Ce vendredi 16 janvier, la compétition cannoise était marquée par un western qui peine à aller au bout des ses ambitions, par un premier film attachant et par une plongée architecturale aux portes de Paris dans les années 80. Live-report !
La journée du jeudi a commencé sous les meilleurs auspices qui soient : ceux de la Salle Agnès Varda pour la projection de Sirât. Pour sa première sélection en compétition officielle à Cannes, Olivier Laxe, réalisateur espagnol de Viendra le feu, signe une odyssée mystique dans le Sud marocain, entre road-movie halluciné, western spirituel et fin du monde. Porté par une photographie somptueuse et une bande-son de transe envoûtante, le film suit un père (Sergi Lopez) et son fils à la recherche de leur fille, et sœur, disparue. Tout commence lors d’une fête clandestine, puis c’est l’échappée folle dans un désert très menaçant. Ils rencontrent des marginaux, entre douceur et chaos, formant un groupe attachant mais dangereux. Sirât nous embarque avec ses paysages magiques, mais malheureusement son intrigue se rompt et nous perd aux deux tiers du film.
Lire notre critique.
À la Quinzaine, Julia Kowalski invente un nouveau genre : dans Que ma volonté soit faite, savant mélange entre Possession et Petit Paysan, elle nous propose de suivre une héroïne en quête de soi, et d’acceptation de son désir. Objet étrange, le film ne répond à aucun code et réinvente avec audace le film de possession.
Alors que Sunshine, le grand film sur quatre générations de juifs hongrois est projeté à Cannes Classics, nous avons la chance de rencontrer István Szabó, 87 ans, pour une discussion sur ce film et son son art. Interview bientôt disponible.
C’est le premier film de fiction à la française et/mais bruxelloise d’Alexe Poukine, réalisatrice de documentaire. Kika suit une jeune femme, assistante sociale et maman d’une fille, qui tente de se remettre de la mort subite de son compagnon. Manon Clavel crève l’écran dans ce film à la fois émouvant et drôle sur le deuil. C’est une très jolie surprise de la Semaine de la critique dont vous pouvez trouver la critique ici.
Dans l’après-midi, on profitait d’Amrum, le dernier film de Fatih Akin, en sélection Cannes première ; un film de facture très classique aux images soignées et aux acteurs excellents : le troublant Jasper Olé Billerbeck en gamin enrôlé dans les jeunesses hitlériennes, les excellentes Laura Tonke, Lisa Hagmeister, Diane Kruger…
À la toute fin de la Seconde Guerre mondiale, un village dans une presqu’île au nord de l’Allemagne vit les derniers soubresauts du nazisme, et la frontière entre les puissants et les opprimés se fait de plus en plus mouvante, comme les marées qui menacent d’engloutir les imprudents. C’est le moment où tous, Allemands et Polonais, peuvent se retrouver du mauvais côté… Dans ce monde d’adultes parfois illuminés, les jeunes tentent d’écrire leur propre histoire, notamment Nanning, jeune spécimen blond aux yeux bleus qui doit soutenir sa mère en choc traumatique après le suicide d’Hitler.
Si le film n’évite parfois pas la caricature entre les bons et les méchants, on suit inévitablement la course effrénée du gamin en quête… de pain blanc, de beurre et de miel. Et le sourire du dernier plan (le seul du film nous semble-t-il) ouvre la porte à la lumière après les ténèbres.
C’est le premier film français en lice dans la section Un Certain Regard, mais L’inconnu de la grande arche de Stéphane Demoustier est aussi un peu danois puisqu’il s’agit de l’histoire de l’architecte (joué par un Michel Fau parfait) qui a construit la Défense, en 1982, sur une commande de François Mitterrand. Du jour au lendemain, après avoir gagné le concours, Johan Otto von Spreckelsen (incarné par Claes Bang qu’on a déjà vu dans The Square) devient connu et… parisien. Avec sa femme (Sidse Babette Knudsen) à la tête de ses affaires, il se lance dans un projet pharaonique de construction. Un film en costumes, dans son jus eighties tendre et drôle, mais un peu systématique. Le rythme nous empêche de nous laisser pleinement emmener dans ce passé qui a marqué notre paysage urbain.
Dans sa jolie robe bordeaux, Hafsia Herzi était flamboyante ce jeudi après-midi pour sa première montée des marches en compétition officielle en tant que réalisatrice, pour l’adaptation de La petite dernière, roman éponyme de Fatima Daas. Moment d’émotion et standing ovation dans le Grand Palais : une fois les lumières rallumées, on reprend son souffle, comme l’héroïne. On l’a suit pendant une heure et demi dans l’acceptation de son homosexualité et de sa solitude – à la fois dans le milieu LGBT, et dans sa foi. Ici, l’apprentissage se fait dans la bienveillance malgré les maladresses de l’écriture. Un film qui nous fait du bien.
La Fondation Art Explora inaugure le CinéMo, un cinéma-mobile à la programmation cinématographique engagée, ouvert à tous les publics du 13 au 24 mai. Au cœur du quartier de La Bocca, on trouve alors la projection gratuite au plus proche des publics de grands films, notamment issus du catalogue de STUDIOCANAL, qui ont marqué Cannes (Le Grand Bain, Le Redoutable, Moonrise Kingdom, Polisse, Persepolis, Indochine, ou encore Monsieur Klein).
Mais la Fondation n’a pas seulement dégainé son cinéma-mobile, elle a aussi largué ses amarres dans le port du Cannes avec son fameux bateau Art Explora. Découvert à Marseille puis à la biennale de Venise en 2024, le plus grand catamaran du monde (46 m) accueille pendant son séjour cannois des projections immersives et permet au monde de cinéma de se réunir sur son pont magnifique. Nous avons pu le redécouvrir dans la lumière du soleil couchant et observer la vie du Palais des Festivals et du marché du cinéma positionné sous son immense mat. Un moment d’éternité…
Alors que l’ACID faisait danser les cinéphiles sur la plage du CNC, nous étions de retour sur la plage Magnum qui célébrait également dans la musique et la joie deux films que nous avons appréciés ce jeudi 17 mai : La petite dernière et l’Inconnu de la Grande Arche. Un moment de danse festive et heureuse, en l’honneur du 7e art.