Cynthia Fleury, l’auteure de la Fin du courage et de Ci-gît l’amer, revient au thème du « care » qu’elle avait si bien expliqué dans Le soin est un humanisme (2019). Comme son titre l’indique, La « clinique » de la dignité fait un état des lieux pratiques du concept de dignité pour mieux dresser l’horizon éthique que nous devons nous donner comme commandement de « tenir ».
Du droit à la dignité aux marches de la dignité, en passant par l’indignation que prônait déjà Stéphane Hessel il y a maintenant 20 ans, la dignité prend une place de plus en plus importante dans les revendications de nos sociétés, au point de dépasser les demandes de « reconnaissance » (Axel Honneth) et même la justice sociale. Bien évidemment, la dignité ne remplace pas ces demandes essentielles mais comme le note Cynthia Fleury, elle est 1/ de plus en plus présente 2/ nécessairement portée par un collectif en tant que demande politique et 3/ paradoxe et ironie : elle semble irradier la sphère publique au moment même où il n’y a jamais eu autant d’indignités, aussi bien sociale, que dans le domaine du soin (maisons de retraite, hôpitaux …). Comment l’expliquer et la penser?
Pour nous aider à mieux comprendre cette ambivalence et cette montée en politique de la dignité, Cynthia Fleury revient aux « Care » (littéralement le « Prendre soin »), dont elle avait déjà expliqué l’origine et les racines sociales, notamment du côté des « vaincu.e.s » ou des « gens de l’ombre » : femmes, minorités sociales … Selon elle, le Care est issu d’une lutte sociale violente où les défavorisés prennent soin des favorisés. Il y a donc, à l’origine, un « dark » ou « dirty » côté du Care qui explique l’ambivalence du mot « dignité ». Cette dualité met en lumière un paradoxe encore plus essentiel : aujourd’hui le côté sombre du Care est intersectionnel. Comment, à la fois, se doter d’une éthique universelle pour le Care (et donc d’une dignité en commun) et prendre en compte l’évolution de la société ? En revenant sur certains dialogues de sourds (Margaret Mead/ James Baldwin) et en revisitant Marcel Mauss ou Robert Esposito, Cynthia Fleury propose une dignité lucide qui saurait évoluer avec la société à qui elle va servir d’horizon. Elle écrit » Se comporter de façon indigne revient à choisir délibérément l’involution parce que les efforts nécessaires pour produire l’évolution sont jugés trop conséquents pour soi-même, où encore transférables sur autrui ».
Cynthia Fleury, La Clinique de la dignité, Seuil, 130 p. (et 75 p. de rebonds de spécialistes), sortie le 25/08/2023, 19,90 euros.
Visuel : CC BY-SA 4.0