Bardot. Scandaleuse, joueuse et surtout courageuse. Lumière furieuse qui crève l’écran, pourtant planquée dans l’ombre pour échapper aux charognards. Après avoir donné sa vie pour ses grands combats – la liberté et l’amour comme moteurs –, elle prête aujourd’hui sa voix, à plus de 90 ans, dans ce documentaire rythmé et vertigineux, où elle parvient même à demander pardon pour ses failles et ses mots parfois de travers. BO qui déhanche, images d’archive à l’émotion intacte, la «Reine Bardot », comme disait Marguerite Duras, n’a eu en réalité qu’une carrière très courte. Tout ça, c’était du cinéma. Car sa plus grande fierté, c’est son combat pour les sans-voix, les innocents, les animaux. Toujours là, Toujours brûlante, Bardot revient à l’écran le 3 décembre. Pour dire vrai, une dernière fois.
Quatre ans pour faire ce film. Le co-producteur Nicolas Bary l’a confié lundi 1er décembre, avant-première oblige. Rien d’étonnant : toucher à un mythe, c’est jouer avec le feu, convoquer des orages et des dieux en colère. Mythe au soleil noir : Bardot. La beauté indomptée, affranchie, face à cette cage dorée qu’est la célébrité. Prison et poison, lumière et malédiction. Rêve ? Réalité ? Le film glisse élégamment entre les mondes : images d’archives lumineuses où les sourires insouciants contrastent avec l’époque corsetée, moraliste d’après-guerre ; dessins d’animation hypnotiques et vibrants, mélange fou de pop 60’s et de traits futuristes ; scènes fictives d’une Brigitte réinventée façon biopic. La BO ? Envoutante, comme Bardot, signée Laurent Perez Delmar. Entre compositions originales et reprises inspirées : le très beau duo Madame Monsieur reprend Initials B.B., la chanteuse Selah Sue réinvente Harley Davidson pour l’occasion. La star par des stars. Chacun raconte : Naomi Campbell, Stella McCartney, Paul Watson, Claude Lelouch, et d’autres encore. Sous l’image des papiers glacés des couvertures et des posters, il y a une femme nue. À vif. Sensibilité brute, qui n’a jamais pactisé avec l’artifice. Innocence et ferveur font œuvre commune. Elle n’a pas tourné le dos à l’amour, ni à la vie, même lorsqu’on a cherché à la broyer. Une société qui se rassure dans le masque et la bienséance l’a condamnée au crime de sincérité, au péché d’exister sans fard, sans filtre. Brûlante de vérité, tout comme ce documentaire. Célébrité subie, jamais choisie. À Saint-Tropez, derrière ses volets bleus, elle se cache, elle aime. Inconditionnellement. Les hommes ? Pas seulement, les animaux surtout. Les victimes silencieuses. Dans la fureur du glamour abîmé, une voix s’élève : le documentaire montre des images crues du mauvais traitement des animaux, nécessaires pour le fracas des consciences. Quand elle parle d’eux, c’est de nous qu’elle parle. À ses yeux, faire du mal à un animal, c’est lacérer l’humanité. Défendre la cause animale, c’est tendre la main à la paix, à l’amour. L’écouter, c’est se heurter à cette question qu’elle pose si simplement : « Qu’est-ce qu’être humain ? »
Raciste, Bardot ? Oui, elle a débordé. Elle a tenu des propos choquants, critiquant violemment des traditions de sacrifices des animaux dans certaines cultures. Avec beaucoup d’émotion, démontrant encore une fois sa sincérité dans ce documentaire où elle apparaît à l’écran toujours de dos, elle demande pardon. Et puis il y a autre chose, qui vient encore de son cœur : Joséphine Baker. Maison menacée de destruction, ses onze enfants au bord de la rue. Une seule qui bouge, une seule qui crie à l’injustice : Bardot. Insaisissable, entre maladresse et grandeur, prête à tout pour l’autre, quand sa boussole intérieure hurle. Joséphine Baker témoigne : éternelle gratitude pour cette femme qui, sous les projecteurs, n’a jamais hésité à s’exposer.
Féministe, Bardot ? Non, elle n’a jamais joué la carte militante revendiquée. Mais elle dérange, encore et toujours. Parce qu’elle fonce dedans, sans pitié pour les clichés. Elle montre son corps, elle vend sa beauté, elle pousse les préjugés moralistes à l’extrême. « Créature du diable », la cloue le Vatican. Mais qui est vraiment le diable ? La femme qui revendique son corps, sa liberté, et hurle pour les bêtes, ou bien ceux qui s’autorisent à juger, tout en massacrant éhontément la planète et la vie qu’elle porte ? Toujours excessive, jamais tiède, Bardot est incontrôlable, dérangeante, mais entière. On l’aime ou on la hait, mais elle reste là, à hurler, à bousculer, pendant que tant d’autres se taisent gentiment. C’est peut-être ça, le vrai courage. Preuve en est, c’est au plus haut de son apogée en 1973 qu’elle quitte définitivement le cinéma. Sa carrière aura duré une vingtaine d’années seulement. Sa plus grande fierté ? Sa Fondation pour la protection des animaux. Une leçon d’humanité qui déjoue les codes et qui fait du bien à regarder. Ni sainte ni diablesse, juste une femme qui a fait de sa beauté une arme et de ses failles un étendard. Elle ne joue pas les modèles, elle débarrasse la table. Une star ? Non. Un rappel : vivre libre, ça se paye.
Bardot, un film réalisé par Alain Berliner et Elora Thevenet. En salle le 3 décembre
Visuel : Affiche du film.