Cette année, David Hokney célèbre le printemps à la Fondation Louis Vuitton

Une rétrospective ambitieuse

« Do remember, they can’t cancel the spring » (N’oubliez pas, ils ne peuvent pas supprimer le printemps) écrivait David Hockney en 2020 au moment du confinement. Cette exposition est effectivement joyeuse, lumineuse, printanière. Et quelle rétrospective ! Les 400 œuvres, réparties dans onze salles, s’échelonnent de 1955 à 2025 sur sept décennies de création. Elles se répartissent sur l’ensemble de la fondation. Les salles sont spacieuses, les œuvres respirent malgré leur nombre, les visiteurs peuvent pleinement en profiter. Cette exposition hors norme a nécessité deux ans de travail pendant lesquels David Hockney et son compagnon Jean Pierre Gonçalves de Lima ont été pleinement impliqués.

Un grand paysagiste

L’ouest américain de sa jeunesse, le Yorkshire de son enfance et récemment la Normandie, les paysages sont au cœur de la peinture de David Hockney. Les villas californiennes lui ont inspiré ses tableaux de piscines réalisés dans un style Pop Art. Dans A bigger Splash (un grand splash,1967) les bleus du ciel et de la piscine sont éblouissants, nous faisant percevoir la chaleur et le bonheur d’une belle journée estivale. A bigger Grand Canyon est un assemblage de 60 toiles réalisées entre 1986 et 1998. Le visiteur est face à une peinture prodigieuse, qui coupe le souffle par sa dimension, par son réalisme, par la vivacité des couleurs avec le vert de la végétation, l’orange et le mauve des roches.
Deux séries d’aquarelles, toutes en finesse et délicatesse sont consacrées aux paysages du Yorshire. Dans Winter timber ( pièces de bois en hiver, 2009) les formes sont plus brutes, mais les couleurs surprenantes, étincelantes entre le bleu des arbres, le jaune des troncs à terre, l’orange et le violet des sols. Un festival de couleurs.
L’artiste s’est installé en Normandie en 2018 pour y peindre les saisons. Les paysages sont apaisants, les tableaux sont un peu impressionnistes, presque pointillistes. Nous pouvons admirer dans Apple Tree ( Pommier, 2019) la douceur de toute une palette de nuances de verts. Dans Blossom on a Tree ( Fleurir sur un arbre, 2023), les fleurs roses pâles paraissent fragiles, elles viennent d’éclore. Le vert tendre de la prairie et les jonquilles l’ attestent, le printemps est arrivé. Grâce à son talent David Hockney a trouvé l’âme de la Normandie.

Un artiste innovateur

Il est peintre, dessinateur, graveur, décorateur, photographe, théoricien de l’art. A ses multiples talents, David Hockney joint un goût pour l’innovation. La diversité des techniques utilisées par l’artiste est une des richesses de l’exposition. Dans ses dessins photographiques, il juxtapose de nombreuses photographies, prises sous des angles différents, afin de multiplier les points de vues. Il utilise l’iPad comme un carnet de croquis et associe modernité et la tradition. Ainsi les Bouquets de fleurs dessinés sur iPad sont encadrés dans des cadres en bois traditionnels. Ses somptueux Portraits and Flowers ( Portraits et fleurs, 2019-2021) se succèdent sur six écrans différents. Puis le visiteur rentre dans une vaste salle dont les quatre murs sont recouverts par les dessins (220 en tout) réalisés sur iPad pendant le confinement de 2020, des vues du Pays d’Auge, dans les environs immédiats de la maison normande du peintre. Impressionnant !
De nouvelles surprises nous attendent à l’étage supérieur avec l’atelier de l’artiste transformé en salle de danse. Les danseurs se reflètent dans un miroir grâce à 18 vidéos numériques synchronisées sur 18 écrans.
« Nous avons besoin de plus d’opéras. Il est plus grand que la vie » disait David Hockney, en amoureux de l’opéra. Ses dessins et décors d’opéras ont permis la création d’une polyphonie musicale et visuelle. Des coussins au sol permettent de se reposer en écoutant des extraits d’opéras, l’animation visuelle est incroyable, l’immersion totale.

Dans l’intimité de l’artiste

Au delà de son coté spectaculaire, l’exposition lève un voile sur l’intimité de l’artiste. Dès l’entrée Portrait of my Father ( Portrait de mon père, 1955) nous révèle un père de l’artiste pensif, un peu triste. David Hockney revendiquait son homosexualité à une époque où elle était illégale. Two Mens in a Shower (deux hommes sous la douche, 1963) comporte une dimension érotique mais un des deux corps est dissimulé par un rideau comme s’il fallait à la fois voiler et dévoiler. Le portrait de J.P. Gonçalvez de Lima ( Juillet 2013) montre la sensibilité de ce grand portraitiste. Les couleurs sont claires mais l’homme est penché en avant, la tête entre ses deux mains, on ne voit pas son visage, la souffrance est palpable.
David Hockney s’est installé en Normandie après avoir vu la Tapisserie de Bayeux. Par son déroulé la frise La Grande Cour s’en inspire. Ces 24 dessins à l’encre nous montre la vie quotidienne et le travail du peintre dans sa maison traditionnelle normande.
La dernière salle est beaucoup plus petite, plus sombre, plus intime surtout. A la fin de cette exposition grandiose, on y découvre, un peu comme un trésor caché, les dernières œuvres de l’artiste qui à 87 ans nous laisse quelques messages. Un message d’humilité dans « After Blake : less is Known than People Think » ( D’après Blake : On en sait moins qu’on ne le pense, 2024). Ce paysage presque abstrait évoque la Divine Comédie de Dante et au pied de la montagne est inscrite cette phrase : « C’est le maintenant qui est éternel ». A coté le dernier autoportrait du peintre. Assis, il travaille dans un petit jardin, les arbres restent dénudés mais les jonquilles fleurissent, comme la promesse d’un éternel retour du printemps.