Le 19 février 2025, le monde du cinéma a perdu une de ses figures les plus emblématiques avec la disparition de Souleymane Cissé à l’âge de 84 ans. Le réalisateur malien, pionnier du cinéma africain, s’est éteint à Bamako, sa ville natale, laissant derrière lui une filmographie engagée et poétique qui a marqué l’histoire du cinéma bien au delà du continent africain.
Né le 21 avril 1940 à Bamako, Souleymane Cissé grandit dans une modeste famille de huit enfants. Sa passion pour le cinéma naît très tôt, alors qu’il découvre les salles en compagnie de ses frères aînés. Il poursuit ses études secondaires à Dakar, avant de revenir au Mali en 1960, lors de l’indépendance du pays. Sa vocation cinématographique prend réellement forme en 1963, lorsqu’il assiste à un documentaire sur l’arrestation de Patrice Lumumba. Cette expérience déclenche en lui une profonde détermination à devenir réalisateur. Grâce à une bourse, il rejoint l’Institut des Hautes Études Supérieures de la Cinématographie (VGIK) à Moscou, où il se forme durant six ans avant de rentrer au Mali en 1969.
Souleymane Cissé débute sa carrière en tant que caméraman-reporter pour le Ministère de l’Information malien, parcourant son pays pour réaliser plusieurs documentaires. En 1971, il signe son premier moyen-métrage, « Cinq jours d’une vie », qui remporte un prix aux Journées cinématographiques de Carthage. Son premier long-métrage, « Den Muso » (La Jeune Fille), en 1975, aborde la condition des femmes maliennes à travers l’histoire d’une jeune fille muette victime de viol et rejetée par la société. Ce film lui vaut la censure et l’emprisonnement, mais il ne renonce pas.
Avec Baara (Le Travail, 1978) et Finyè (Le Vent, 1982), il s’affirme comme un cinéaste de référence, engagé dans la dénonciation des injustices sociales et politiques. Baara obtient l’Étalon de Yennenga au FESPACO en 1978, récompense qu’il recevra à nouveau en 1983 pour Finyè. En 1987, son chef-d’œuvre Yeelen (La Lumière) remporte le Prix du Jury au Festival de Cannes, faisant de lui le premier cinéaste d’Afrique subsaharienne primé sur la Croisette.
Par la suite, il réalise Waati (1995), Min Yè (2009) et demeure un fervent défenseur du cinéma africain jusqu’à ses derniers jours. En 2023, la Quinzaine des cinéastes lui décerne le prestigieux Carrosse d’Or pour l’ensemble de sa carrière, consacrant son engagement en faveur d’un cinéma africain libre et authentique.
Sa disparition suscite une immense émotion à travers le continent et dans le monde du cinéma. Les autorités maliennes, le FESPACO et de nombreuses personnalités du septième art lui rendent hommage, saluant un visionnaire qui a su faire rayonner l’Afrique sur les écrans du monde entier.
Avec Souleymane Cissé, c’est une voix forte du cinéma africain qui s’est éteinte, mais son héritage continuera d’inspirer les générations futures.
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