Ce mardi 20 mai, un grand orage matinal a marqué cette riche journée cannoise… sans nous décourager.
La matinée a commencé dans un bruit de tonnerre, salle Varda, pour découvrir à 8h30, Les Aigles de la République. Trois ans après avoir été primé pour La Conspiration du Caire, Tarik Saleh présente le dernier volet de la trilogie du Caire : au menu, une nostalgie de l’âge d’or du cinéma égyptien, un Fares Fares en acteur national qui vend son âme aux autorités politiques et des décors d’aujourd’hui qui semblent avoir l’élégance des années 1960. Un film esthétique et réussi.
À 10h30 nous avions rendez-vous pour un moment sain : des boissons au collagène sur la plage Vega et la présentation de la collection de Yoga (et Tequila !) de Bash qui lance cette nouvelle ligne et des séjours de bien-être. Il y aurait du y avoir un petit jogging mais il a été remplacé par quelques positions de yoga a l’abri de déluge sous la tente. De quoi se détendre entre deux projections !
À 11h, nous entrions en séance pour rattraper L’Agent secret de Kléber Mendonça Filho, un film qui, après le Je suis toujours là de Walter Salles sorti le 15 janvier 2025 en France, traite encore – non sans tendresse ni humour – des stigmates de la dictature brésilienne. Le réalisateur soigne tous ses personnages qu’ils et elles soient victimes pourchassées ou tueurs à gages. Un film brillant qui ose une ellipse subite aussi parlante que les destins des disparus Sud-Américains de ces années de plomb. Wagner Moura traverse le film en homme simple et magnifique.
À 11h30, nous découvrions l’adaptation éponyme très émotive du roman de Clémentine Autain par Romane Bohringer. Dites lui que je l’aime est plein d’effusion personnelles avec des clins d’œil mignons mais beaucoup de lourdeur dans son procédé du film dans le film.
À 13h30, nous interviewons les trois acteurs de Météors de Hubert Charuel, présenté dans la sélection Un Certain Regard. Idir Azougli, Paul Kircher et Salif Cissé ont répondu à nos questions. Un moment joyeux, malgré le ciel menaçant, où on en a appris plus sur la manière de jouer un lien fort d’amitié : le naturel l’emporte !
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Au même moment, Julia Ducourneau et Tahar Rahim faisaient la conférence de presse de Alpha. La réalisatrice désormais blonde platine a raconté à quel point ce film était personnel et a évoqué ses origines Kabyle. On a aussi beaucoup parlé des symboles de cet ovni que la presse étrangère a plébiscité.
La séance de 19h30 en salle Debussy permettait de voir le dernier film de Kirill Serebrennikov, La disparition de Josef Mengele, adapté du roman d’Olivier Guez ; un film qui a étrangement échoué en Cannes Première plutôt qu’en compétition (ce qui aurait pourtant été justifié). Comme souvent chez le cinéaste russe, tout commence de manière classique et didactique : on voit l’homme recherché changer d’identité, passer de l’Argentine à São Paulo puis à Munich, fréquenter, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les lieux de pouvoir où s’étale la morgue des nazis persuadés du retour prochain du Grand Reich.
Mais, et cela n’est pas sans rappeler le puissant Zone of interest, Serebrennikov explore l’homme derrière le monstre avec ses humeurs, sa femme et ses maîtresses, sa déchéance physique et financière, la confrontation avec son fils qui découvre les horreurs… mais reste le fils. Le cinéaste montre aussi la chaîne des appuis politiques et financiers, les complicités et les plaisanteries en société sur la solution finale.
Mais il y a surtout cette mise en scène virtuose, et cette inversion des couleurs avec un récit en noir et blanc, sauf… lorsque l’on pénètre dans Auchwitz où la monstruosité nous est montrée en couleurs. Dans un rôle impossible, August Diehl incarne l’horreur dans toutes ses dimensions.
La question qui se posait était : a-t-on encore quelque chose à dire d’un point de vue cinématographique sur les camps de concentration ? Il semblerait que oui lorsque le metteur en scène puise dans sa propre folie pour tenter d’approcher l’innommable. Lorsque le film se termine, on se demande pourquoi le monstre a fini sa vie en liberté… mais ça c’est une autre histoire.
Faire de longues files d’attente, sous la pluie, c’est aussi cela Cannes ! Mais aujourd’hui, cela n’a servi à rien : là où les films étaient pourtant démultipliés, tous les sièges étaient déjà pris. Nous n’avons pas pu voir Elisabeth the Great de Scarlett Johansson, ni la masterclass de Alain Chabat. Mais attendre a parfois du bon : à 22 heures, c’est dans une salle Debussy beaucoup plus calme que nous avons pu nous transporter dans le Rome des années 1980 avec Mario Martone et son hommage à l’écrivaine Goliarda Sapienza : Fuori.