Frank Gehry est mort à l’âge de 96 ans. Ce créateur de génie qui a signé sa dernière prouesse avec la Fondation Louis Vuitton à Paris, avant de voir son Guggenheim d’Abu Dhabi achevé. Il laisse derrière lui une œuvre unique et inclassable.
Par John Goodson
Cult News partage et déplore le décès de l’un des esprits architecturaux les plus prolifiques au monde, Frank Gehry. Né le 28 février 1929 à Toronto, en Ontario, l’architecte est décédé le vendredi 5 décembre 2025 à Santa Monica, en Californie. Sa mort marque la fin d’un chapitre marquant de l’histoire de l’architecture, même si sa créativité et son inventivité continueront d’influencer les formes et d’inspirer la réflexion dans cette discipline. L’impact de Gehry sur le monde de l’architecture allait bien au-delà de son rôle de constructeur, puisqu’il utilisait une approche hétérodoxe pour contourner les règles architecturales communément acceptées.
Les œuvres de Gehry partagent toutes une qualité propre à l’avant-garde architecturale des années 70, avec des éléments qui semblent scintiller, se tordre ou flotter. Ses œuvres s’éloignent des attributions conventionnelles des matériaux, permettant l’expérimentation de matériaux bruts et réutilisés. Cette expérimentation a été largement influencée par son rôle dans le développement de logiciels de conception architecturale, en adaptant les programmes développés par Dassault Systèmes, synthétisant la technologie et la création architecturale. Ce nouvel outil de Gehry a permis de transformer un croquis émietté en musée, une structure banale en monument
Tout en laissant derrière lui un héritage d’importance internationale, Gehry entretenait une relation intime avec la France. C’est à Paris qu’il s’est plongé pour la première fois dans l’amplitude de la vie urbaine européenne sous la tutelle d’André Remondet. Cette relation s’est ravivée des décennies plus tard à travers une série de commandes françaises qui comptent parmi les œuvres les plus lyriques de l’architecte. L’American Center (Paris 12e, 1993) témoignait des ambitions interculturelles de Gehry. Bien que le centre soit devenu par la suite la Cinémathèque française, l’esprit de communication culturelle reste l’objectif central du bâtiment (?). Son travail à Marne-la-Vallée, où il a conçu le festival d’ouverture de Disneyland Paris (1992), exprime la poursuite du métissage culturel, en plus d’une variation architecturale sur le thème du jeu, rendant hommage au talent de Disney pour la narration.
La création française la plus audacieuse de l’architecte est toutefois la Fondation Louis Vuitton (2014) dans le Bois de Boulogne à Paris. Conçue avec des voiles de verre ondulantes, la façade en tissu de la structure semble flotter et virevolter autour de la zone au lieu de s’appuyer sur un ancrage solide. Conçue et créée avec le soutien de Bernard Arnault, la Fondation brouille les frontières entre l’art, l’architecture et la mode tout en abordant la dialectique de la tradition et de la rupture.
Au-delà de ses bâtiments, l’héritage de Gehry sera salué pour avoir réinventé les limites de l’architecture. L’historien Jean-Louis Cohen a décrit l’architecte comme « un maître sans école », qui a rejeté les étiquettes restrictives pour se concentrer sur la conviction que l’environnement bâti doit être aussi vivant et imprévisible que ses habitants.
Bien que Gehry ne laisse derrière lui aucune doctrine concise ni aucune école officielle de disciples, le lauréat du prix Pritzker 1989 et du Praemium Imperiale pour l’architecture en 1992 laisse à la place une œuvre fondamentale qui a inculqué un esprit de curiosité, un respect pour le chaos et une croyance dans le pouvoir émotionnel de l’espace, qui continueront à inspirer et à influencer l’architecture longtemps dans l’avenir.
Visuel principal : Frank Gehry s’exprimant lors de la réception organisée à l’occasion du centenaire de Viljo Revell à l’hôtel de ville de Toronto, en 2010. © : Archives de la ville de Toronto.