps, ces voix et ces histoires à la bonne échelle.
La dernière partie rejoue la transformation. Elips apparaît dans un costume translucide qui évoque une chrysalide, puis déploie une cape aux couleurs du drapeau LGBTQIA+. Le medley des Spice Girls rallume la joie pure, la danse, les refrains que tout le monde connaît. Et Nicky Doll, en Lady Gaga, referme la soirée en mère monster bienveillante, figure tutélaire qui célèbre la puissance du drag français, des artistes sur scène et du public qui les porte.
« Si vous aimez notre art, vous aimez nos combats. »
Le message s’inscrit, s’affiche, se comprend sans commentaire. Lorsque les techniciens sont appelés à leur tour sur le devant de la scène, quelque chose s’achève justement. Ce n’est pas seulement un rêve de gamin ou de gamine qui se réalise, c’est une mission remplie. Celle d’avoir fait de l’Accor Arena, le temps d’une nuit, un refuge, un manifeste, une promesse.
Drag Race France All Stars n’était pas qu’un spectacle. C’était un geste collectif. Un rappel que derrière la lumière, il y a les blessures, les colères, les luttes. Mais qu’il y a aussi, et surtout, cette nécessité absolue de la fête, de la connivence et de l’allégresse, pour tenir debout, pour célébrer le quotidien, pour continuer à danser, briller, aimer et exister.
Visuel : © Mélodie Braka