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Barbara Hendricks : « Je suis du côté du cœur»

par Yaël Hirsch
05.12.2023

La chanteuse Barbara Hendrick fêtait, cet automne, ses 50 ans de carrière avec un disque autour de Berlioz paru sur son label, Arte verum, et distribué en France chez Outhere Music. Au programme de cet enregistrement, accompagné par le Pori Sinfonietta dirigé par Jan Söderblom : Les Nuits d’été, Herminie et Cléopâtre. Nous avons eu la chance de rencontrer la chanteuse pour une lumineuse interview à l’Institut Culturel Suédois. Elle nous a parlé de sa voix, de son indépendance, de son répertoire et de ses engagements.

Ce n’est pas la première fois que vous enregistrez les Nuits d’été de Berlioz. Pouvez-vous nous parler de l’exercice de réenregistrer ?

Faire un enregistrement, c’est comme une photographie. Puis on évolue… 20 ans… 50 ans… 70 ans. C’est pour mesurer les changements que j’ai voulu réenregistrer l’œuvre. Pour l’une des interviews, on a même passé la version que j’avais gravée il y a 12 ans. Je l’ai reconnue tout de suite et j’ai réalisé que celle-ci est beaucoup plus courte.

 

Et comment avez-vous pensé enregistrer aussi les deux cantates Herminie (1828) et Cléopâtre (1829) sur ce même disque :

Ce sont deux œuvres (sur les quatre) que Berlioz a soumises au prestigieux prix de Rome, prix qui permettait d’aller se former en Italie. Pour la cantate Sardanapale (1830) avec laquelle il a fini par l’emporter, il a arrondi ses angles de compositeur pour mieux se conformer aux contraintes. Mais je trouve cette dernière cantate moins intéressante. Dans cet album, il y a un joli équilibre : il est dédié à Berlioz et il est composé de deux cantates avec un cycle de chants plus profanes. Cela forme comme un cercle. Et cela me relie aux vinyles, du temps où l’on écoutait la galette en entier, comme un cercle.

 

Le personnage d’Herminie endosse les habits d’un guerrier, d’un homme, pour aller soigner son amour. Vous sentez-vous proche d’elle ?

Oui je me sens proche de la passion dont elle témoigne. L’intrigue sur la conversion religieuse pour sauver l’âme de son amour nous parle peut-être un peu moins. En revanche, je crois que nous faisons tous encore des choses pour l’amour qui ne sont pas toujours rationnelles. Et, comme Herminie, je suis du côté du cœur. Il faut suivre le cœur…

 

 

L’enregistrement est issu d’une série de concerts qui ont lieu en 2016. L’enregistreriez-vous différemment aujourd’hui ?

Entretemps il y a eu la Covid qui a finalement eu un impact de près de trois ans. Pendant deux ans, en tout cas, je n’ai pas chanté, pas donné de concerts et j’étais en fait déjà dans un autre programme. Si je chantais le programme du disque ce soir, ce ne serait pas du tout comme sur le disque. C’est cela qui est extraordinaire : la musique est vivante… et heureusement ! Le public retourne dans les salles pour entendre de la musique vivante parce qu’il s’agit de quelque chose d’unique. Sur scène, je vis quelque chose qui est unique au monde. Et c’est la raison pour laquelle je demande aux gens de ne pas enregistrer et de ne pas prendre des photos pendant mes concerts. La seule chose que je souhaite, c’est d’être présente, de recevoir et aussi de donner à tous. Je veux transmettre le message de la musique de Berlioz, même et peut-être surtout à ceux et celles qui ont eu une journée de travail difficile et qui ne savent rien de Berlioz.

 

Avoir votre propre label, est-ce que cela vous rend plus libre ?

Cela a commencé comme la réponse à une frustration. J’étais dans une grande maison de disque qui, depuis, n’existe plus et qui m’interdisait d’enregistrer certaines choses pas assez « vendeuses » comme, justement les récitals ou la musique de chambre alors que c’est mon répertoire. Alors que les salles de mes concerts de répertoire étaient pleines, je pensais que cela pouvait au moins se vendre à ceux et celles qui venaient m’écouter. Je ne me voyais pas commencer à faire un disque parce qu’il pouvait plaire et se vendre, car cela ne fait pas partie de qui je suis. C’est comme cela que je me suis lancée, quelques mois avant la généralisation des plateformes de streaming. J’ai choisi un répertoire que j’aimais ; nous avons trouvé une salle de concert à Stockholm avec une acoustique parfaite pour moi. Nous étions les premiers à enregistrer dans cette salle et le prix était abordable. Nous avons commencé par un disque de mélodies espagnoles, puis a suivi Le Voyage d’hiver de Schubert. Nous avons fait ainsi 6 ou 7 disques. Mon contrat avec ma maison de disques se terminait six mois plus tard et personne ne m’avait contactée. J’imagine qu’ils pensaient qu’on allait juste continuer, que cela allait de soi. Mon producteur m’a signalé que certains collègues comme Jordi Savall avaient leur propre label et il m’a dit que je pouvais le faire et je me suis lancée sur ce répertoire un peu délaissé du récital. C’est comme cela que le premier disque du label Arte Verum est sorti en 2006. Cela n’a jamais été un hit financier, mais je me sens libre de défendre, chez moi, un répertoire de mon âge, qui m’importe et que je peux transmettre.

Est-ce que parfois les scènes des grands opéras, les costumes, le maquillage… vous manquent ?

Pas vraiment. Évidemment si l’on me proposait un rôle intéressant et adéquat pour ma voix aujourd’hui, j’y réfléchirais. Mais je n’ai jamais aimé le maquillage et l’agitation juste avant que le rideau se lève. Je suis toujours arrivée très tôt pour me maquiller moi-même et j’avais envie d’être seule. In fine, je crois que ce qui est le plus important pour moi, c’est ce qui se vit en concert avec le public. Bien sûr, c’est une grande chance d’étudier des partitions, d’enregistrer des morceaux rares et de permettre de les réécouter. Bien sûr j’ai adoré enregistrer de grands opéras, mais la plupart des disques que j’ai enregistrés sont de la musique vécue.

En revanche, ce qui peut me manquer, c’est jouer de la musique avec des collègues, de musique classique, mais aussi de jazz et de blues. J’ai commencé à chanter à l’Église et à l’école ; nous chantions ensemble. L’après-spectacle, quand nous allions dîner avec les collègues, peut aussi me manquer. Mais finalement, le plus important pour moi, c’est d’être sur scène et que la musique vive entre le public et moi.

Et cette vie peut se passer de mise en scène ?

Même sur un format de 2 ou 3 minutes dans une chanson ou une mélodie, il y a toujours une mise en scène. Même sans costume, c’est un petit opéra qui se joue : la musique et les paroles induisent les mouvements.

Vous vous parlez plusieurs langues européennes, vous avez vécu dans plusieurs endroits sur plusieurs continents. Aujourd’hui, vous sentez-vous européenne ?

Oh, je suis citoyenne du monde. Bien sûr, j’ai mes racines dans un petit bled de l’Arkansas, au sud des États-Unis. L’expérience de la lutte pour les droits civiques m’a énormément marquée enfant. Et je n’ai jamais quitté cette petite fille. C’est elle qui enrage et qui s’engage en moi quand elle voit une injustice. C’est elle qui me donne de la force quand je suis un peu désespérée. Mais aujourd’hui, le monde est ouvert à moi. Mon passeport, c’est la musique et ma voix. J’ai passé plus de temps en Europe qu’aux États-Unis, mais je porte les deux cultures et deux expériences. La majorité de mon répertoire est européen. Je l’explique et je le transmets aussi aux plus démunis, depuis mes études à la Julliard. Brahms, Debussy, Berlioz, je leur explique que c’est une musique d’hommes blancs morts, mais que c’est beau. Je leur dis que je me suis sentie à la maison quand je les ai entendus pour la première fois, comme si je les connaissais, ces compositeurs européens disparus. C’est plus facile de s’y plonger quand on vit à Paris et qu’il suffit d’ouvrir la fenêtre.

 

Quand vous chantez pour des causes, comme celle de migrants comment vous sentez-vous ?

C’est évidemment très important parce qu’ils n’ont pas d’autre voix ! Les exilés, les gens forcés de quitter leur pays, comme le Tchad ou le Soudan, personne ne les voit, ils ne font pas la une des magazines. Je sais bien que je ne vais pas sauver les 35 millions de réfugiés de notre planète en chantant, mais si je peux changer les choses pour un enfant, pour une famille, cela en vaut la peine.

 

Parmi les rencontres que vous avez faites, quelle est la plus importante ?

Le travail que je fais comme ambassadrice de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés me pousse à rencontrer des grands du monde entier. J’ai échangé avec Nelson Mandela, Lech Waleza. J’étais aussi très proche de Kofi Annan, qui est mort bien trop tôt. J’aurais vraiment besoin de lui téléphoner, pour lui demander de m’aider à comprendre notre monde. Mais les rencontres les plus importantes sont celles que j’ai avec mon public. Nos conversations me définissent. Et elles forment le cœur de l’art. La littérature, la peinture et même, la nature sont des conversations. Avec le public, je sens parfois que nous sommes en train de vibrer avec quelque chose de plus grand que nous. Et que c’est de cet endroit où nous vibrons ensemble que jaillit la déclaration universelle des droits humains. C’est quelque chose qui nous rappelle que nous faisons partie de la famille de l’humanité.

 

Visuel : DR