« Ce qui choque, marche » : l’influence sous tension à l’Assemblée nationale

Depuis le mois de mars, les députés de l’Assemblée nationale mènent une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok, le réseau social chinois, sur les mineurs. Mardi 10 juin, cinq influenceurs aux contenus jugés misogynes, virilistes ou inadaptés ont été auditionnés à l’Assemblée nationale. Cette séance constitue une étape clé de l’enquête parlementaire, les élus cherchant à évaluer les risques que peut représenter la plateforme pour un public jeune et vulnérable.

Des contenus problématiques

L’audition, qui a duré plus de trois heures, a rassemblé plusieurs figures controversées du réseau social, identifiées à la suite d’une consultation publique : les anciennes stars de téléréalité AD Laurent et le couple Manon et Julien Tanti, le masculiniste Alex Hichens (alias Isa Mayembo), ainsi que Nasdas, créateur suivi par 3,7 millions de personnes sur TikTok et plus de 9 millions sur Snapchat.

« Ce qui fonctionne le mieux, c’est le contenu qui choque », a affirmé Alex Hichens, intervenant en visioconférence depuis Dubaï. Connu pour ses discours polémiques sur la virilité et les rapports hommes-femmes, il a déclaré : « Il faut interdire TikTok parce que cette plateforme est néfaste. » Un paradoxe, puisque celui qui se présente comme coach en séduction, vendant des formations en ligne, est lui-même auditionné pour des propos jugés misogynes. Dans certaines vidéos, il affirme par exemple que les femmes « n’ont rien à faire dans la rue après 22 heures ». Accusant la commission d’« isoler son propos », il a quitté la visioconférence sans autorisation, alors même que le président de la commission, Arthur Delaporte, tentait de prendre la parole.

De son côté, AD Laurent, qui ouvrait l’audition, a reconnu partager lors de ses lives TikTok des liens redirigeant vers des sites hébergeant ses contenus pornographiques. L’ancien candidat de téléréalité, qui se présente désormais comme « artiste-auteur », avait déjà vu son compte TikTok – fort de 1,8 million d’abonnés – être banni, à la suite de signalements, notamment par la ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé.

« Les jeunes croient en moi au lieu de croire en leurs études »

Le créateur de contenu Nasdas, Nasser Sari de son vrai nom, est connu pour des distributions d’argent et de cadeaux dans son quartier de Perpignan. Lors de l’audition, il adopte un ton plus conciliant que les autres et reconnaît : « Je regrette d’avoir fait en sorte que ces jeunes-là viennent et croient en moi au lieu de croire en leurs études. »

Cette audition lui permet également d’évoquer la question de la santé mentale des créateurs de contenu. Il mentionne ainsi la récente annonce de son retrait des réseaux sociaux, une décision prise « il y a trois mois », dénonçant une « course aux vues » pesant sur le moral.

Qui est responsable ?

Les cinq influenceurs sont pourtant unanimes sur un point : la responsabilité incombe, selon eux, aux parents et à TikTok, qui devrait être mieux régulé. « Si des élèves de CE2 […] accèdent à cette plateforme, c’est un problème de contrôle parental et de responsabilité de TikTok, pas de la mienne », a insisté AD Laurent.

Les noms de ces personnalités des réseaux sociaux ont été cités à la suite d’une consultation publique, clôturée le 30 mai, qui a recueilli plus de 30 000 réponses — dont une importante part de jeunes, selon l’Assemblée nationale.

Ce jeudi, ce sont les représentants de TikTok qui doivent s’exprimer devant les députés dans le cadre de cette commission d’enquête. Le rapport final, accompagné d’une décision sur l’avenir de la plateforme, sera rendu en septembre.