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Christian Rizzo : « ce qui m’intéressait, c’est de faire œuvre commune »

par Georgia Velasco
27.09.2024

Les 27, 28 et 29 septembre 2024 à Avignon, se tiendra, la 7ème édition de C’est pas du luxe ! Un festival d’art pensé par des personnes en situation de grande précarité et des artistes professionnels, pour le grand public.

Vous intervenez  dans le cadre de la  7e édition de C’est pas du luxe, est-ce que vous connaissiez ce festival ?

Je ne connaissais pas du tout le festival, et j’étais un peu gêné de pas connaître, car il a une très longue histoire. C’est d’ailleurs très étrange car le festival d’Avignon prend tellement le dessus qu’on se demande s’il y a d’autre festival que celui-ci là-bas. En l’occurrence oui il y a celui-là qui est très actif et un peu plus court. Au tout départ, c’est un projet porté par la collection Lambert, donc pour le festival, en association avec des pensions de familles où vivent des personnes en situation de grande précarité.

Des personnes en situation de grande précarité sur le territoire ? Dans le Vaucluse ?

Absolument, donc avec trois maisons, qui sont des pensions de famille, une à Nîmes, une à Avignon et une à Montpellier avec qui ils avaient déjà travaillé ; ils ont déjà une relation assez forte. Les personnes de la collection Lambert se demandent beaucoup comment inviter des gens qui seraient éloignés des musées. Il y a deux ans, ils avaient fait le projet « Notre musée » avec Mohammed El Khatib, qui traitait de la mise en relation entre des objets appartenant à ces habitants et des œuvres. Une très belle exposition, l’idée était de renouveler le titre, mais pas à l’identique. Comment cette expérience qui nous a permis de nous mettre en contact avec les habitants de ces familles en tant que commissaires, de créer un commissariat collectif, quel pourrait être la deuxième étape. Au tout départ cela s’appelait « Le grand tour », il faut sortir de nos territoires et partir à l’aventure sur d’autre ville en Europe, sur ce qui fait culture pour nous quand on est ailleurs. Quand on fait groupe aussi ailleurs. Au départ j’étais invité pour être un des artistes qui pourrait conduire ces voyages, mais finalement très vite après discussion, la coordination du projet m’a été confiée.

En quoi consiste de coordonner le festival

Alors dans le festival, je ne sais pas, sur le projet qui s’appelle À samedi !, c’est l’idée de penser une exposition à la collection Lambert qui reflèterait nos aventures à Bruxelles, Athènes, Barcelone. Pour lesquelles j’ai invité Vania Vaneau et Julie Guibert à prendre en charge chacune une ville, toujours en relation avec un musée, de collecter et fabriquer des souvenirs.

Fabriquer des faux souvenir ?

Surtout avec la dimension du commun, des choses singulières qui n’étaient pas avant le projet de notre musée, qui était de montrer la singularité d’une personne et son objet par rapport à une œuvre. Moi, ce qui m’intéressait, c’est de faire œuvre commune et de laisser le profil de la singularité à ce qui apparaitrait comme œuvre commune. Donc la question était de se convoquer, y compris avec des personnes de la fondation Lambert, de se convoquer comme une œuvre en commun. Donc qu’est-ce qu’on allait faire jaillir de ça. Tous on s’est dit faisons un lieu qui pourrait accueillir pendant l’exposition une multiplicité d’œuvres, de faire une chose hybride dans l’exposition, qui est finalement une installation, mais qui donne une exposition mouvementée et évolutive. Avec des ateliers de cuisine, des ateliers pour enfants, de la broderie, des conférences, une grande partie des conférences ont été déplacées dans ce lieu. Donc de trouver à chaque fois, en modifiant l’espace, des manières de s’y intégrer. Manger dans un musée, ça ne se fait pas, et l’idée pour nous est de se dire quand les états de corps qu’on rencontre dans les musées sont toujours les mêmes ; souvent corps vertical, mains dans le dos, silencieux. Ce qui est aussi très beau, car ça permet d’être en contact avec les œuvres, mais ce serait intéressant d’avoir un espace qui va inviter des fonctions au fur et à mesure. Donc, on voit un grand hamac qui accueille deux à trois personnes. On a fait une cuisine modulable sur roulettes, donc on va cuisiner ce soir à l’occasion du vernissage, il y a tout un jeu de futons qu’on a fait recouvrir par un tas de photo qu’on a faites pendant le voyage, sur lequel on va venir s’allonger, se reposer, lire. On peut aussi travailler, ça devient un bureau itinérant pour l’équipe de la collection. Dans un musée, on voit des œuvres, des spectateurs, mais on ne voit pas les personnes qui y travaillent autre que médiateur, on ne voit pas différents états de corps guidés par une façon d’être dans des musées. C’est une hypothèse, il n’y a rien d’affirmatif dans ce qu’on fait et en même temps, c’est une installation portée par tous et qui va voir son usage évoluer pendant quatre mois, donc c’est un temps de vie.

Alors et la danse dans tout ça ? Car vous êtes avant tout chorégraphe

Se lancer dans un projet comme ça, c’est accepter de se déplacer et de trouver des nouveaux usages. Ce qui m’arrive avec ma casquette, mais finalement ça se déplace, comprendre le mouvement des gens qui pourrait arriver dans ce lieu, comme le fait que la cuisine elle-même est mobile. Ce que je trouve hyper intéressant dans ces projets-là, vous parliez au début de fonction ; je suis là au même titre que tout le monde, mais peut être plus en coordination, afin de rassembler les perspectives, les désirs des gens avec qui on a travaillé ensemble, et ensemble de lui donner une forme. C’est un travail, pas de maïeutique, mais d’écouter, de faire des propositions et de valider. Je n’ai pas plus de fonction que celle d’effectuer mon travail d’artiste, que d’entendre et d’accompagner, de me promener, d’être sensible et de voir en même temps quel outil j’ai et je n’ai pas. Dans ces circonstances-là, c’est comment on accepte de dériver. Par exemple, là je sors, j’étais dans la galerie, il y a une journée, on s’est dit, ça serait bien que chacun recueille ses souvenirs, de faire un grand dessin comme une cartographie ensemble, et d’écrire ce dont on se souvient, ou ce qu’on a raté, les parcours et on a fait ce très grand dessin. Ce que je me suis dit, il faut inviter les gens à se déposer sur cette cartographie. Alors, on a étiré le dessin en immense et c’est le sol de toute la salle. Rien que ça, on invite les gens à mettre leur pas dans les nôtres.

Il y a quand même du mouvement !

Il n’y a pas vraiment de danse, mais plutôt de la chorégraphie, quelque chose de spatial, dans le mouvement qui est la mienne, qui pose la question du corps et de l’espace et comment on accueille dans une espace le corps. Le fait qu’il puisse être debout, allongé, pour moi ça fait une multiplication du possible de ces corps-là. Il y a quelque chose qui va arriver ou pas.

Si j’ai bien compris C’est pas du luxe, ce n’est pas que l’exposition ?

Il y a des milliards de choses : des spectacles, des films, d’autres expositions… La programmation est hyper riche, mais je suis très peu courant. J’interviens uniquement avec l’équipe de À samedi ! Et du coup cela va durer quatre ans ? Effectivement, on ouvre ce soir à 18 h 30, où il aura de la cuisine que les habitants sont en train de faire, peut être un des habitants qui veut raconter une histoire qu’il a écrite pendant le voyage, mais aussi potentiellement dans cette salle, il se passera des choses comme des cours de yoga, des artistes en résidence, ou d’autre qui font la sieste.

La 7ème édition de C’est pas du luxe ! se tiendra les 27, 28 et 29 septembre 2024 à Avignon.

Informations et réservations

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