Cette année, le Week-end à l’Est est consacré à Erevan, la capitale de l’Arménie. Du 20 au 30 novembre 2024, une quarantaine d’événements sont proposés dans le 6ème arrondissement de Paris. Brigitte Bouchard est la directrice artistique du festival.
Brigitte Bouchard : Je suis d’abord éditrice. Mon bureau faisait face à la Librairie Polonaise. Un lieu qui périclitait un peu. Cela m’a interpellé en particulier au moment de la venue à la librairie de Roman Polanski. J’ai aussi des attaches personnelles avec la Pologne. J’ai donc contacté Vera Michalski, propriétaire de la Librairie Polonaise et fondatrice des éditions Noir sur Blanc qui se consacre à la littérature de l’Est. Ensemble, nous avons eu l’idée d’un festival littéraire puis multidisciplinaire consacré à l’Europe orientale. Nous voulions aussi promouvoir un projet culturel dans le 6ème arrondissement. Le format «week-end» nous a plu. Des guides touristiques proposent de découvrir une ville en un week-end, cela peut aussi être le temps de s’initier à la culture d’un pays.
BB : Le but est de créer du lien alors que l’actualité est marquée par les conflits et les menaces sur la démocratie. Notre festival n’est pas politique, mais il est engagé. Nous avons bénéficié de l’aide du ministère de la Culture de l’Arménie, mais nous restons indépendants. La fraternité, la solidarité des artistes arméniens et de la diaspora m’ont beaucoup touché. Les artistes font beaucoup pour aider leur pays.
BB : Le concert consacré à Hover, chœur de chambre d’État d’Arménie, pour découvrir les œuvres de Komitas, le prêtre qui a sauvé et restauré le patrimoine musical arménien. Mais aussi l’hommage à Charles Aznavour, les rencontres avec l’écrivaine Pinar Selek. Sans oublier la marraine du festival, Rima Pipoyan qui nous proposera ses créations chorégraphiques.
BB : Oui, la mémoire du génocide est très présente dans la littérature arménienne. On peut citer en particulier Pinar Selek et Dans les ruines, l’œuvre testimoniale de Zabel Essayan.
BB : C’est surtout un récital de poésie, afin de mettre en lumière la poésie de Manouchian qui n’est pas très connue. La lecture théâtrale des poèmes de Manouchian est mise en scène par Hovnathan Avedikian avec la participation de son père Serge Avedikian. Claire Mouradian viendra parler de Manouchian à la bibliothèque André Malraux en tant qu’historienne de l’art.
BB : Les meurtrissures et blessures accumulées dans l’histoire sont très présentes dans la littérature arménienne. Hovik Afyan parle du Haut Karabakh dans son roman Rouge publié un mois après la fin de la deuxième guerre. Un couple décide d’y retourner, de vivre au contact de l’ennemi, une histoire d’un combat sans fin.
BB : Oui, tous les arméniens ont fui. Il y a eu 6000 morts ! À ma connaissance, tous les réfugiés ont pu être accueillis. Personne n’est resté à la rue. Il y a eu un grand élan de solidarité.
BB : Il y a beaucoup de jazz, grâce à notre parrain André Manoukian. Mais la musique classique et la composition arménienne sont aussi présentes avec le Chœur Hover et le duo Khachatryan. Les instruments traditionnels ne sont par oubliés et Ruben Kniasian nous fera découvrir le Duduk et le Shevi.
BB : Oui, c’est le film muet Chor and Chorchor d’Hamo Beck-Nazarian qui date de 1926. C’est une comédie assez unique, avec un coté épique. Le violoncelliste Artyom Manukyan va venir jouer, donnant au film une énergie nouvelle.
BB : Le film de Tamara Stepanyan, Village de femmes décrit un village dont tous les hommes sont partis. Celui d’Inna Mkhitaryan Tonratun montre comment la parole de ses femmes se dévoile autour de ces fours à pain traditionnels. Elles sont la mémoire vivante de l’Arménie. Dans ces villages où le patriarcat reste très fort, la parole se libère autour du tonratun. Les femmes peuvent exprimer leur souhaits, leurs craintes, leurs secrets.
BB : C’est assez contradictoire. Je suis allé à Erevan avec le commissaire aux arts visuels. Les artistes sont très engagés, mais ils sont assez isolés, sans agents ou galeries d’art. Il n’y a pas de véritable réseau organisé. Pour les jeunes il y a le centre AHA qui travaille à promouvoir les arts visuels, à créer des synergies. Mais le festival accueille 23 artistes, c’est beaucoup. Certains vivent en France, mais mériteraient d’être plus connus. Je pourrais citer The Part of Communication de Khachatur Martirosyan qui a imaginé un espace spirituel en noir et blanc. La photographe Nazik Armenakyan nous sensibilise à la souffrance des femmes atteintes par le VIH, souvent rejetées par la société.
BB : Cela serait un message d’union de la communauté humaine, par-delà les frontières. Il faut soutenir les artistes venus d’Arménie, ce pays à la croisée de l’occident et de l’orient. Ainsi venir au festival pourrait créer du sens pour les visiteurs !
Visuel(c): Affiche du festival