Cannes, jour 1 : Mascha Schlinski et Sergei Loznitsa en lice, Robert De Niro en maître de classe, Laura Wandel et Laurent Cantet ouvrent la Semaine et la Quinzaine, Sophie Letourneur lance l’ACID

La journée a commencé par un joli soleil sur la Croisette, de quoi se languir dans les salles obscures et écrire les pieds en éventail sur la plage !

Enzo, de Cantet et Campillo à la Quinzaine

À la quinzaine, c’est avec Enzo que nous démarrons cette nouvelle édition. Ultime projet de Laurent Cantet avant son décès en 2024, le long-métrage a vu le jour grâce à la réalisation de Robin Campillo, connu entre autre pour son 120 battements par minutes. Dans le rôle d’un apprenti maçon, Eloy Pohu incarne la difficulté de la quête d’identité à l’âge adolescent. Issu d’un milieu aisé, le jeune est étouffé par son père qui le pousse à faire des études, comme son frère aîné. Sur le chantier, Enzo rencontre Vlad, un ukrainien qui lui fait entrevoir une autre perspective de vie. Incarné par Maksym Slivinskyi, il oscille parfaitement entre gravité et légèreté. À l’écran, aucun soupçon n’apparait quant au manque d’expérience du jeune homme en tant qu’acteur, bien au contraire, que ce soit dans sa langue maternelle ou en français, Maksym Slivinskyi demeure saisissant. Robin Campillo révèle d’ailleurs, que l’acteur a été repéré alors qu’il travaillait sur un chantier. Hasard ?

Élodie Bouchez fait, elle aussi, briller l’écran. Dans le rôle de la mère d’Enzo, une douceur touchante émane de son personnage. Lucide et attentive, elle accompagne son fils dans une période qui lui est déterminante. Dans la session de questions/réponses qui a suivi la projection, le réalisateur explique qu’il a voulu mettre en avant la difficulté pour les jeunes d’avancer « dans un labyrinthe en ligne droite », faisant référence au système, souvent injuste et douteux, de Parcoursup Mettre à l’écran la problématique du système scolaire français pour secouer la conscience collective… une initiative qui fera sourire plus d’un•e lycéen•ne !

Le naturalisme de Laura Wandel broie du noir à la Semaine de la Critique

Avec un peu de retard et un monde fou dans la file du Miramar, nous sommes allé•es, voir le film d’ouverture de la semaine de la critique. Repérée à Un Certain Regard avec le film Un monde la réalisatrice belge Laura Wandel ouvre donc la semaine avec un film social, naturaliste et psychologique aux plans très resserrés : L’intérêt d’Adam. Égale à elle-même, Léa Drucker, crèvent l’écran en cheffe infirmière d’un service pédiatrique qui doit faire face aux liens destructeurs d’une maman (Anamaria Vartolomei, éberluée) et son fils (impressionnant Jules Delsart). Étouffant marqué par de magnifiques plans (!), L’intérêt d’Adam finit néanmoins par éteindre l’attention du spectateur à force de surligner chacun de ses propos et de caricaturer ses personnages. Ce qui partait comme une magnifique tragédie avec l’unité de temps, de lieu et d’espace se termine en pensum. Dommage !

Retour à la Quinzaine sous le signe d’une 10e Factory qui a largué les amarres au Brésil

Après un café glacé sur la plage Nespresso, retour la Quinzaine des réalisateurs pour un Panorama du jeune cinéma Brésilien avec tous les hauts dignitaires du pays et Karim Ainouz dans la salle. La Factory pousse les nouveaux talents sur la scène internationale en créant des binômes avec des cinéastes locaux et internationaux. Pour sa 10e édition, la Factory des Cinéastes débarque au Brésil pour célébrer son essence même : le pouvoir de la création collective. Les projections de court-métrage ont été suivies dans débat et la question des genres et de la violence faite aux femmes a été au cœur des thématiques abordées, avec une photo souvent très travaillée

Le grand homme Todd

L’après-midi s’est poursuivi à la quinzaine avec la projection d’I’m not there, – en présence de Todd Haynes – suivie d’une masterclass du réalisateur à l’occasion du Carosse d’or 2025 que lui remettait la SRF (Société des Réalisateurs Français)  lors de la cérémonie d’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes. I’m not here n’a pas vieilli : au contraire son chaos, sa vitalité et ses propositions audacieuses – tant dans la déconstruction narrative que le mélange des formes et des genres – lui donne une fraîcheur nouvelle. Quant à Todd Haynes, c’est avec une grande humilité qu’il est venu recevoir ce prix, venant récompenser l’ensemble de son œuvre que le membres de la SRF décrivent par expression volée à Jean Genet avec génie comme étant un «chant d’amour». Il a eu l’occasion de revenir sur ses thèmes phares : l’enfance, la construction de l’identité et la recherche de liberté, tout en passant par son amour pour ses actrices – comment ne pas nommer Cate Blanchett !

Les 4 filles d’un temps en marche

Le premier long-métrage de l’allemande Mascha Schilinski, Sound of Falling est un film tentaculaire, en costumes et en 4 époque qui suit 4 jeunes-filles – Alma, Erika, Angelika et Lenka – qui ont vécu successivement dans une ferme du nord de l’Allemagne. Eros et Tanatos se mélange dans des images léchées à la Schiele, dans ce film qui emprunte autant à Heineke qu’à La Chambre Verte de François Truffaut pour filer la métaphore de la vanité. L’image est belle, le sound-design léché et c’est mortellement ennuyeux pour un premier film qui aurait du faire le buzz avec cette entrée tonitruante en compétition officielle.

Aller au Cineum, Mission : Impossible ?

Vu en avant-première au Cineum en IMAX, le huitième et ultime volet de la saga Mission: Impossible offre à Tom Cruise un final spectaculaire et joliment givré sous ses poncifs. Toujours sous la houlette de Christopher McQuarrie, The Final Reckoning coche toutes les cases du cross-over entre 007 et Marvel  : gadgets, cascades vertigineuses, crise nucléaire et numérique, dilemmes moraux… Mais c’est dans sa dernière partie, sous la glace, que le film surprend — presque poétique, Cruise se love sous la banquise pour la plus grande joie de ses admiratrices. Néanmoins, le retour du Cineum en bus (attente 45 minutes !) nous a valu de manquer à la fois la projection du film où Sergei Losnitza revient à la fiction Deux Procureurs et la fête d’ouverture de la Quinzaine des cinéastes… Heureusement (peut-être) : il fallait bien s’asseoir et écrire sur cette première journée toute en contrastes.

Lire notre article sur Mission : Impossible.