Big 2025 : l’élan French Touch à maturité ?

Qu’est-ce que la French Touch aujourd’hui ? Où en est le mouvement ?

Nicolas Parpex : « La French Touch, aujourd’hui a atteint une certaine forme d’échelle et de maturité. Ça fait cinq ans et demi qu’on a lancé cette initiative et tous les indicateurs montrent qu’il y a eu une belle construction. On a déployé 8,5 Mds de financements et on a soutenu 17 000 mille entreprises, de la TPE culturelle jusqu’aux leaders mondiaux.

Nous sommes présents dans les plans de financement de toutes les plus belles entreprises de l’économie créative française. Pour ceux qu’on peut citer en fonds propres, on a quand même quelques champions et quelques têtes de pont : Jacquemus, Média Participations, Fédération, Mediawan, Ateliers de France…

Pour ce qui est du mouvement, l’ambition est de faire émerger un récit commun des écosystèmes créatifs en animant une communauté, en faisant des événements, des partenariats, de la com… Et là aussi, on atteint une certaine forme de maturité et d’échelle : 5e édition We Are French Touch au mois de novembre, on a pris nos marques à l’international avec SxSW, on déploie de multiples partenariats…

Ce qui sous-tend cette initiative, c’est cette conviction d’une dynamique collective, d’enjeux communs, de valeurs à travailler ensemble, qui a été validée et confirmée, y compris dans les moments de crise. Aujourd’hui encore, dans un monde instable, tout ce qu’on porte — dynamique collective, innovation — reste valide. »

Quel est le lien entre Big et la French Touch ? Quelle place y tiennent les industries créatives ?

Nicolas Parpex : « Big, c’est le grand événement holistique de l’entrepreneuriat. Chaque année, on a un programme à Big qui est quasiment aussi important qu’à We Are French Touch…. On a une centaine de speakers tous les ans, c’est un énorme travail éditorial.

La French Touch à Big, c’est un espace où on donne de la visibilité au sujet de l’économie créative. Elle représente 5 % de la richesse nationale, du soft power, de grands champions, des grands créateurs…

C’est normal que l’économie créative ait une place importante dans le récit entrepreneurial français au global. »

L’IA, une thématique qui sera très présente à Big, bouleverse les industries créatives. Comment concilier soutien à l’innovation et protection des créateurs ?

Nicolas Parpex : « C’est probablement la transformation la plus existentielle et impactante qu’ait connue l’économie créative, au moins depuis le digital… C’est fondamental. Notre vision, c’est que c’est une opportunité pour les créateurs et pour les entreprises créatives en termes d’efficience, de productivité, mais aussi de créativité…

Ceux qui n’utiliseront pas l’IA, qui n’auront pas acquis la capacité d’utiliser ces outils de façon performante seront honnêtement à la traîne.

On a un appel à projet spécifique pour accompagner la transformation l’économie créative sur ces sujets. On a de quoi financer de beaux projets, et on est absolument convaincus que les points d’impact sont sur toutes les chaînes de valeur, de tous les secteurs, de l’idéation à la distribution, du cinéma à la mode, en passant par le jeu vidéo… Ca va créer une ligne de démarcation extraordinaire.

Mais on ne peut pas le faire n’importe comment… Il y a des enjeux de traçabilité, de rémunération, de biais, d’impact climatique, de souveraineté… La liste des challenges à relever est longue.

Mais il faut garder en tête que l’IA n’est pas une fin en soi. Le succès viendra si l’on met le talent créatif humain au centre, et si l’on utilise ces outils comme des outils, pas comme des substituts ou des fraudes. L’économie créative n’a jamais été une affaire de volume. »

Comment passe-t-on de la création artistique à l’industrie créative ?

Nicolas Parpex : « Tout acte créatif s’inscrit aujourd’hui dans le monde économique. Notre vision, c’est qu’il y a un chemin vertueux… Quand la création est entourée de managers, de partenaires, d’actionnaires, de financeurs, etc. on a un écosystème qui permet à une création artistique de trouver le maximum d’audience, d’impact et de réalité économique.

Ce qui me frappe, c’est qu’aujourd’hui, les manières de passer de l’un à l’autre ont été totalement bouleversées par la modification des modes de distribution et d’accès à la culture et aux produits culturels par les réseaux sociaux. La creator economy va converger avec le monde de l’économie créative.

Le downside de tout cela, notamment dans la musique, c’est que ça crée des carrières accélérées très vite, très fort mais aussi moins durables… »

Beaucoup d’acteurs culturels restent fragiles, notamment dans le contexte actuel… Quels leviers mettez-vous en place pour les soutenir ?

Nicolas Parpex : « Oui, si on regarde l’environnement de marché et l’environnement global, et si on fait la somme de tout ce qui est menaçant, de tout ce qui est difficile, on ne va pas dire qu’on est dans un haut de cycle…

Mais à l’échelle individuelle et des entreprises, ce sont aussi des périodes de refocus, de priorisation stratégique, d’adaptation des moyens, d’optimisation et aussi d’efficience opérationnelle.

Le plan French Touch est un outil systémique qui doit avoir des effets bénéfiques en haut comme en bas de cycle. En haut, on accélère. En bas, on apporte de la résilience.

Tout cet argent déployé et injecté dans l’économie créative, c’est un facteur de résilience. »

France 2030 a-t-il permis à la France de s’imposer sur la scène internationale ?

Nicolas Parpex : « C’est encore un peu tôt pour le dire. Mais les premiers signaux sont très positifs.
Ma conviction profonde, c’est que ce programme a été une chance exceptionnelle pour le tissu créatif français. Exceptionnel parce qu’il a porté sur l’innovation, le développement international, la transition écologique… Tous les bons sujets !

Pour la première fois dans l’histoire des politiques économiques culturelles, on a eu une approche transversale et multisectorielle.

On mesurera avec un peu de distance ce que sont devenus les grands projets d’innovation et de transition écologique qui ont été financés.

Mais les premiers retours sont très positifs. Il n’y aura aucun regret à avoir sur le fait d’avoir engagé l’économie créative française dans ces sujets. »

Quels sont les grands chantiers pour que la France reste une puissance créative reconnue internationalement à l’horizon 2030 ?

Nicolas Parpex : « D’abord, continuer de s’appuyer sur le talent créatif. Mais ça ne se décrète pas. Pourquoi Simon Jacquemus est-il devenu un des plus grands créateurs de la mode française ? Il y a une part de mystère… Mais il faut créer les conditions de l’émergence. Ça veut dire un pays apaisé et tourné vers la lumière… Et aussi préserver l’écosystème de formations et d’écoles de création.

Ensuite, il faut prendre les grands sujets de transformation : innovation technologique, transition écologique, impact positif…. Ce sont des sujets dépriorisés, mais ceux qui ne les traiteront pas prendront beaucoup de retard.

Enfin, un grand talent créatif mal entouré ou qui n’a pas su créer autour de lui un contexte économique viable finit toujours par un échec. Il faut conscientiser que la qualité d’exécution, le sérieux managérial, business, financier, tout ce qui entoure ce territoire créatif est absolument fondamental. »