La 75ᵉ édition de la Berlinale, qui se tient du 13 au 23 février 2025, est marquée par une atmosphère politique particulièrement tendue. À quelques jours des élections fédérales anticipées, les artistes présents au festival n’hésitent pas à prendre la parole pour dénoncer la montée de l’extrême droite et défendre les valeurs démocratiques.
L’Allemagne traverse une crise politique majeure. En décembre 2024, le gouvernement d’Olaf Scholz a été contraint de dissoudre le Bundestag après l’éclatement de la coalition entre le Parti social-démocrate, les Verts et le Parti libéral-démocrate. Ce bouleversement a ouvert la voie à des élections anticipées, prévues le 23 février 2025, au moment même où la Berlinale bat son plein. L’Alternative für Deutschland (AfD), parti d’extrême droite, connaît une ascension fulgurante, dépassant les 20 % d’intentions de vote dans certains sondages. Cette progression, alimentée par un discours nationaliste et anti-immigration, inquiète de nombreux acteurs du monde culturel et intellectuel. L’AfD a récemment été placée sous surveillance par l’Office fédéral de protection de la Constitution en raison de ses liens avec des mouvements néonazis et ultra-conservateurs. Face à cette montée en puissance, les partis démocratiques tentent d’unir leurs forces pour éviter un basculement de l’Allemagne vers un scénario politique inédit depuis l’après-guerre.
Depuis sa création en 1951, la Berlinale s’est imposée comme un festival résolument politique. Que ce soit à travers sa programmation ou les discours de ses participants, l’événement berlinois a souvent été un miroir des tensions sociétales. Cette année, alors que l’Allemagne se prépare à un vote décisif, la dimension politique du festival est plus prégnante que jamais.
Dès la cérémonie d’ouverture, le ton a été donné par l’actrice britannique Tilda Swinton, qui a reçu un Ours d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Dans un discours engagé, elle a dénoncé les dangers du nationalisme et la complicité des gouvernements face aux crimes de guerre, appelant à une solidarité sans frontières. Tilda Swinton a dénoncé avec force « les meurtres de masse organisés par des États, permis à une échelle internationale, (qui) terrorisent actuellement plus d’une partie de notre monde ».
L’actrice en a profité pour fustiger les prises de position du président américain Donald Trump et a tenu à « apporter [sa] solidarité indéfectible à tous ceux qui reconnaissent l’inacceptable complicité de nos gouvernements, avides, qui fraternisent avec ceux qui détruisent la planète et les criminels de guerre, d’où qu’ils viennent ». En rappelant l’importance du cinéma comme espace de résistance, elle a souligné la nécessité d’une prise de conscience globale face aux dérives autoritaires et aux violences perpétrées dans différentes parties du monde.
À cette prise de parole, le président du jury, Todd Haynes, a ajouté : « Nous traversons une crise particulière aux États-Unis, mais aussi dans le monde entier » et qu’après « l’inquiétude et la stupeur » des premières semaines de l’investiture de Trump, « la manière dont nous allons procéder pour réunir les différentes formes de résistance […] fait encore l’objet d’une réflexion ».
Enfin, l’actrice emblématique Hanna Schygulla, 81 ans, a également livré un discours poignant, rappelant les dérives nationalistes du passé : « Sortons de cette identification nationale », […] cela a toujours été des mensonges et de la manipulation. Nous devons tous être prêts à nous opposer à cela », a-t-elle déclaré sous les applaudissements du public.
Alors que les Allemands s’apprêtent à voter, la Berlinale rappelle que l’art et la culture sont des outils essentiels pour préserver la démocratie. Dans une période de crispation politique, le festival de Berlin se positionne comme un espace de résistance, où le cinéma devient un moyen de lutter contre l’intolérance et la désinformation. Les prochaines semaines seront décisives pour l’avenir du pays. Reste à voir si cet appel des artistes sera entendu dans les urnes.
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