Cultivons l’art de la paix selon l’enseignement de Bertrand Badie

Pour une nouvelle diplomatie

« La paix n’est pas la non guerre ». Ainsi, pour les Haoussas, un peuple du Sahel, elle est une réjouissance du cœur, une tranquillité de l’esprit. Pour Aristote la paix est le bien commun de l’humanité, son bonheur suprême. Mais pour Héraclite Pòlemos, la guerre, est « le père de toute chose ». Effectivement la guerre a construit l’histoire européenne. D’après lui, elle procédait du prince puis des souverainetés des États-nations, de leur volonté de puissance. La paix, parfois réduite à une simple trêve, découlait ainsi de transactions inter-étatiques.
Pour Bertrand Badie, cette diplomatie transactionnelle traditionnelle a souvent échoué au 20ème siècle. Il prend pour exemples le traité de Versailles ou les accords d’Oslo. A l’heure où les interdépendances prennent le pas sur les souverainetés, il plaide pour une refondation de la diplomatie qui doit faire une place à la subjectivité, à la compréhension de l’autre lointain. Alors que la majorité des conflits sont infra-étatiques, elle doit prendre en compte les déterminants sociaux de la violence. Cette diplomatie renouvelée, aux compétences élargies pourrait œuvrer en faveur d’une paix durable, prévenir les conflits, délégitimer la guerre. Et c’est tout un programme.

Utopie et pragmatisme

« L’Art de la Paix » est un livre de méthodologie sur la gouvernance des relations internationales. Bertrand Badie y adopte le point de vue d’un universaliste convaincu et convaincant. Son essai est bien structuré, riche de nombreux exemples et didactique. Il nous montre que l’art de la paix nécessite un véritable apprentissage.
Il existe une dimension utopique dans le livre. L’auteur reprend l’espoir de paix perpétuelle d’un Emmanuel Kant visionnaire. Il veut infuser dans les relations internationales « la sympathie des âmes ». Mais il est aussi pragmatique, lorsqu’il se félicite des réalisations de l’ONU, ou prône une reforme du conseil de sécurité. Ainsi, il insiste sur le rôle primordial des acteurs locaux et des ONG dans le développement, condition indispensable à une paix durable. Il mise aussi sur la force croissante d’une opinion publique mondiale. C’est en homme de conviction qu’il nous parle des bienfaits des migrations humaines, qui pourraient devenir un « bouclier de paix ».
Bertrand Badie élargit le propos en écrivant de très belles pages sur l’ouverture à l’autre. Pour arriver à « la sympathie des âmes » chacun doit être « un atome de la paix », une paix conditionnée par notre regard sur l’autre en particulier lointain. Une paix qui dépend de notre hospitalité. Logiquement, il termine son propos par l’éducation. Au niveau mondial, l’éducation doit devenir « la charpente solide d’une sécurité renforcée ».
Il termine ce très bel essai par une déclaration optimiste : alors que dans un monde global l’utilité rejoint l’utopie, l’art de la paix peut gagner. À condition que Bertrand Badie soit entendu…