Disparition de Diane Keaton : l’actrice qui a retourné Hollywood et son dressing

Ce 11 octobre, le cinéma américain perdait une actrice qui a largement contribué à son histoire : Diane Keaton. Celle qui débuta sa carrière avec le film à succès de Francis Ford Coppola, Le Parrain, n’est pas, contrairement à ce que sa naissance laisse entendre, un pur produit d’Hollywood.

Affranchie, c’est sûrement l’adjectif qui définit le mieux la célèbre actrice. De son vestiaire à ses prises de paroles, Diane Keaton ne s’est jamais conformée. Pas de look pin-up à la Marilyne pour Diane Keaton, qui n’a jamais essayé de rentrer dans la case de la girl next door.

Un c pour Coppola, un a pour Allen et un K pour Keaton

Si l’on observe la filmographie de l’actrice, deux noms se distinguent et s’entremêlent : ceux des cinéastes Francis Ford Coppola et de Woody Allen.

C’est Coppola qui fera découvrir la comédienne à l’Amérique et Allen qui l’immortalisera dans l’histoire du cinéma. Révélée pour son rôle de Kay Adams, la petite amie de Michael Corleone –interprété par Al Pacino, dans le Parrain, elle sera ensuite oscarisée en 1978 pour son interprétation d’Annie Hall dans le film homonyme de Woody Allen. Pour ce rôle-titre, elle obtiendra également, la même année, le Golden Globe et le BAFTA, toujours dans la catégorie « meilleure actrice ». Puis vient Manhattan, un des plus gros succès du réalisateur de Minuit à Paris, dans lequel elle partage l’affiche avec la grande Meryl Streep et le réalisateur lui-même. Elle y campe une intellectuelle pétillante dont le personnage principal tombera amoureux.

Entre Allen et Keaton, c’est une histoire d’amour avec un grand A: un A pour amour, amitié et art. Si leur relation amoureuse fut brève, leur amitié durera. C’est avant tout une rencontre humaine. Ils ne cesseront jamais de témoigner publiquement leur respect mutuel. Artistiquement, leur collaboration sera fructueuse. En tout et pour tout Diane jouera dans 8 films de Woody Allen. L’autodérision étant l’une des caractéristiques du plus intellectuel des cinéastes hollywoodiens, on comprend que la brillante actrice, réputée pour sa finesse d’esprit et son humour affuté ait fortement contribué à son cinéma.

Coppola aussi ne se lassera pas de l’authenticité du jeu de l’actrice et convoquera de nouveau Diane Keaton pour les 2 autres volets de la saga, le Parrain.

Mais Diane Keaton c’est aussi Marvin’s Room, un drame poignant avec Meryl Streep et Leonardo Di Caprio qui lui vaut d’être nommée, une troisième fois aux Oscars dans la catégorie « meilleure actrice ». La comédie romantique à succès Something’s Gotta Give dans laquelle elle partage l’affiche avec l’acteur mythique de Shining, Jack Nicholson et qui lui vaut sa dernière nomination aux Oscars. Plus récemment, elle interprétait Diane aux côtés de Jane Fonda, dans une comédie très bien accueillie par le public : Book Club.

Diane Keaton propose un jeu électrique caractérisé par une excentricité maîtrisée et une justesse émotionnelle que nombre réalisateur.rices s’arrachent à juste titre.

Chapeau melon et bottes de cuir

Si Diane Keaton a marqué l’histoire du cinéma notamment grâce à ses collaborations fructueuses avec les réalisateurs Francis Ford Coppola et Woody Allen, elle est également une figure incontournable de la mode, qu’elle a révolutionnée.

Une garde-robe entre symbole féministe et classicisme. Gilets, cravates, pantalons, l’actrice, qui n’est épaulée d’aucun couturier, impose un style vestimentaire confortable et masculin. Loin de l’incommodité des jupes tubes ou des robes près du corps. Diane Keaton débarque, assume et éblouit avec des vêtements aux tons singuliers et espiègles. Un dress code à son image : authentique, ne cherchant pas à plaire. A cette coupe très masculine, elle ajoute un autre accessoire, le chapeau, qu’elle déclinera sous différentes formes. Si c’est le chapeau Borsalino qui l’a séduit en premier, c’est ensuite le chapeau Melon qui entrera dans sa garde-robe et qu’elle ne quittera plus. Ce style atypique lui vaut d’être hissée jusqu’au rang d’icône mode vers la fin des années 70.

Un style masculin/féminin éternellement associé à son personnage dans le célèbre long-métrage de Woody Allen, Annie Hall. Derrière Annie Hall, c’est Diane Keaton qui impose ce look.

Un style qui nous rappelle celui de la créatrice de mode française, Chantal Thomass, de la même génération que l’actrice. La brune aux airs de femme fatale et la blonde effrontée s’accordent pour faire entrer cette élégance masculine dans le dressing du féminin. Diane Keaton a su s’approprier un dressing réservé aux hommes, symbole de sa singularité.

A l’image de Twiggy ou encore Edie Sedgwick, l’interprète d’Annie Hall, devient malgré elle, une It girl en détournant les conventions stylistiques. De la même façon que la légendaire mannequin, Twiggy, a bouleversé le monde de la mode dans les années 60 avec son maquillage iconique appelé « Doll eyes », l’actrice déroute avec sa signature stylistique. Le terme It girl, qui voit le jour dans les années 1920, désigne historiquement une jeune femme empreinte de sex-appeal, séduisante et moderne. Une étiquette que Diane Keaton rejettera, s’opposant aux codes de séduction classique et à une image conformée de la femme. C’est la personnalité que l’actrice, au style androgyne et intellectuel, privilégie.

Diane Keaton, avec son esthétique vestimentaire bien à elle, redéfinit le concept qui finit par qualifier une jeune femme tendance qui casse les codes de la mode. Les It girl ne sont désormais plus des jeunes femmes taillées sur le modèle du fantasme masculin, mais des femmes aux caractères rebelles et au dressing à la fois tendance et atypique. Cette nouvelle image de la It girl est incarnée par l’actrice révélée au grand public grâce au film Boys Don’t Cry, Chloë Sevigny.

La liberté pendue aux lèvres

Si dans le long-métrage de fiction le Parrain, Diane Keaton joue le rôle de la « femme de », dans la vie, l’actrice n’a jamais souhaité se marier. A l’image de ses tenues désinvoltes, l’actrice oscarisée ne se conforme pas à un modèle de vie conjugale imposé par la société. En 2001, elle déclare : « Je ne pense pas que, parce que je ne suis pas mariée, ma vie ne vaut rien. Je ne crois pas à ces mythes de vieille fille. » Une Miss-Marple grandeur nature qui décidera d’adopter ses enfants à 50 ans. Une actrice avant-gardiste donc, car si aujourd’hui il n’est pas rare de voir des comédiennes embrasser la maternité à plus de 40 ans, à la fin des années 90, ce n’était pas le cas.

De tout temps le féminin s’est vu réduit à son rôle maternel. Une femme est-elle vraiment une femme si elle n’a pas d’enfant ? L’actrice, une fois encore, envoie valser ces idées préconçues. Elle, deviendra mère au moment opportun.

Diane Keaton en pantalon, Diane Keaton, une mère sans ventre rond, l’interprète d’Annie Hall est l’actrice anticonformiste par excellence. C’est pourtant bien un concours de beauté-très conformiste- qui propulsera, comme tant d’actrices, Diane Keaton sur le devant de la scène. Pour autant c’est la théâtralité qui séduit la jeune femme. Ainsi, elle a laissé tomber les paillettes pour les cours de théâtre et l’Amérique a rencontré ce vent de liberté appelé Diane.

Diane Keaton, c’est l’histoire d’une artiste au grand sourire, qui a inspiré un vent de liberté aussi bien au cinéma que sur les podiums. Sa légendaire spontanéité, son caractère effronté et sa vivacité d’esprit lui ont valu sa réputation d’actrice mythique.

Une femme qu’Hollywood n’a pas réussi à conformer: c’est l’industrie du divertissement qui s’est conformée à elle. Une actrice empreinte de modernité et d’intelligence qui a fait sursauter l’Amérique.