Lancée le 19 juin, après les traditionnels vernissages VIP qui ont commencé le début de la semaine, la fameuse foire d’art de Bâle est ouverte jusqu’au 22 juin sur le site historique de Messeplatz. Avant sa version parisienne en octobre et sa première édition qatarie à Doha, prévue pour février 2026, Art Basel 2025 réunit 289 galeries issues de 42 pays dans sa ville d’origine, au bord du Rhin. Dans une ambiance ensoleillée mais sage, Art Basel 2025 marque un certain conservatisme des formes et avance des toiles de grands maîtres, avec un marché qui privilégie les valeurs sûres et diversifiées pour fonctionner à plein, malgré le contexte économique et politique international.
Cult.news était sur place et vous partage ses impressions, ses coups de cœur et ses recommandations de offs et d’évènements parallèles à ne pas manquer ce week-end.
On entre dans la Art Basel 2025 par la fameuse Messeplatz, où le rose est la couleur phare, avec l’installation de l’artiste allemande Katharina Grosse qui illumine l’espace central avec une immense structure pop et joyeuse. Et pourtant, si les finances de la plupart des galeristes ont en effet déjà de roses horizons ce jeudi 19 juin, jour d’ouverture de la foire au grand public, le poids de notre époque se ressent sur les œuvres choisies : les couleurs et le classicisme de leurs plastiques voudraient conjurer la violence et la peur ambiantes.
Le cœur du salon reste l’imposant hall principal, où l’on retrouve au rez-de-chaussée les plus grandes galeries du monde avec des oeuvres qui partent parfois à plusieurs millions : David Zwirner met discrètement en avant un hommage aux formes géométriques d’Albers, tandis que Luxembourg & Co présente parmi tout un arsenal de classiques du début du XXe siècle un rare et élégant Balthus. La galerie Mnuchin propose quant à elle un imposant Sam Francis, tandis que Anthony Meier expose un Donald Judd sculptural et une tapisserie récente de Gerhardt Richter qui contenue à caracoler en tête du marché.
Chez Cardi, deux Giorgio de Chirico réveillent l’imaginaire métaphysique, pendant que Ben Brown joue sur les contrastes avec un Boetti éclaté et un Fontana troué avec précision. L‘arte povera a la cote un peu partout dans la foire avec des cadres élégants et des formes intemporelles. Skarstedt propose entre autres un magnifique Balthus et une toile marquante de Joan Mitchell, Landau Fine Art fait sensation avec des œuvres de Kandinsky, Moore ou Campendonk tout en couleurs et modernité. Nahmad propose – comme à son habitude – un accrochage muséal autour de maîtres du XXe siècle. Et Marian Goodman met en avant une sculpture rare et sublime de William Kentridge. Et l’on retrouve Cy Twombly et Maurizio Cattelan chez Gagosian.
Plus audacieuse, la galerie Di Donna est peut-être la seule à suivre la grande tendance de la redécouverte des femmes surréalistes en mettant en avant le magnifique triptyque Sueno de Sirenas (1963) comme un retable dans un musée. De même, les transparences de Georgia Russel nous ont saisi·e·s chez Karsten Greve.
Sans dominer le salon, la photographie revient dans plusieurs accrochages de qualité et fait figure de medium d’avant-garde : Regen projects met en lumière l’américain Alvin Baltrop, pionnier du regard queer dans les années 1980, tandis que Nathalie Obadia présente des Andres Serrano de toute beauté.
Comme chaque année, Unlimited propose son lot de formats hors-normes avec 67 œuvres, dont un impressionnant Alambic signé Arman, une évidence de Mario Merz, un Buren et une installation puissante de Jaume Plensa dédiée aux droits humains.
Côté espaces thématiques, les rendez-vous habituels sont reconduits : Kabinett qui rend joliment monomaniaques certaines galeries ou Parcours qui gagne la ville jusqu’aux bords du Rhin. Ou encore les « Conversations » au sommet que propose la foire sur le marché de l’art et la création.
En marge de la foire, la satellite Liste fête ses 30 ans avec un accrochage exigeant, pointu et résolument multimédia. Installée à l’arrière du Hall 1, elle offre une respiration contemporaine, entre gestes radicaux et expérimentations sensibles. Mention spéciale aux photos de Georg Gatsas chez JUBG. Et c’est une première : Art Basel a son off dédié aux arts africains, Africa Basel. Cela se passe sur l’autre rive du Rhin, à Ackermannshof et se déploie assez élégamment dans deux galeries (sans clim !). Nous avons été marqué·e·s par les sculptures de Mohamed Ghassan et les pastels de Hammadi Ben Saad à la TGM gallery, les Laetitia Ky chez Lis10, ainsi que par les Barthélémy Toguo à la Galerie 38. Enfin, à sa troisième année d’existence et avec des films choisis par Martha Kirszbaum, le Basel Social Club est un incontournable de la vie nocturne bâloise jusqu’au 21 juin.
.. Ne manquez pas la monographie que la divine Fondation Beyeler dédie à la plasticienne lituanienne du XXe siècle Vija Cemmins, ainsi que l’exposition issue de ses collections qui permet de voir la Cène de Warhol aussi bien qu’une vingtaine de Picasso de toute beauté. Agrandi pour accueillir des oeuvres XXL, le Schaulager accueille Bass de Steve McQueen et Julian Charrière explore les fonds marins au Kunsthistorisches Museum.
L’édition bâloise de 2025 reste ainsi, malgré une certaine sagesse formelle, un point névralgique de la vie artistique mondiale, un incubateurs de réunions de galeristes et d’artistes et un révélateur des tendances du marché.
visuels (c) YH