La Playlist Cult / Do you remenber (playlist septembre)

par Antoine Couder
12.09.2024

Ça commence avec des chants d’oiseaux, des bruits de voiture et une langue que l’on ne comprend pas. Ça vous rappelle quelque chose qui ressemble à vos vacances ou, plutôt, à la situation politique du pays ? Dans tous les cas, voici de quoi nourrir la playlist de la rentrée.

Avouons-le d’emblée, on avait d’abord envie de séduire, en démarrant Pop avec cette « Image » de Mica Tenenbaum (oui, oui la famille !) et Matthew Lewin. Le duo a tenté une petite putasserie glamour et avouons que nous avons un peu cru — candidement — à un similitube. Mais non, c’est trop frustre et carrément crachoté en fin de course, un scandale pour une production Spotify. Mais bref, « Image », ce sera juste un bon moment et encore, pas pour tout le monde. Alors, le plus simple (pragmatique toujours, en amour comme en politique), c’est encore de pousser le bouchon un peu plus loin, en plus spectrale que spectaculaire, avec un peu plus de hip-hop et de plainte, TiaCorine bien accompagnée pour son brutal « Young Joc » : « I mean, how you can’t fuckwith yours socks off ? » D’où tu ne peux pas enlever tes chaussettes ? Peut-être trop pressé, peut-être un peu froid, ou alors juste rien à foutre. Le plus simple, c’est encore d’enchaîner en français dans le texte, dans cet équilibre de social réseau, entre ironie et poussière épistolaire. « Jtm encore », avec Miki en architecte en chef, et c’est plutôt drôle, plutôt bien foutu. À suivre, un petit remix de Caribou qui ne fera de mal à personne, « Broke my heart », sur le même sujet. On va même encore enfoncer le clou avec Lucky Love et ses faux airs à la Freddy Mercury et son style de Bee Gees ténébreux. Lucky la star du moment, on se souvient l’avoir vu danser place de la Concorde, en pleine forme paralympique, remenber. Luke — Lucky — Bruyère, le Nicolas Ker 2024 (Poni Hoax) en version voguing ?

Boom, c’est l’interlude pas prévu dans les oreillettes, silence et piano avec des rééditions live de Wayne Shorter, juste pour le plaisir de se replonger dans une musique de film où il faudrait imaginer seul les images (« vas-y, fait toi ton film dans le RER D »). La transition est ensuite un peu rude avec Gunplay (« Nameless ») la parade rappeuse ordinaire, « représentative » comme l’on dit. « One man, one vote », débat d’actualité s’il en est qui mériterait un cours d’éthique et de mathématique appliquée. Mais si, mais non, je n’ai pas gagné mais je n’ai pas perdu. Si ça pouvait être vrai, en amour aussi, la musique serait moins triste.

Courage, fuyons vers l’artiste le plus sérieux et le plus intéressant de cette sélection, Body meat qui, nous dit sa maison de disque, « mélange des voix superposées, de synthés explosifs, des dérapages d’hyperpop et de 808 pour créer un paysage sonore expérimental d’émerveillement et d’incertitude. » Encore un beau tableau de la situation politique actuelle. C’est pour ça que l’on en revient au basique, fromage et dessert, avec Pomme qui reprend Dalida dans cette version de « Laissez-moi danser » avantageusement pêchée cet été par l’équipe de CultNews. « Vivre comme si les nouvelles étaient sans problème… vivre comme si je n’avais rien à dire ». Les paroles nous font l’effet d’une cure de jouvence avec, à la production et la guitare, un Waxx qui a tout compris.

Passons ensuite sur le long interlude estival qui suit, pour les rêveur.e.s et pour vous rappeler que de vacances peut-être il reste aux vils septembristes qui nous entourent (« California sigh », Lee Underwood). À suivre et aussi sans doute pour frapper un grand coup, nous avons déterré un vieux titre de Sophie Hunger, remixé par Laolu en 2020 qui fera ici acmée, pour sa beauté triste, son excitation vaguement tropicale, sa lucidité (« you should be kissing me »). Un titre qui revient (et ainsi qui devient) en s’emboîtant pile dans ce « Komodo » à suivre, tellement d’époque, tellement contemporain qui dit à peu près tout de l’ontologie musicale du moment, Sega Bodega et Oklou chantent derrière leur écran, reprenant la liesse latine du chant partagé dans cette distance physique et électronique qui aujourd’hui nous marque et nous fabrique. Oh, j’ai envie de dire : « ça, c’est Cult ».

Voilà, c’est fini on en revient au commencement, à la case « Nue » de Philippe Katerine, eu égard à l’audience du titre et surtout au concept qui nous semble la seule véritable alternative politique à la cacophonie du moment, un vrai remède contre la parole toute pourrie .

Voilà, c’est fini pour l’instant, avec en épilogue, une petite friandise perchée que l’on vous laisse découvrir tranquillement.

Photo : © Caribou-DR