Bashung ose Madame au Théâtre du Rond-Point

Un « chaud » total

Sur scène, l’ouverture est équestre : les musiciens en quatuor du Rainbow Symphony orchestral, portent des queues de cheval et les trois stars de la soirée arrivent sanglées par des larges ceintures de cuir, de la manière la plus cavalière qui soit. Dans le phrasé, cela donne pas mal de vannes un peu vaches, mais aussi très gaies… Corinne, alias Sébastien Vion, roucoule un peu dans le noir contre le velours des rideaux du Théâtre du Rond-Point. On sent pour lui, comme pour ses comparses, que c’est un plaisir intersidéral d’être là. Le spectacle atterrit dans ce cocon magnifique, parfait pour un hommage, ô combien musical, à Alain Bashung. Le principe est simple : accompagnés par le quatuor, un guitariste génial et une pianiste tout aussi merveilleuse, les tours de chant et de piste s’enchaînent avec moult déguisements et blagues. Les moments de pause et d’entracte nous sont également dévoilés. Et puis il y a aussi des moments de cirque, de voltige et un programme vidéo absolument bluffants. Il n’y a évidemment pas de quatrième mur dans ce spectacle, où le public est parfois invité à fumer des clopes avec les performeuses, et où nous communions toutes et tous ensemble, avec la musique de Bashung.

Les voix sont sublimes : aussi bien la basse chaleureuse de Brenda Mour que les aigus extraordinaires de Patachtouille. Le maquillage  et les costumes sont à la hauteur du challenge  : paillettes, volutes, fumée, et un petit côté années 1930 qui apporte encore un peu d’épices à ce spectacle très, très travaillé.

Oser un Bashung Queer

Honnêtement, le pari de mettre en scène Bashung, 15 ans après sa mort, dans un spectacle festif et queer, était osé. Même pour « Madame » Corinne, qui sait, sous ses perruques courtes, sur ses mini-plateformes et avec son short pailleté, distiller au cœur même de sa « bitch attitude » un soupçon de virilité classique. Quel meilleur match que cette créativité débridée, rehaussée de guitare électrique, pour faire ressortir tous les sucs de la musique de Bashung ? Un Alain Bashung si intime qui a été mucho macho, mais aussi tellement dans l’interstice et l’ambiguïté…

Les mots du chanteur glissent quand les remarques parfois triviales de nos trois divas achoppent. Et pourtant, quelle liberté commune ! Quelle beauté que le corps du circassien pour « Volutes », et le jeu du manteau de latex et du réverbère pour la réinterprétation poétique et grave de « La nuit je mens » par Corinne. Oui, avec cette troupe de grands artistes, Bashung ose enfin ÊTRE Madame, après en avoir si bien chanté les fantasmes et les audaces. Allez les retrouver notamment pour faire la fête, car certaines dates s’accompagnent de DJ sets au bar du Théâtre !