« Le ciel bleu sur nous peut s’effondrer »
Lady Gaga et Aya Nakamura étaient bien présentes, comme annoncé, à cette cérémonie d’ouverture qui s’est déroulée de 19 h 30 à 23 h 30 comme une série de douze tableaux sous une pluie de plus en plus insistante. Douze tableaux célébrant les femmes et l’inclusivité se sont succédé : « Enchanté » (après le pont d’Austerlitz), « Synchronicité » (en face de Notre-Dame), « Liberté » (face au Pont-Neuf), « Egalité » (sur le pont des Arts), « Fraternité » (sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor), « Sororité » (pont Alexandre-III), « Sportivité » (Grand Palais), « Festivité » (passerelle Debilly), « Obscurité » (pont d’Iéna), « Solennité » (au Trocadéro). Avant l’« Eternité » (au pied de la tour Eiffel).
« Et la Terre peut bien s’écrouler »
Alors que les séquences du passage des athlètes (sur bateaux plus ou moins beaux) pudiquement revêtus d’imperméables transparents succédaient aux numéros de danse, cirque ou chant, c’est le rose et le doré qui ont triomphé dans cette cérémonie d’ouverture qui célébrait des valeurs (liberté, égalité, sororité). Elle s’est tenue – jusqu’à la demi-heure finale – très loin du sport et des temps actuels.
« Peu m’importe si tu m’aimes»
On a pu assister à une suite quasi parodique de « Thomas Jolly in Paris ». Métro rétro ou Zizou jouait les James Bond, French cancan, costumes roses, reprise de Zizi Jeanmaire par Lady Gaga, les étapes de ce show étaient toujours un peu plus « camp » à chaque pont. Une page de publicité devant le Louvre mettait en avant le fameux logo Vuitton et ses mallettes dansant avec des grooms. Tandis que tels
Les Misérables de Victor Hugo, les danseurs et les danseuses de Maud Le Pladec
(qui ont finalement levé leur préavis de grève) étaient comme des esclaves égyptiens aux bras équerres sur les quais ou bien ils et elles se suspendaient aux échafaudages de Notre-Dame pour trimer à sa restauration.
« Je me fous du monde entier »
Visuellement, quelques moments ont eu un impact fort : Aya Nakamura dorée comme une déesse grecque qui rejoint la garde républicaine sur la passerelle des arts sur un mash-up « Pookie » / « Djadja » / « For me formidable » de Charles Aznavour, cela restera. L’apparition d’Olympe de Gouges, Alice Milliat, Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, Paulette Nardal, Jeanne Barret, Louise Michel, Christine de Pizan, Alice Guy et Simone Veil en statues dorées des féministes clés de l’histoire de France, ça, c’est puissant. Et bien sûr, la Conciergerie en flammes rouges sur un mix de métal et de « Ça ira » assez proche des semaines que nous venons de passer. Il y a eu des moments suspendus comme le solo de Guillaume Diop, étoile de l’Opera, virevoltant sur un toit doré, fluide et léger malgré la flotte.
« Tant qu’l’amour inondera mes matins »
Thomas Jolly, Daphné Burki et Maud Le Pladec ont cultivé les références gay comme un geste politique. Recréer La Cène de Léonard de Vinci avec Barbara Butch en Christ, ayant pour disciples les drag queens Nicky Doll, Piche et Paloma, mais aussi, et entre autres, l’étoile Germain Louvet, la krumpeuse Adeline Kerry Cruz, ça, ça y va ! Surtout que la bande son mixée alors par la DJ a accompagnée la délégation française au son de « Que je t’aime » de Johnny Hallyday, il fallait oser ! Il fallait oser, plutôt, accompagner cette traversée de la Seine de ces images de liberté alors que sur les 205 pays, 60 prévoient des sanctions pénales à l’encontre des personnes LGBT allant parfois jusqu’à la peine de mort.
« Tant qu’mon corps frémira sous tes mains »
Mais dans l’ensemble, les dorures, les histoires d’amour à la Pierre et Gilles, y compris à la BNF Richelieu dans le trio Jules et Jim et malgré la présence magnétique de Yuming Hey, Philippe Katerine nu et bleu comme un Dionysos-Schtroumpf sur la passerelle Debilly étaient finalement extrêmement conservateurs. On a eu tort de se moquer d’Arielle Dombasle au début de cette séquence estivale, c’est elle qui a sonné au diapason du kitsch passéiste les grandes lignes de cette cérémonie d’ouverture et de l’image qu’elle donne de la France au monde. La séquence « révolution » était aussi mitée que ses perruques et démontrait un rapport sclérosé et simpliste à l’histoire. Le travail vidéo lui-même, aussi bien que les citations des Minions ou le duo en flammes Sofiane Pamart/ Juliette Armanet qui rend lisse « Imagine » de John Lennon, semblaient être des monoformes publicitaires regardant vers le passé.
Surtout, à part dans les sourires des athlètes sur leurs barques, il a été très peu question de sport dans cette cérémonie.
« Peu m’importent les problèmes »
Jusqu’à ce que l’ordre trop léché du défilé se brise, que l’on fasse marche arrière pour suivre une chevalière masquée. Sur son élégant et théâtral cheval mécanique, la porteuse du drapeau olympique a percé la nuit pour arriver quelque part sous le pont d’Iéna jusqu’aux grands de ce monde. Parmi lesquels, enfin ! Des images d’archives sur les exploits dont l’humain est capable. Dès lors, après le discours du président du comité d’organisation de Paris 2024, Tony Estanguet, puis d’Emmanuel Macron, la tombée de la nuit et l’illumination dingue de la tour Eiffel, la flamme a remonté la Seine dans l’autre sens. Dans les tons blancs et argentés et c’était juste superbe. Un concentré sobre d’athlètes se transmettant la flamme, entre autres Zinedine Zidane, Rafael Nadal, Nadia Comaneci, Amélie Mauresmo, pour finir avec Teddy Riner et Marie-José Pérec. Le tout tellement éclairé jusqu’à un chaudron imaginé par le designer français Mathieu Lehanneur qui s’est élevé depuis les Tuileries.
« Mon amour, puisque tu m’aimes »
Enfin, et pour la première fois depuis quatre ans, Céline Dion a chanté, du haut de la tour Eiffel. Sa version de « L’Hymne à l’amour » a inondé Paris de beauté et fait taire la pluie. Et ça, c’est vraiment Cult !