Dans « L’ombre » des nouvelles technologies avec Blanca Li

Le Public au centre du dispositif

Pour voir l’ombre nous n’en finissons pas de descendre dans les sous-sols de l’IRCAM pour aller chercher nos casques de réalité mixte. Le projection et la danse ont en effet lieu à l’Espro, cet étonnant espace situé 16 mètres sous la fontaine Stravinsky et conçu en 1978 par Piano et Rodgers sous la direction de Pierre Boulez. Alors que dans la précédente création avec casque de Blanca Li, Le Bal de Paris, le public était invité à avancer d’espace virtuel en espace virtuel tout au long d’une aventure, dans L’ombre, nous sommes placé.es au centre d’une salle où les danseur.euses évoluent au milieu du public ou sur des échafaudages et nous tournons sur nous-mêmes, plus que nous évoluons.

Nous sommes cueilli.es par une multitude de tableaux, qui nous font passer d’un grand bal à ciel ouvert dans une skyline de ville du 20e siècle, à un enterrement tragique digne d’un opéra flamenco. Au fil des percussions métaphysiques et de plus en plus terrifiantes d’Edith Canat de Chinzy, les 6 danseur.euses et le musicien nous emmènent, tout en beauté, de la féérie à l’inquiétante étrangeté.

Une réflexion sur la modernité

Mais comment passe-t-on des parapluies de Singing in the Rain qui nous tombent dessus à un viol des danseur.euses par des ombres géantes dans une ambiance Métropolis qui nous ramène aux inquiétudes du temps présent ?

Si le jeu et l’esthétisme sont là à tout moment, et si la grammaire néo-classique de Blanc Li se combine toujours aussi bien avec les magnifiques costumes Chanel, le parcours de l’Ombre n’est pas gratuitement beau. En adaptant en réalité mixte ce conte de Hans Christian Andersen qui raconte l’histoire d’un savant dont l’ombre prend son indépendance pour voler son identité, c’est une dystopie que le spectacle développe.

Malgré et avec nos casques, l’angoisse de la possession par la technologie est là, qui s’accorde bien avec la nostalgie de certaines images ! L’alphabet nous tombe dessus et en couleurs et comme dans un poème grimaçant de Baudelaire, la mort est un vieux capitaine rouge-flammes qui nous conduit au port de l’angoisse.

Une expérience esthétique unique, qui même savamment création et nostalgie et qui laisse des images durables dans la tête.