Cannes, Compétition : Le désert fou de « Sirât » d’Olivier Laxe

par Yaël Hirsch
16.05.2025

Pour la première fois présent en compétition officielle, le réalisateur espagnol de Viendra le feu (Un Certain Regard, 2019) propose une échappée folle à trois voitures dans le sud du Maroc. Sirât mêle ses mélodies de transe à des paysages magnifiques, mais le film perd une partie de son public lorsqu’il prend un chemin trop abrupt et se met à bégayer.

Danser dans le désert

Dès les premiers plans, la photo est remarquable. Un groupe est en train de monter une sono énorme et géométrique dans les sables immuables du désert. Ce sont des gens très divers qui ont tous un point commun : ils dansent pendant des heures sur une musique de transe, pas tout à fait à jeun… Arrive un homme dans la force de l’âge, Luis (Sergi Lopez, en sous-jeu voulu presque tout le film) avec son fils préadolescent, Esteban. Ils distribuent des photos d’une jeune-femme : c’est Mar – respectivement leur fille et leur sœur – qui a disparu et qui pourrait bien assister à cette grande fête de bruit et de lumière devant un ciel infini. Sauf que Mar n’est pas là, mais ils apprennent qu’elle est peut-être à une autre fête plus loin dans le désert. Alors que la guerre gronde et que les autorités marocaines ferment la fête, Luis et Esteban décident de sortir du rang et de suivre le groupe de danseurs qui les a renseignés sur l’autre fête. Ils ont des provisions, un chien mignon et une belle relation, mais leur voiture ne se prête pas exactement à la traversée du désert…

Un western sous LSD à 6 adultes et un enfant

Entre roadtrip et fuite vers le sud du Maroc, le voyage est l’occasion de découvrir les personnalités de personnages qui sont tous aussi perdus que le père et le fils à la recherche de Mar. Estropiés, «moumoutés» et très souvent drogués, Stef, Jade, Tonin, Bigui et Josh sont aussi doux que perdus. Ils ont reformé une famille qui ne tarde pas trop à adopter le père et le fils, sur fonds de kilomètres parcourus dans des conditions extrêmes : il y a la guerre, le désert, les routes étroites et sinueuses que le Sirât, ce pont qui mène à l’autre rive dans l’islam. Mais quand les dangers qui s’ajoutent sont l’overdose, le déluge et les mines antipersonnelles, la chevauchée devient peut-être vraiment trop fantastique pour que les personnages restent crédibles. Restent une spiritualité profondément anarchiste, un beat qui monte en nous et la grâce de personnages libres comme on n’en voit plus, mais parangons d’occidentaux capricieux allant chercher du nouveau vers le sud. Il est vraiment dommage qu’Olivier Laxe nous perde aux 2/3 de son film auquel on avait commencé à adhérer comme à un nouveau type de western et qu’on retrouve finalement trop riche de péripéties et d’images convenues à force de se répéter.

Sirât d’Olivier Laxe, avec Sergi López, Bruno Núñez, Jade Oukid, Tonin Janvier, Richard Bellamy, Stefania Gadda, Joshua Liam Henderson, Espagne- France, 1h55, Festival de Cannes 2025, compétition. Sortie française prévu pour le 03/09/2025.

Visuel (c) Pyramide