Le vendredi 7 novembre 2025, a été dévoilée, sur la place Enghelab, à Téhéran, une nouvelle sculpture représentant un empereur romain défait et soumis face à un roi perse. La représentation joue toujours, évidemment, un rôle majeur dans la politique, l’histoire et les luttes de pouvoirs : voilà, une belle porte ouverte que nous enfonçons. Mais quel message peut bien se cacher derrière cette image ? Pour bien comprendre, pas besoin d’aller chercher bien loin.
En effet, une nouvelle statue a été dévoilée au début du mois en Iran, dans le cadre d’une campagne sobrement intitulée par les membres du gouvernement Agenouillez-vous devant l’Iran. Et alors ? La belle affaire. Ce genre de représentation a été, à travers l’histoire, véritable monnaie courante dans le pays. Plusieurs bas-reliefs sculptés figurant cette même histoire ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Elle rappelle la défaite historique de l’Empire romain et incarne un symbole de fierté et de puissance nationale inaltérable dans le golfe Persique. Mais, au fait, de qui s’agit-il sur cette fameuse statue ?
De Chapour 1ᵉʳ et de Valérien, à en croire les déclarations officielles. Des noms qui ne parlent pas forcément à tout le monde ici et qu’il serait de bon goût d’introduire. Chapour 1ᵉʳ, c’est un roi issu de la dynastie sassanide, la plus longue dynastie perse n’ayant jamais existé. Au 3ᵉ siècle, il eut la fameuse idée de faire la guerre à Rome pour s’emparer de ses territoires en Mésopotamie (au niveau de l’Irak, la Syrie et la Turquie actuels). Ils lancent successivement des attaques victorieuses sur plusieurs villes. De là une prouesse retentissante : en 260, lors de la bataille d’Édesse, l’armée perse fait prisonnier l’empereur romain de l’époque, Valérien. La seule et unique fois qu’un empereur romain s’est fait capturer vivant. Ah, pauvre bougre !
L’empereur soumis, l’empereur pénitent, il y a là, il faut bien le reconnaître, de quoi faire un beau sujet. « La statue de Valérian reflète une vérité historique : l’Iran a été une terre de résistance à travers l’histoire », a déclaré Mehdi Mazhabi, chef de l’Organisation municipale d’embellissement de Téhéran. « En mettant en œuvre ce plan sur la place Enghelab, nous visons à forger un lien entre le passé glorieux de cette terre et son présent plein d’espoir. » continue-t-il.
Pour ce faire, Téhéran fait du neuf en acceptant de s’appuyer sur des images préislamiques, acte qu’elle considérait auparavant comme tout à fait proscrit. Après les attaques américaines de juin dernier, après, encore, l’éprouvante guerre de douze jours qui à opposé l’Iran à Israël, les dignitaires iraniens veulent, sans doute, raviver le tison nationaliste et glorifier l’histoire ancienne de l’Iran afin de promouvoir l’unité. On a par exemple vu, quelque jours après le conflit avec Israël, une gigantesque fresque murale installée sur la place Vanak représentant une figure du folklore perse, Arash L’archer, tirant des flèches aux côtés des missiles balistiques iraniens. Une statue a aussi été érigée en son honneur sur une place de Téhéran.
Et la West Asia News Agency, organe de presse iranien, de souligner que « le but de cet événement est de mettre en lumière la force historique de l’Iran et ses succès sur les puissances occidentales. » A priori, c’est bien le moins que l’on puisse dire. Au-delà de la statue, il y a eu, pendant la cérémonie, des récits visuels d’autres pages glorieuses de l’histoire de la puissance iranienne qui sont également exposées à côté de cette statue, parmi lesquelles : la défaite des Britanniques face à Rais Ali Delvari, la résistance des Iraniens contre les Tsars sous la direction de Mirza Kouchak Khan, la bravoure de Surena face aux Romains, et la résistance de Mir Mohanna contre les Néerlandais. Le tout, devant un large public. Un riant programme.
Visuel principal : Photo d’un camée représentant Chapour 1er vainqueur de l’empereur Valérien à la bataille d’Edesse, 260 après J-C. © Marie-Lan Nguyen 2006